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Quel financement possible pour les transports publics ?

par Gabriel Plassat

Ce sujet largement étudié est éclairé par l'actualité récente. D'une part Veolia vient de décider de se séparer de sa branche transport car "le transport est une activité capitalistique et ne rentre pas dans nos priorités d'investissement", et d'autre part, le tarif unique en île de France soulève la question de son financement.

Une étude du Ministère – Direction générale du Trésor – propose plusieurs pistes de financement, dont la mise en oeuvre d'une taxe kilométrique pour les automobilistes qui pourraient alimenter les budgets dédiés aux transports publics. Cette option présenterait un des meilleurs potentiels. Et si pour revoir le financement des transports publics, il était nécessaire de penser l'intégralité du système de transport ?

Plus généralement, un des objectifs pourrait être de développer des outils de pilotage global des systèmes de transports, intégrant tous les modes, toutes les infrastructures, dont le stationnement. Il s'agit en fait de concevoir des mécanismes de "contraintes" et "récompenses" :

Pour cela, de nouveaux outils sont à inventer, exploitant le déluge de données. Ils seront conçus et adaptés en fonction des interlocuteurs : citoyen, entreprise ou collectivité. Ils permettront de mieux choisir les modes de transports, les lieux d'habitation ou de localisation, la mobilité ou l'immobilité, la possession des objets ou l'utilisation de services. Ils permettront également aux collectivités de connaître les mobilités réelles, de les prévoir plusieurs heures à l'avance, pour mieux gérer les modes de transports, pour adapter les tarfis en fonction de la demande. Toutes ces idées ne sont déjà plus des concepts, toutes ces idées existent déjà à travers le monde, mais de façon séparées, cloisonnées (voir des exemples ci dessous).

Les technologies associées sont donc disponibles. Il y a besoin d'innovations dans l'intégration en suivant plusieurs étapes :

1-Données multimodales, infrastructures, circulation, flux :

Mot clé : données, accès/création, normes/standards

Enjeux : créer, accéder, partager les données influentes sur les mobilités pour permettre de développer des systèmes experts optimisés en fonction des utilisateurs. Les verrous sont techniques (normes/standard), juridiques, institutionnels et politiques. L’ouverture des données publiques en cours (Etalab) indique la volonté de l’Etat. Des exemples comme Rennes montrent le potentiel en matière d’attractivité du territoire, de dynamique créée et d’applications développées.

Risques : ne pas accéder aux données publiques et certaines données privées peut conduire à réduire fortement le potentiel d’innovation et de création de services. Il y a également des risques concernant le respect des données privées, et le partage de données jugées confidentielles par certains acteurs. Dans d’autres cas, les usagers peuvent produire eux-mêmes certaines données (comme les horaires temps réel des trains) si elles ne sont pas mises à disposition. La question des normes et des standards est centrale pour développer des produits industriels facilement duplicables, et dans certains cas pour verrouiller certaines technologies associées. Sur ce point, l’AFIMB et la PREDIM sont des structures clés en France.

Modèles d’affaires : très difficile à établir compte tenu de l’absence de référentiel. En Europe, la mise à disposition des données générerait un CA de 27 Md€. Les villes ou états qui ont engagé ces actions comptent sur les développements réalisés par le secteur privé et par les citoyens pour améliorer leur attractivité sans forcement vouloir en tirer des bénéfices économiques directs. Les données sont un préalable pour passer à des outils expert. Ainsi, le modèle d’affaire pourrait être basé sur la mise à disposition de données (ainsi que la création de nouvelles données) qui alimenteraient des outils experts.

Exemples : De nombreuses villes américaines ont déjà lancées ces appels à candidatures : Code for America, Open Air Government. De nombreuses applications existent déjà : Transit Bay (USA, train avec application pour aveugles), EveryBlock (USA), The Original Parking Locater, Accessible Parking SF (USA), MuniApp (USA pour les transports), iCommuteSF (USA, pour les transports), BART Arrivals et Rail Bandit (USA, train), walkscore (USA), avec une synthèse aux USA. Des villes françaises ont également déjà libéré certaines données liées aux transports : Bordeaux (Google transit), Rennes (iRennes, vélo libre service, Keolis), Maubeuge (Google transit), i-Bordeaux, métro à Lyon.

Permettre aux citoyens de créer des données (trafic, routes pour vélo ou des traces ou ici, ou consommation réelle des véhicules, ou qualité de l’air par exemple), de faire remonter leurs avis, et de demander des actions correctives auprès des opérateurs de TC ou des industries.

2-Outil/Système expert utilisant les données :

Mot clé : Centrale de mobilité, assistant personnel de mobilité, outil de gestion urbaine pour une collectivité, outil d’aide aux changements d’organisation, de consommations ou de localisation (entreprises, ménages), outil de gestion  pour les pouvoirs publics (statistiques, modélisation, prévision).

Enjeux : l’accès aux données permet de développer des outils/systèmes experts adaptés en fonction des utilisateurs : soit pour obtenir une information temps réel, soit pour prévoir, soit pour faire des études paramétriques. La mise en place d’une centrale de mobilité alimentée par différentes sources d’informations dissociées et privées présente des obstacles organisationnels et contractuels (partenariats entre les différents acteurs concernés).

Risques : ne pas développer d’outil/système expert revient à ne pas exploiter un gisement de connaissance/savoir, d’autres (IBM, Cisco) sont déjà en train de s’organiser pour le faire.

Modèles d’affaires : Les modèles d’affaires sont très différents en fonction des utilisateurs : ventes, conseils, services, licences. Les outils/systèmes experts visés sont : Applications pour smartphone, Assistant Personnel de mobilité (citoyen, livreurs), outil de gestion urbaine pour une collectivité (management des mobilités), outil d’aide aux changements d’organisation ou de localisation (entreprises, ménages), outil de gestion  pour les pouvoirs publics (statistiques, modélisation, prévision).

Exemples : Des outils pour les flottes d’entreprises existent déjà : Greenroad, Arval, Identification des plus faibles : les comuters, les ménages US les plus fragiles aux futures augmentations du baril, Assistants Personnel de Mobilité connus : Projet Mobiville de l’Inrets, Cisco, Le compagnon de la SNCF, Vialsace, Avego (Irlande), i-Bordeaux. Pour les collectivités, les outils d’IBM « smart cities » sont en cours de développement avec des exemples à Stockholm, en Asie, pour notamment prévoir le trafic. L’objectif est ici d’optimiser les performances (transports, énergies, …) des différentes fonctions urbaines en donnant des outils de pilotage, de management.

Des solutions de tarification dynamique sont étudiées comme le road pricing, ou des tarifs de parking dynamiques.  Ceci nécessite d’avoir accès aux données et permet également de faciliter l’utilisation de nouvelle solution de mobilité.

3-Nouvelle solution de mobilité :

Mot clé : autopartage, covoiturage, transport à la demande, vélo-véhicule libre service, parking haut niveau de service, aire de livraison HNS, télécentre, e-commerce, livraison groupée, centre multimodal de distribution urbaine, solution de stockage/livraison de colis, tarification intelligente, solution d’assurances.

Enjeux : développer de nombreuses solutions de mobilité adaptées à des besoins spécifiques par des innovations sur véhicule+énergie+information+infrastructure à des niveaux technologiques, d’organisations, de tarifications, de billetiques,  ou d’assurances.

Risques : Ne pas développer de solution de mobilité alternative aux transports en commun existants et à la voiture individuelle possédée pose des problèmes pour assurer une mobilité minimale dans certains territoires, pour certains ménages, pour certains emplois et entreprises qui sont dès aujourd’hui en tension. A cela s’ajoute les questions énergétiques, environnementales. De nombreuses solutions se développent actuellement, d’autant plus que les données sont accessibles.

Modèles d’affaires : Les modèles d’affaires seront très différents selon les solutions : abonnement, tarif horaire, utilisation publicité, fourniture de services connexes, création de système de monnaie libre, … Il est indiqué dans le rapport des finances des départements que le covoiturage doit être développé avant tout pour des questions de finances publiques. Ces solutions de mobilité se diffusent dans le monde dans toutes les métropoles. Ainsi par exemple Europcar pourrait s’implanter en Chine via l’autopartage réalisé conjointement avec Daimler (Car2Go). Un risque découle du fait que pour être rentables, un certain nombre de ces solutions nécessite d’atteindre une masse critique d’utilisateurs, variable selon les territoires.

Exemples : autopartage classique type Zipcar (Zipcar non rentable à ce jour, malgré une présence mondiale, sans doute lié au besoin d’investissement dans les véhicules), autopartage avec des véhicules électriques type Autolib (rapport du CAS), autopartage entre particulier type buzzcar, covoiturage dynamique type Avego ou Megacarpool à Delhi (la rentabilité est liée à un effet seuil où il y a suffisamment d’offres/demandes, Megacarpool propose un système de point gagné quand on prend quelqu’un, utilisable pour aller un autre jour dans une autre voiture), partage d’un taxi (écotaxi, créée par Orange), transport à la demande… Cela touche également les infrastructures : parking communicant (application Navx), routes, gares, aires de livraison, arrêt de bus, borne de recharge électrique. Ces solutions de mobilité/immobilité vont utiliser des données, en produire d’autres, et auront besoin d’être lier entre elles pour offrir une solution globale dite intégrée de performances supérieures à l’automobile possédée.

4-Nouveau système de mobilité :

Mot clé : gouvernance mobilité, gouvernance transport et livraison de marchandises, tarification multimodales, billetique multimodale, solution d’assurances globale, smart city.

Enjeux : Intégration de plusieurs solutions de mobilité aujourd’hui réalisées en silos, permettant de créer une solution multimodale adaptée à chaque besoin, que l’on pourrait consommer sous forme de forfait. Il est alors question d’intégration de plusieurs solutions, de gouvernance, de management des mobilités pour les collectivités, de tarification, de billetique, et d’assurance.

Risques : Ne pas s’intéresser au système complet peut conduire à maintenir des solutions de mobilité en silo, indépendantes et sans doute non rentables. Cette approche intégrée offre des opportunités pour permettre de mieux utiliser toutes les solutions de mobilité, pour introduire d’autres vecteurs énergétiques, pour maximiser l’utilisation des infrastructures. Les bénéfices énergétiques et environnementaux peuvent être très importants (étude du MIT pour le Chine).

Modèles d’affaires : il n’existe pas dans le monde de système de mobilité complet à part à Séoul et Singapour.

 

Pensez le financement des transports publics nécessite de penser l'intégralité des modes de transports en considérant les véhicules, les infrastructures, et sans doute demain les énergies. La présentation ci dessous résume en 20 diapos cette vision systémique :

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