Chaque matin, Mathieu se prépare, déjeune et s’hydrate. La matinée s’annonce chargée, physique, forte en endorphine. Il adore cette sensation d’une future fatigue, il est relâché, pleinement ouvert sur ses sensations. 86 inscrits et sans doute autant le rejoindront ce matin. Ses lignes et sa trace sont appréciées. Depuis maintenant 8 ans, Mathieu conduit plusieurs lignes, statiques ou dynamiques en fonction des inscrits, pour le compte de plusieurs opérateurs de transports. Il a été livreur mais il préfère être traceur, c’est plus « stable, tout aussi agréable et mieux payé ».
Les traceurs constituent un nouveau mode de transport : ils opèrent pour le compte de la collectivité, de la communauté d’agglomération ou du département, et transportent des milliers de personnes par jour. Ce mode allie le low tech et le numérique à dose homéopathique, juste là où il faut. Ce mode maximise l’utilisation de l’espace public, n’utilise pas de ressource fossile, ne produit aucune externalité négative, se développe dans tous les pays puisqu’il n’a besoin que de route. Ce mode génère aussi des externalités positives sur les usagers qui l’utilisent.
Ce mode présente aussi la meilleure vitesse généralisée. C’est-à-dire qu’il permet de se déplacer sans conséquence négative, pour profiter de son temps, pour gérer ses activités. Les traceurs jouent ainsi un rôle majeur aujourd’hui dans la société.
MégaFonds
Mise en œuvre en 2016, l’indemnité kilométrique (IK) n’avait pas permis de faire changer les pratiques. En tout cas, pas directement. Par contre, en collectant tout ou partie de l’IK des cyclistes volontaires, l’association MégaFonds avait réussi à fédérer des millions de cycliste et des millions d’euros. Grâce à son budget, cette communauté de cycliste était devenue puissante, capable de faire levier de son fonds citoyen pour amener des budgets publics et privés à financer des infrastructures. Des kilomètres de voies dédiées ont été déployés, souvent pris à l’automobile. MégaFonds avait ainsi réussi à instaurer un certain rapport de force bienveillant. Une fois mise en œuvre, l’infrastructure est utilisable par tous les cyclistes, membre ou pas de la communauté. Pour garder une longueur d’avance sur l’usage des infrastructures, MégaFonds avait mis en œuvre les premiers traceurs vers les années 2019-2020. L’idée était simple, en vélo, il faut se grouper pour être plus efficace. A partir de 7-8 km par trajet, rejoindre un traceur est rentable et donne priorité sur toutes les infrastructures, notamment le stationnement dans les lieux publics, qui était devenu un problème.
Des traceurs remboursés par la Sécu
L’inscription, la validation, le paiement du trajet avec votre traceur se font sans contact. En étant membre de MégaFonds, le cycliste découvre un accès privilégié aux traceurs, des conseils personnalisés pour sa pratique du vélo, un temps de parcours garanti, des réductions sur sa mutuelle santé et son employeur peut intégrer facilement tous les éléments dans ses bilans environnementaux. Les traceurs bénéficient de flux financiers multiples : MégaFonds alimenté par l’IK, les mutuelles santé, les assurances automobiles des cyclistes laissant leur voiture, et plus récemment l’assurance maladie ainsi que de nombreuses entreprises via leurs obligations RSE et PDE.
Les traceurs avaient développé des solutions dites de tractage aérodynamique. Utilisant de « simple » vélo à assistance électrique associé à des remorques aérodynamiques, le traceur amène dans son sillage jusqu’à 10 cyclistes. Ces derniers bénéficient d’une réduction d’effort allant jusqu’à 20 à 30% leur permettant de gagner du temps et également d’être prioritaire à toutes les intersections. Le traceur est en effet équipé d’un dispositif faisant passer les feux au vert pour les cyclistes à son approche. Pas d’interruption, une vitesse moyenne de 25 km/h, un stationnement facilité dans toutes les gares et parkings. Chaque traceur est localisé, son trajet est connu ainsi que les places libres. En vous connectant à votre traceur, vous créditez votre compte et bénéficiez des avantages fiscaux et financiers. Certaines grandes entreprises possèdent leurs propres traceurs pour amener leurs salariés.
Des clandestins et la blockchain
Depuis quelques années, des traceurs clandestins opèrent également sur certaines voies moins fréquentées ainsi qu’une multitude de forme de transport de marchandises s’est également développée. Les infrastructures ont permis l’émergence d’un nouvel écosystème avec ses règles. S’inspirant de la livraison des repas en Inde et intégrant la blockchain, une équipe de dix traceurs avait mis au point un système totalement distribué de transport de colis, en dehors des heures de pointe, permettant de maximiser la ressource rare : le temps. Chaque traceur se voit attribuer un secteur avec des traces calculées à chaque commande/livraison avec des points d’arrêts spécifiques pour se répartir les colis. Cette redistribution par paquet s’opère sans aucun échange d’information, de document ou d’argent. Tout est fluide. L’internet physique s’est déployé là. Sous nos yeux. En vélo (lire la MétaNote 12 – L’avenir du vélo).
Dire que certains critiquaient l’IK.
Nota : Lire les autres fictions des Transports du Futur.