Accueil Le passage de l'objet à la fonction puis à l'accès, opportunités et risques

Le passage de l'objet à la fonction puis à l'accès, opportunités et risques

par Gabriel PLASSAT

Plusieurs notes ont déjà été rédigées sur la transition de l'objet véhicule au service de mobilité. Parmis les avantages, nous pourrons retenir en priorité que, ne pas posséder de véhicule peut conduire à accroître l'efficacité énergétique, car le mode, public ou privé, individuel ou collectif, deux roues à 4 roues, est mieux choisi. Le passage à des services de mobilité ouvre le monde de la multimodalité fluide en temps réel rendu techniquement possible par les TIC. C'est donc une chance pour l'environnement, le citoyen, et également pour les entreprises, si ces dernières acceptent de revoir "leur ADN" comme le propose le MIT dans Reinventing the Automobile : véhicule léger et efficace, connecté aux (différents) réseaux, éventuellement électrique, conçu pour s'inscrire dans des systèmes de mobilités. L'objet n'étant plus dédié à des particuliers, la conception peut être revue et, à l'économie de la fonctionnalité s'ajoute celle de l'économie circulaire. Cette synergie (détaillée ici) permettra de cumuler les bénéfices apportés par le système à ceux apportés par des gestions circulaires de flux de matière et d'énergie rendues possibles par des objets gérés par des professionnels.

Les objectifs (détaillés ici) que l'on peut se fixer par une telle transition, sont à la hauteur des difficultés et des changements demandés aux entreprises : être plus robuste aux crises à venir, respecter les critères Qualité de l'Air, émissions de CO2, congestion, capacité à mener des activités marchandes sur un territoire, facilité à avoir des activités sociales et culturelles.

Parmi les risques, déjà identifiés, figurent notamment les difficultés à partager des objets (autopartage, covoiturage) liée au manque de confiance (voir également ici) donc à rendre économiquement attrayant ce type de services. Il est également nécessaire de partager des données, essentiellement celles liées aux transports publics, mais également aux traffics, aux stationnements, etc… Serons nous capable de le faire ? Par ailleurs l'optimisation du "système Ville" en matière de mobilités va nécessiter de revoir les modes d'autorités, de pilotage des transports publics, d'utilisation des voiries, de créer une plate forme permettant de réaliser et d'optimiser le système des mobilités 2.0. A ces obstacles "connus", viennent s'ajouter ceux liés à la création de nouveaux acteurs économiques ou de nouveaux modèles économiques qui, pour se développer, générer des plus values, détourneront volontairement ou pas ces outils avec en conséquences des objectifs globaux non respectés. Cet "effet rebond" marketing est délicat à prévoir mais quelques tendances peuvent être proposées.

Dans le dernier numéro de Futuribles, F.Cusin nous aide à identifier les conséquences du passage de la fonctionnalité à l'accès. "Le développement des services favorise l'érosion du sens de la propriété. La notion de service cadre, en effet, mal avec celle de propriété. Parce qu'immatériel, les services sont exécutés plutôt que produits. Ils n'existent que dans l'instant même où ils sont fournis et ils ne peuvent pas être détenus, accumulés ou hérités. C'est pourquoi, à l'âge de l'accès le détenteur d'accès prend progressivemment le pas sur le propriétaire". J.Rifkin dans l'âge de l'accès paru en 2000, détaille ce nouveau capitalisme culturel. "Au lieu de penser les produits comme des objets fixes dotés de caractéristiques immuables et ayant une valeur définitive, leurs concepteurs en font des supports de toutes sortes d'améliorations potentielles". Rifkin résume ici la puissance apportéer par l'accès, la façon de penser les services et les objets rattachés aux services. Ces objets seront dès le départ conçus pour être évolutifs, ré-utilisables, adaptables aux conditions à venir (et que l'on ne connait pas), rejoignant ainsi l'économie circulaire. Rifkin annonçant également que "c'est de l'accès plus que de la propriété que dépendra désormais notre statut social".

Le secteur marchand prépare déjà cette mutation, la propriété sera remplacée par le "club privé" associé à quelques signes distinctifs, la cité publique par des "villes-service" privées. L'économie de l'accès est une économie de la captation du client, un puissant facteur de pérennité de la relation commerciale. Opportunités ou risques ? Comment atteindre des objectifs en déployant ces économies fonctionnalité/circulaire sans créer de nouvelles dépendances, de nouvelles formes de manipulation ?

La création de bouquet de services conduit, pour le moment, à des offres complexes pour le client, difficiles à comparer pour choisir, délicat à modifier comme l'illustre le cas des services bancaires ou la téléphonie. L'accès à la mobilité par les services devra être supérieure à celle offerte par les objets, plus fluides, mais également plus transparente, permettant au consommateur de choisir en ayant les bonnes informations. Pour cela, les cybercommunautés offrent des opportunités de développement quasi infinis pour l'économie de la fonctionnalité. Forum de discussion, expérience collective, la capacité du consommateur à choisir son offre dépendra de son insertion dans des réseaux  et de son accès à des échanges d'informations ou encore des bancs d'essai élaborés par les consommateurs. Mais cette nouvelle forme de marketing crée de nouvelles fractures, de nouveaux risques comme des "faux consommateurs", de nouvelles relations avec le client.

A l'image de Google qui donne "accès" à l'information sur internet, qui donnera accès aux mobilités 2.0 ? Le passage aux économies imbriquées de la fonctionnalité, circulaire, de l'accès est déjà en
marche. Dans cette nouvelle ère, la valeur économique vient désormais des concepts, des connaissances, des réseaux. Ces outils sont puissants, les risques existent de les détourner des objectifs décrits au départ.

1 commentaire

Odile Beniflah 6 juillet 2010 - 14 h 25 min

Je trouve très positive la transition de l´objet véhicule au service mobilité pour le citoyen.
Je suis mère de famille et je vis sans voiture depuis 10 ans. Je peux témoigner que tout le monde nous envie notre train de vie. Nous n´avons aucune dépense de voiture – PV, réparations, assurance, parking – et nous sommes des fans de l´autopartage: twingo pour amener un enfant à un anniversaire, break pour aller chercher un meuble chez Ikea, familiale pour partir en week-end.
Ce qui est étonnant, c´est que peu de gens nous suivent dans ce mode de vie, de peur de perdre leur indépendance vis à vis des options de mobilité proposées: est-ce un manque de confiance dans les services publics?
Je me demande si les femmes ne seraient pas plus disposées à l´abandon de leur voiture personnelle au profit du changement et des dernières tendances auxquelles on peut accéder quand on choisit l´option service.
Je ne sais pas quel acteur donnera accès aux mobilités 2.0 mais en général, ce sont les collectivités qui connaissent le mieux les besoins en mobilité de leur population et qui peuvent le mieux définir les services.
Je crois aussi beaucoup à l´essor du covoiturage comme option de transport durable et solidaire, complémentaire des transports publics.
Aujourd´hui je travaille sur le site de covoiturage http://www.envoiture.fr et j´espère proposer une option de plus aux citoyens européens pour réduire leurs émissions CO2.

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