Tant de promesses annoncées, tant de ruptures attendues (lire l’article sur les ruptures par Mc Kinsey), tant de changements étudiés et planifiés, pourtant ne restent que congestions, temps perdus, pollutions et gigantesques consommations de matières et d’énergies. Rien ne montre aujourd’hui que nous (écosystème) avons compris les enjeux, les menaces, et l’intégralité du système qu’il faut traiter, avons perçu l’obligation de se former pour piloter les mutations. Nous sommes figés dans un système de mobilité vieux d’un siècle conçu pour aménager des territoires « vides » avec des ressources illimitées, pas pour maximiser l’usage de ces dernières et offrir de nouvelles expériences de mobilité, de rencontres, ou de travail (lire l’article sur le paradoxe simplification pour l’utilisateur, complexification pour l’opérateur).
Mais plus que tout, nous sommes incapables de partager une, ou plusieurs, vision du futur crédible et souhaitable. La vision d’un constructeur, n’est pas celle d’une autorité organisatrice ou d’un opérateur de transport en commun, il n’y a pas de processus pour construire des visions collectives. Comme l’indique Jean-pierre Dupuy (lire l’article sur le catastrophisme éclairé), cette incapacité a pour conséquence de ne pas engager une dynamique créatrice permettant de faire réaliser ce futur, aujourd’hui virtuel. Selon la théorie du « catastrophisme éclairé », il faut être sûr d’aller à la catastrophe pour pouvoir l’éviter. Pour le moment, tout indique que le « Bootstrap » n’aura pas lieu.
Les gisements d’innovations énormes générés par le numérique sont capturés et capitalisés par de plus en plus de firmes multinationales augmentant l’asymétrie vis à vis des citoyens consommateurs (lire l’article Google Mobility). Mais ce nouveau de communication est beaucoup plus puissant que les précédents. La multitude (lire l’article sur les transports à lâge de la multitude) s’est imaginée libre, elle devient libre d’être surveillée. Personne ne peut imaginer les conséquences de cette absence de réaction.
Les autorités d’organisation des transports et de régulation à travers le monde n’ont pas évolué. Elles voyaient le numérique, le big data et la smart city comme des solutions à leurs problèmes, alors que ce sont de nouveaux problèmes posés à leurs organisations immobiles. Les centaines de millions de déplacements quotidiens de chaque pays restent inconnus à ceux qui sont censés les organiser, les planifier, les orchestrer (lire l’article sur l’appel à projet Mobilités Connaître). Dès lors les solutions, connues depuis longtemps (péage, stationnement, TC, taxe…) sont appliquées sans moyen de quantifier leurs effets et de comprendre les raisons de leurs échecs. Elles ne sont pas comprises par les citoyens dans leur globalité, donc sans effet. Seules les multinationales mentionnées précédemment se sont organisées pour apprendre à apprendre ces flux, sources de profit. Connaître les flux, être capables de les prévoir pour vendre cette connaissance, sous la forme de services, aux autorités donc aux citoyens qui fournissent les traces initiales. Pour mieux les dominer, ces derniers sont considérés comme des producteurs/consommateurs de données, pas des partenaires (lire l’article sur des pistes pour inventer de nouveaux contrats sociaux).
Le cybercar ne deviendra pas un véhicule « commun, géré de pair à pair » (se former aux principes et aux mécanismes du pair à pair grâce au travail de M.Bauwens). Il en avait toutes les caractéristiques, nous (société) en avions besoin. Pourtant les acteurs historiques, publics et privés, ont poursuivi leur modèle, protégé leur rente et limité toutes prises de risques. L’automatisation n’aura servi qu’à augmenter la masse marchande des véhicules alors qu’elle aurait pû révolutionner nos mobilités et notre perception du monde (lire l’article Automatisation, Robotisation, Qui sera le patagonia de l’automobile).
Les promesses d’horizontalités (lire l’espoir horizontal) et d’intelligence collective (lire et écouter) en d’immenses réseaux ne sont pas traduites en réalisations à grandes échelles. Quelques « poches » de citoyens démontrent qu’ils sont capables de s’organiser, d’innover, de créer et d’échanger des richesses en dehors de toutes structures pyramidales. Plus souples, adaptatives et résilientes, notamment dans des environnements instables, ces organisations sont pourtant restées marginalisées, dominées. Leurs pratiques et performances n’ont pas été relayées par les médias, incapables d’observer et de parler du plus puissant des objets liens de tout collectif : la création, l’Art (lire l’article sur les objets liens).
Devant les conséquences déjà prévisibles, dérèglement climatique, impacts sanitaires, et augmentation des budgets mobilités, et considérant l’absence de dispositif permettant de sélectionner les solutions en fonction du contexte, l’absence de structure de gouvernance holoptimale incluant les citoyens (lire l’article sur un exemple de dispositif d’implication), il est probable que les seules moyens d’actions qui viennent soit la régulation des déplacements par des quotas et des taxes. Inacceptables aujourd’hui, elles seront les seules possibles. Ces mesures seront le reflet de notre incapacité à nous engager, aujourd’hui, collectivement vers de profondes évolutions de nos modes de collaboration et de création. Les jeux sont quasiment déjà faits. L’iMaaS aurait pû s’imposer … (lire l’article sur l’iMaaS)
5 commentaires
Bravo pour ce billet tristement réaliste! 🙁
En 2013, le + difficile n’est pas d’expliquer pourquoi les véhicules électriques constituent indiscutablement une partie de la réponse face aux enjeux de ce siècle. Non, le + difficile est d’expliquer que leur déploiement à grande échelle s’inscrit nécessairement dans un nv schéma de mobilité bcp + sobre & efficient que le schéma actuel. L’énergie n’étant qu’une (petite) partie du problème.
« Il va falloir apprendre à partager VRAIMENT les ressources avec le reste du monde ». Hélas, même en 2013, le gaspillage reste la norme (1 monospace diesel de 1,5t pour transporter 1 automobiliste de 75 kg).
Même lorsqu’il est synonyme de progrès et d’intelligence, les gens ont peur du changement…
C’est juste parfait – et ça remet les nouvelles technologies qui devaient nous libérer à leur juste place
Merci Gabriel pour ce papier qui – j’imagine – n’a pas du être facile à écrire ;-)))
Beau travail de synthèse, Gabriel!
Pourquoi douter sur la mutation du système (‘occidental’) de mobilité?
Ce système était durable à petite échelle. Aujourd’hui, il ne l’est plus. Pour sa survie, sa mutation est inévitable. La croissance démographique mondiale tirée par les pays émergents et leur accès à ce système de mobilité rendent ce changement de plus en plus urgent.
Le frein à cette mutation semble être la procrastination des occidentaux, nous, les créateurs, premiers « jouisseurs » et diffuseurs de ce système, à le remettre en question et perdre nos privilèges de confort, notre arme de conquête économique et symbole de liberté démocratique, la voiture individuelle. C’est humain.
Toutefois, quand on lit qu’:
– aux Etats-Unis, Royaume-Uni, parmi les pays pionniers de l’automobile, la proportion de jeunes détenant un permis de conduire est pour la première fois en baisse depuis des décennies,
– en Allemagne il y a plus de vélos que de voitures,
je trouve là de l’optimisme et un réel changement : un changement de mentalité, celui-là même qui, en atteignant une masse critique, permettra la mutation.
Gabriel, ton blog est un merveilleux catalyseur de cette mutation! Il fait réfléchir sur le sujet en diffusant les idées, semant le doute, posant des questions et apportant des pistes de solutions. Merci!
Je pense qu’il faut être optimiste !
Le changement de génération fera le boulot, au moins en ville.
1/ Compte-tenu de la diversité des besoins, la mutation sera forcément très hétérogène : la vie dans un village de montagne s’organisera difficilement autour d’un véhicule électrique géré de pair à pair.
2/ La perte de liberté potentielle (imaginaire ?) est aujourd’hui insupportable pour la génération qui renouvelle sa voiture neuve et aurait donc les moyens d’impulser le changement (âge moyen 52 ans, élevée dans les années 70/80) : voiture-statut, voiture-plaisir, voiture-liberté,… Un véhicule consommant 20% de moins que le précédent est déjà une avancée majeure pour eux
– Ensuite, les outils connectés leurs sont largement étrangers (6% des 55 ans et plus utilisent un smartphone pour 35% des 25/34ans)
– à cela on peut ajouter qu’aujourd’hui ce sont les Entreprises qui sont à l’origine d’1 immatriculation sur 2. Si demain elles changent de comportement, c’est tout le marché de la mobilité qui bouge !
Les offres de flottes partagées pour les Entreprises commencent à se répandre, c’est bon signe.
Ces remarques se limitent à l’automobile, mais c’est bien le GROS du problème.
3/ Je pense donc que pour les générations qui suivent, urbaines, connectées et désargentées, la mutation sera inévitable : home office, transports partagés,… Et en grande partie subie !
Le commentaire de Matthieu sur les jeunes américains et anglais sans permis le confirme.
Confiance !
Merci de nous alerter !! notre société occidentale résiste toujours au changement tout en y aspirant … et ne donne pas l’exemple. ce matin j’entendais que le marché chinois de l’automobile « classique » progresse de près de 10 millions de nouveaux « accédants » à la voiture chaque année ! que les équipementiers FAURECIA et VALEO y emploient davantage de personnes qu’en France pour être au plus près de ce marché…nos innovations restent encore confidentielles, hélas. JL Husson