Accueil Petit précis sur les véhicules autonomes à l’usage des décideurs

Petit précis sur les véhicules autonomes à l’usage des décideurs

par Gabriel Plassat

L’annonce de Waymo avec Avis nous amènent à apporter quelques précisions sur les évènements en cours. Les technologies ne sont pas validées à ce jour, mais elles sont suffisamment avancées pour mettre en œuvre ce que les GAFA font le mieux : l’itération au plus près des futurs clients (Lire cet article le Fordisme, le lean et après) : passager, gestionnaire de véhicule. Tout commence maintenant en fait. En s’obligeant dès que possible à partir des usages, des pratiques, des besoins réels, Waymo et Apple s’engagent dans la conception de l’Operating System. Comme ce n’est pas la voiture qui est robotisée mais le conducteur, plus les liens seront nombreux, riches et denses, plus l’OS sera performant (Lire Le combat des O.S. commence). La probabilité que les voitures autonomes fournissent une source de mobilité est aujourd’hui très faible. Mais très fortes seront les conséquences si cela arrive pour les usagers, les contribuables et les salariés.

Dans un monde imprévisible, dont le cygne noir devient l’emblème, essayons d’esquisser les incontournables : ces actions nécessaires et gagnantes quelque soit l’avenir. A la naissance de l’automobile, nous avons crée une multitude de nouvelles industries même si les premiers produits n’étaient que des calèches à moteur thermique. Nous sommes dans la même situation.

musée de l’Automobile – Mulhouse

LES POUVOIRS PUBLICS

Au niveau local, national et européen, il faut considérer que nous sommes à la frontière de l’ innovation. Nous entrons dans des mondes inconnus. Il s’agit donc d’ouvrir le plus possible les opportunités et d’aider les explorateurs.

  1. BIODIVERSITE : Et donc il faut éviter (absolument) que l’industrie automobile capture tous les crédits alloués à ce sujet et tous les espaces pour parler, créer et développer car cela va assécher les futuribles. Il est fort possible que de nouvelles industries éloignées de l’automobile naissent comme lors du passage de la calèche à l’automobile (Lire Calèche < Automobile < ?). En ouvrant à toutes les parties prenantes intéressées, nous renforcerons la biodiversité de cet écosystème d’acteurs donc son « antifragilité« . En augmentant l’assise des parties prenantes, quelque soit l’avenir, nous réduisons notre dépendance au couple [moteur à combustion/pétrole].
  2. STABILITE : A l’inverse, il devient important de proposer un cadre accueillant (Lire cet article sur ce sujet) et une fiscalité (ensemble de contraintes et de récompenses) dès que possible pour donner une vision stable, compréhensible pour toutes les parties prenantes et cohérente avec les objectifs publics en terme de pollution, congestion, inclusivité, aménagement du territoire et autre. Pour la première fois dans l’histoire des transports, nous allons être capable de penser la fiscalité pour chaque trajet, et cela change tout. Ce travail sera dans tous les cas très utile dès maintenant pour tous les services de mobilités qui questionnent les anciens silos (transport public collectif, transport individuel privé).

LES INDUSTRIES des MOBILITES

Il devient désormais essentiel de partir des clients pas des technologies, ni des intermédiaires : Les vrais clients, ceux qui achèteront un trajet (car ça sera la majorité des ventes).

  1. L’AGE de la MULTITUDE : Chaque acteur peut étudier aujourd’hui les offres les plus proches de celles qui commenceront avec des dispositifs robotisés. Les constructeurs proposent par exemple du leasing, les opérateurs des abonnements. Quelles expériences proposez vous aujourd’hui à vos clients  ?  Comment pouvez vous passer d’une connexion une fois tous les ans à plusieurs fois par jour ? Un lien fort et engagé avec la multitude sera votre meilleur actif (Lire Le lien et l’attention). Etes vous en empathie avec vos clients ? comprenez vous (vraiment) leurs mobilité quotidiennes ? (Lire Le biais cognitif et l’empathie) Ce travail s’impose dès aujourd’hui, quelque soit l’avenir de la robotisation.
  2. LES ENTREPRENEURS : Transformer la culture de l’entreprise. Les organisations industrielles actuelles n’ont pas d’autres choix que de retrouver l’esprit entrepreneurial de leur fondateur dans une autre structure indépendante, un radeau pour construire le futur de l’entreprise mère. Les critères d’allocation des ressources devront y être réinventés, les schémas de décision et les organisations également. L’open innovation n’y sera un gadget mais au centre de pratiques construites autour d’une nouvelle raison d’être réinventée. Les nouveaux projets retenus pourront être considérés en même temps comme potentiellement concurrent et comme une nouvelle activité. Ce radeau pourra (devra) être en contact avec de nouvelles parties prenantes, plus agiles, plus légères, plus nombreuses, à la fois ouvertes et fermées, et plus variées aussi. Ce travail est à engager quelque soit l’évolution de la robotisation.
  3. LES MARCHES : Ré-inventer la mobilité par le numérique au lieu de numériser vos voitures. Le numérique est la nouvelle matrice à travers laquelle les jeunes voient le monde. Considérez la Chine comme l’avant garde de ces mutations. Les usages des véhicules électriques, des applications de mobilité y sont les plus développés. Ils ont découvert en même l’automobile et le smartphone, et ne pensent qu’à les fusionner (Lire cette fiction). Quelque soit le futur, engagez vous dès maintenant dans le design de produits et services parfaits (donc totalement transparent, beau, bon et vrai) !
  4. LES IMAGINAIRES : Il n’existe pas vraiment d’imaginaire des mobilités en dehors de l’automobile, train, avion. La vitesse, la puissance reste des marqueurs dans un monde fini. Qui, comment donner envie de s’alléger, de se déposséder, d’aller moins vite mais d’arriver plus tôt. Construire des systèmes techniques de mobilité ne suffit pas, il faudra prendre le lead sur les imaginaires (des jeunes générations) ou d’autres le feront. Quelles seront les prochaines utopies collectives ? pourquoi suivons-nous aveuglement l’utopie de la Silicon Valley ? (Lire Aux sources de l’utopie numérique).

ZERO TO ONE

En résumé, Il y a plein de raisons pour expliquer que ça ne marchera jamais, plein d’acteurs qui ont intérêt à ce que ça m’arrive pas, plein de règles, de procédures, de lois qui justifient que la situation actuelle est la meilleure. Les Véhicules Autonomes peuvent également conduire à des situations pas forcément meilleures qu’ aujourd’hui avec des véhicules qui tournent à vide par exemple. Finalement aujourd’hui tout va bien non ?

Mais il y a une toute petite fenêtre, difficile à voir et à atteindre, dans laquelle cette technologie ouvre des possibilités inédites pour des mobilités partagées efficients et inclusives à grande échelle, pour une évolution des villes sans conducteur et uniquement des passagers et des mobilités actives (Voir cette vidéo Heaven or Hell). Mais l’alignement des technologies, des acteurs, des décrets est totalement improbable. A moins que …

  1. Un malin génie rendit visite au président d’un certain pays et lui proposa le marché suivant : « je sais que votre économie est languissante. Je suis désireux de vous aider à la raffermir. Je puis mettre à votre disposition une invention technologique fabuleuse, qui doublera votre production intérieure brute (PIB) et le nombre d’emploi disponibles. Mais il y a un prix à payer. Je vous demanderai chaque année la vie de 20 000 de vos concitoyens, dont une forte proportion de jeunes gens et de jeunes filles ». Le Président recula d’effroi et renvoya son visiteur sans ménagement. Il venait de rejeter l’invention de … l’automobile. Cet extrait du dernier livre de Jean-Pierre DUPUY, l’avenir de l’économie, est régulièrement discuté dans l’enseignement de droit de l’Université de Yale, aux Etats-Unis.
  2. En 1890, un entrepreneur vous propose d’investir dans une solution de transport basée sur un carburant explosif venant d’un pays lointain. Le véhicule est équipé d’un réservoir de ce carburant et le conducteur sera assis dessus. Le moteur gérera la combustion de ce carburant avec de nombreuses pièces mécaniques. Cette technique est très chère, nécessite une fabrication sur mesure et aucun réseau de distribution du carburant n’existe à ce jour.

Le futur naîtra de nos créations pas de nos réactions.

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