Ces MétaNotes synthétisent les idées, propositions, tendances de plusieurs notes. Elles donnent un fil conducteur, et servent de balises pour favoriser la réflexion, l’émergence des Transports du Futur.
- MétaNote TdF 0 : l’origine
- MétaNote TdF 1 : les objectifs
- MétaNote TdF 2 : le marché
- MétaNote TdF 3 : la surveillance
- MétaNote TdF 4 : les énergies
- MétaNote TdF 5 : les entreprises
- MétaNote TdF 6 : la plate forme pour réaliser un système de mobilité
Derrière le terme de « donnée » se cache des activités, comme des déplacements, des commandes de marchandises, des trafics, mais également des états physiques comme la météo (très importante pour les modes doux), les polluants atmosphériques ou les places de parking, ou encore des informations construites à partir des données primaires comme l’accessibilité, les émissions de CO2 par colis transporté.
Dans un premier temps, la connaissance de ces données permet aux utilisateurs d’avoir « autorité » sur ceux qui n’ont pas cette connaissance. On peut rappeler que le mot « autorité » vient du mot « augere » qui signifie « augmenté », et qu’il a la même racine que le mot auteur. Celui qui a augmenté son savoir a une autorité (voir également ici). Ainsi quand les TIC permettent de connaître les bouchons ou les places libres de stationnement « avant les autres », cela donne un avantage, jusqu’au moment où tout le monde dispose de la donnée. Quand la connaissance est répartie, homogène, accessible à tous (ce qui est souhaitable), elle ne donne plus « autorité » à l’individu seul, mais elle permet d’accroître les connaissances au niveau de la société à condition que l’on développe de nouveaux outils, de nouveaux modes de gouvernance, incluant les citoyens. Sinon, cela ne servira pas à grand-chose et nous observerons une nouvelle fois l’effet rebond.
Ainsi, dans un deuxième temps, si on considère le système, la donnée temps réel peut permettre de développer des métamodèles globaux prédictifs (voir l’exemple d’IBM). Les mobilités réelles sont apprises, comprises, et dans une certaine mesure prédictibles : connaissances des flux, des modes utilisés, des remplissages, … Les réponses des utilisateurs à ce nouveau système de mobilité incluant les données sont également apprises : les effets rebond seront intégrés aux métamodèles. Il sera alors possible, dans une certaine mesure, de planifier à l’avance l’usage des infrastructures (parking, aire de livraison, répartition des voiries), des modes de transports, de mieux les utiliser, et globalement d’optimiser le système en redistribuant aux utilisateurs les données via des Assistants Personnels de Mobilités (APM, voir Cisco et SNCF).
Nous marchons ici sur une crête avec deux falaises de chaque coté : le risque de ne pas être capable d’optimiser le système en intégrant l’usage des données pour faciliter la multimodalité et l’usage de nos modes de transports actuels (voir métanote N°0), et le risque de s’engager dans une surveillance profonde des individus pour construire ces métamodèles (voir métanote N°4). Pourra-t-on garder le meilleur de la donnée et marcher sur la crête ?
Dès aujourd’hui, les citoyens acceptent, quelque fois par manque de connaissance, que certaines données leur appartenant soient utilisées par d’autres, essentiellement des sociétés privées : via le téléphone, les systèmes de billettique, les outils de recherche internet, les réseaux sociaux … Google annonçait récemment savoir qui vous êtes, ce que vous aimez (par ce que vous cherchez), et surtout ce que vous allez faire et où. Est-ce parce que nous acceptons, sous conditions, le partage des données quand les bénéfices sont supérieurs aux risques (estimés) ?
L’utilisation de la donnée pour construire de nouvelles mobilités est donc ici un révélateur d’un problème existant. Il nous faudra y répondre en associant les utilisateurs et la CNIL pour définir les frontières : quelles données, quelle fréquence d’acquisition, pourquoi faire, quel mode de gouvernance ?
La donnée permet d’augmenter le savoir du système, de donner des avantages, elle a donc une valeur économique. Elle crée un business via plusieurs modèles économiques. La donnée s’inscrit dans une chaîne : création « ex nihilo », transformation, hébergement, re-transformation, exploitations. Les acteurs impliqués dans cette chaîne sont très différents (public, privé, constructeur, opérateur telecom, opérateur transports en commun, collectivités, AOT, générateurs de mobilité et le citoyen), avec des objectifs et des valeurs également différents.
Les « maillons faibles » seront remplacés par d’autres dès lors que l’on pourra maximiser les profits générés par l’exploitation des données. De nouvelles entreprises privées pourraient être intéressées à générer les données manquantes car elles auront une valeur économique. Aujourd’hui, les données sont essentiellement produites par des outils, des infrastructures essentiellement publiques, dans des espaces publics ou par les citoyens eux-mêmes. Nous pouvons citer quelques exemples récents de création de données par le citoyen : pollution atmosphérique en prenant une photo, capteur qualité de l’air, congestion temps réel, place de stationnement, …
Et si la chaîne de la donnée se privatisait entièrement ? Et si des entreprises privées décidaient de créer elles-mêmes les données, comme Google avec Streetview : caméra privée, drone, citoyen traceur, robot traceur … ? Les technologies permettant de créer de la donnée et de la transmettre deviennent de moins en moins cher, de plus en plus puissant, rendant quasiment tout imaginable. Quelles utilisations de ces données ? Le marketing intrusif imaginé par Philip.K.Dick « nous deviendrons esclave de la publicité » pourrait se développer, la valeur générée par la donnée serait alors détournée de son but, faciliter la vie quotidienne des citoyens, pour devenir un intermédiaire d’aide à la vente.
Essayons alors de fixer des objectifs globaux à l’utilisation de la donnée. Comme la donnée permet d’optimiser le système, et non uniquement les actions individuelles, les objectifs devraient être également concerner le système :
- Atteindre des objectifs en terme de qualité de l’air, d’émissions de GES,
- Définir et atteindre des objectifs en terme de congestion à la fois pour les personnes (stress, qualité, temps) et la livraison des marchandises (performances économiques, qualité),
- Assurer des mobilités socialement équitables, nécessitant d’étendre dans tous les territoires incluant ceux peu denses, donc difficilement « rentables », les mêmes chaînes de données, les mêmes outils d’aide au management de la mobilité,
- Assurer la totale participation des citoyens à la définition des frontières indiquées ci-dessus, aux données identifiées, à l’utilisation des données, aux modes de gouvernance,
- Permettre de libérer au maximum l’innovation (s’inspirant des programmes américains et anglais) des acteurs économiques et des citoyens,
Quelle forme d’autorité pourrait alors utiliser ces données et les métamodèles permettant d’optimiser le système des mobilités, de les manager ? Comment s’adapter et utiliser nos autorités existantes : AOT, Collectivités, Conseil Régional, Département ? Là encore, essayons de fixer un cahier des charges de cette « nouvelle » autorité :
- Ne pas ajouter une couche supplémentaire, mais revoir les autorités existantes pour intégrer ce nouveau degré de liberté : les mobilités sont comprises, elles sont, partiellement, prévisibles, donc nous pouvons prévoir et organiser les infrastructures, les véhicules et les énergies en utilisant les données,
- Etre la moins intrusive possible, la plus légère possible, la plus transparente et compréhensible possible vis-à-vis du citoyen, et de tous les utilisateurs pour la livraison des marchandises,
- Ces derniers doivent pouvoir également utiliser les données, les modèles ; proposer de nouveaux outils pour améliorer leurs mobilités ; participer à la gouvernance via des outils collaboratifs à inventer,
Et si l’autorité finalement n’existait pas physiquement ? Elle pourrait se résumer à un système de collecte de données, de création de modèles de management des mobilités à plusieurs échelles des territoires, éventuellement d’une place de marché de certaines mobilités (personnes et marchandises), de mise en forme et de mise à la disposition des données et des modèles. S’appropriant ces nouveaux outils, la société, et les systèmes publics/privés d’organisation des transports existants, pourraient alors se ré-organiser (voir métanote N°6 sur la plateforme) pour atteindre les objectifs proposés ci-dessus.
Nous serons alors entré dans l’ère des mobilités 2.0. Les chemins, les méthodes et les organisations que nous développerons pour cela, seront tout aussi importants …