Nombres d’entités publiques et privés, de la multinationale à la start up, des opérateurs de transports publics aux Telecoms, en passant par les constructeurs, tous annoncent la « fin d’une époque » en matière de transports. Est-ce la même époque pour tous ? quelles (r)évolutions ces acteurs sont-ils prêts à réaliser ? pourquoi et pour qui ?
Pour les fabricants d’automobiles, « la croissance n’est plus dans les marchés matures ». La Chine est l’un des lieux en fort besoin de voiture, les perspectives sont pour le moins attrayantes d’autant plus que les marchés matures, eux, ne le sont plus. Est-ce là bas le début d’une époque ? Certes il faudra concevoir selon les besoins locaux, mais les objets ressembleront aux nôtres, le transfert vers l’Asie aura été bienvenue pour ceux qui sauront s’y installer. Mais déjà, certaines mégalopoles asiatiques développent des outils politico-techniques pour réduire la part modale de la voiture et utilisent des approches intégrées. Des similitudes apparaissent avec les « marchés matures », mais les constructeurs ont développé des outils et des méthodes pour s’adapter aux besoins à ces marchés en croissance sous contraintes politiques : les innovations technologiques.
En Europe, à court terme, la situation est tout autre.
Les finances publiques et privées sont sous fortes tensions, la pression sur les émissions de CO2 structure les marchés, les contraintes territoriales réduisent la place de la voiture, et les effets générationnels complexifient le marketing. En conséquence, l’automobile possédée n’est plus LA solution unique, accessible à tous, bienvenue dans les villes, pour se déplacer. Donc les opérateurs de transports publics, les opérateurs telecoms, les acteurs du secteur banque/assurance (premier acheteur de véhicule léger), se positionnent pour accéder au poste d’opérateur de mobilité, et proposer des forfaits mobilités « similaires » au forfait téléphone. Pour eux, il s’agit bien d’une nouvelle époque, celle de la mobilité multimodale utilisant les technologies de l’information (TIC). Les chantiers sont immenses, et concernent les aspects techniques, juridiques, institutionnels et les modèles économiques.
Mais est ce que cette nouvelle voie sera disponible à tous ? au meilleur prix ? permettant atteindre des objectifs publics d’émissions de GES, pollution, congestion ? Rien n’est sûr aujourd’hui. L’opérateur de mobilité devra d’abord être rentable, tous les moyens seront bons. Ajourd’hui développés pour le marketing : RSE, philanthropie business, économie collaborative pourraient être intégrés dans des offres marchandes de plus en plus complexes.
Pour autant, l’intrusion des TIC et de l’ubiquité nomade permettent de (re)considérer entièrement le système des mobilités de (re)équilibrer la gouvernance. L’ère de la donnée, qui devient désormais stratégique, ouvre des opportunités à la fois pour les citoyens, les entreprises et l’environnement.
Le système des mobilités à considérer est composé, pour les marchés matures, de quatre éléments :
- des véhicules (du vélo à la voiture)
- des énergies (de la propulsion humaine aux fossiles)
- des infrastructures (des routes, voies ferrées, mais également parking, aire de livraison, ports, gares),
- des données liées aux transports (voir MétaNote N°7)
L’organisation et l’optimisation d’un nouveau système de mobilité 2.0, portant sur les quatre éléments, pourrait être lui basé sur trois objectifs :
- une gouvernance équilibrée : entre les citoyens et les pouvoirs publics avec plus de participation ouverte, entre les acteurs publics et privés, entre la surveillance (voir MétaNote N°3) et la connexion permanente aux réseaux, entre l’individuel et le collectif, entre tous les modes impliquant un nouveau partage des voiries. Faisant appel à des plateformes collaboratives étendues, les différents acteurs pourraient se fédérer sous des formes juridiques à inventer pour atteindre des objectifs globaux, sous contraintes économiques en (co)exploitant les infrastructures à leurs dispositions, en (co)gérant les données publiques et les modèles associés.
- une équité d’accès : les solutions devront également être accessibles aux plus fragiles financièrement, aux plus dépendants de l’automobile, aux moins connectés, dans tous nos territoires, pour toutes les générations, pour que la mobilité 2.0 ne soit pas celle des plus favorisés. Ainsi chaque solution pourrait être évalué en terme d’équité sociale, les marchés publics pourraient contenir simultanément des objectifs de performances environnementales et économiques dans les zones denses, et des objectifs d’aménagement du territoire dans les zones peu denses.
- une transparence totale des performances environnementales, économiques et sociales de toutes les solutions envisagées : permettant d’instaurer la confiance, de réduire l’asymétrie d’informations entre les acteurs économiques et les consommateurs, de produire des indicateurs de performances réelles, ce qui permettra naturellement de ne retenir que les solutions les mieux adaptées. Le développement de forfait de mobilité pourrait conduire à des offres opaques, non comparables (i.e. banque, telecom).
Plusieurs règles, gagnantes quelque soit l’avenir, peuvent alors être proposées :
- l’objectif est de mieux utiliser les objets, de faire mieux avec ce que l’on a, les performances du système seront alors supérieurs à la somme des parties,
- tout gain sur les objets (permettant de réduire le coût, d’augmenter l’efficacité) ou sur le système (augmentation du potentiel de mobilité) doit être quantifié, co
mpris et partagé entre les acteurs (citoyens / société) pour atténuer et maîtriser les effets rebond. Cela peut même passer par une augmentation des taxes. - toute solution comporte généralement simultanément des effets négatifs économiques, environnementaux ou sociaux qu’il faut à minima identifier, analyser et comprendre, puis compenser et maîtriser.
Nous sommes assurément à un changement porté conjointement par de nouvelles technologies de l’information qui offrent des opportunités notamment en matière de changement d’usages, par des marchés saturés et des marchés « qui restent à saturer », par des contraintes économiques, environnementales et demain sociales et énergétiques.
Il existe des chemins permettant de d’améliorer simultanément les gains environnementaux et énergétiques, les bénéfices économiques et la compétitivité des entreprises, ainsi que l’équité d’accès aux transports et la réduction de la dépendance à l’automobile. Les jeux d’acteurs sont complexes, à la fois indépendants et liés. En Europe, mais également dans les mégalopoles mondiales, chacun dépendra de l’autre pour construire des alliances et proposer des offres systémiques. Est-ce que le consommateur et l’environnement en sortiront finalement gagnant ?
La question reste souvent la même : que ferons nous des gains et bénéfices obtenus par ces nouvelles solutions ? seront-ils redistribués équitablement ?
1 commentaire
Bravo pour l’article, très intéressant. J’ai toutefois un commentaire sur un acteur du transport urbain qui m’est cher: la moto.
L’europe a déja une longueur d’avance sur le Canada avec l’adoption de la moto comme réel transport urbain. Vous avez des infrastructures pour supporter lutilisation de la moto et c’est tant mieux. La moto est écologique, économique et compacte. Elle diminue la densité du parc automobile et facilite la circulation urbaine. Elle pollue peu et est facile à entretenir. Chez nous, au Québec, le gouvernement tente par tous les moyens de dissuader les gens d’avoir des motos. J’espère sincèrement qu’un jour, nos gouvernements finiront pas copier le modèle européen.