Le rôle de la donnée dans le domaine des transports, détaillée dans plusieurs précédents articles (notamment ICI), va devenir tellement important que la plupart des entreprises le sous-estiment sans doute. Tous les acteurs seront touchés. Surtout ceux qui protègent leurs données stratégiques de leurs clients. Qui connaît la consommation (réelle) d’un véhicule avant de l’acheter ? Pourtant cette donnée impacte jusqu’à 50% le budget transport des ménages les plus fragiles.
Des outils de « couche supérieur » exploitant une partie de ces données seront développés par et pour plusieurs types d’acteurs (entreprise, collectivité, citoyen, association, ONG) pour apporter à tous les consommateurs les informations stratégiques, celles qui structurent le choix d’un produit ou d’un service. Du marketing, permettant à une entreprise de cibler ces clients, le tsunami des données va permettre le « reverse marketing » permettant aux consommateurs de cibler le produit ou le service en se basant sur des données réelles venant des autres utilisateurs, des incidents repérés sur les forums, des avis dispersés sur la toile, des conditions de travail des salariés qu’ils décriront eux-mêmes.
Pour établir ce flux inverse, le crowdsourcing trouvera là une parfaite application, plus les consommateurs donneront leurs avis, leurs données réelles (comme la consommation des véhicules par exemple), plus les outils seront performants, complets, ciblés, puissants et plus les consommateurs les utiliseront. Cette boucle en cours de construction sera terminée dans quelques mois, les conséquences seront grandes pour les industriels sur tous les plans : écoconception des produits, transports et logistiques, conditions de travail, maintenances, gestion des déchets … Les acteurs qui prendront cette place d’intégrateur, permettant de construire des indicateurs globaux de fiabilité des données, paramétrables par les utilisateurs, subiront de fortes pressions ; mais pour être crédible, ils devront être indépendants des industries, les ONG sont, sur ce point, sans doute les mieux placées.
Cette première phase conduira les industries à la transparence totale. Google appelle cela « zero moment of truth ». « Puisque les données stratégiques deviennent accessibles aux consommateurs, autant les produire nous-mêmes, les maîtriser et en tirer une meilleure image ». Certains ont déjà compris et commencé : DELL par exemple en créant un « social media command center ». Un des fondement de l’économie de marché sera enfin appliqué : le consommateur dispose de toutes les informations pour choisir le produit/service correspondant à son besoin, l’asymétrie sera réduite. Edward Bernay aura enfin perdu la partie …
DeLoitte vient de publier « Making Sense of Social Data » en identifiant 3 vagues de propagation de ces données et identifier les conséquences. Première vague, rendre accessibles toutes les données influentes utilisées jusqu’à présent. Deuxième vague utilisant les données issues des réseaux sociaux pour les « hyperlier », comme sur Amazon où les clients rajoutent des informations en donnant leurs avis. La troisième vague commence à arriver en couplant les données dynamiques des réseaux sociaux et les produits/services proposés par les entreprises. Ainsi Sony va intégrer dans les prochains jeux votre réseau Facebook, créant ainsi un environnement personnalisé de personnages liés. Notre assistant numérique véritable connexion et capteur produira des données permettant de comprendre, puis de prévoir. MacroSense annonce déjà que ces données permettront de regrouper les consommateurs analogues en tribu sociale. Toutes ces tendances annoncées par DeLoitte sont centrées sur l’évolution du marketing des entreprises qui changera, deviendra plus performant, plus ciblé. Mais DeLoitte n’a pas envisagé l’effet inverse permettant aux consommateurs, aux associations, aux ONG, d’établir des tableaux de bord de surveillance sur des indicateurs clés issus du crownsourcing : incidents et qualité des produits, contenu carbone, conditions de travail, puis répartition de la valeur dans la chaîne d’acteurs,
Le blog Harvard Business Review aborde plus précisement cette question. Beth Comstock & Linda Boff partent cette fois-ci de la capacité que vont avoir les consommateurs pour mieux choisir pour en tirer des conséquences aux niveaux des entreprises. En effet, il est bien compris dans cet article que l’hyperliaison des consommateurs entre eux et avec la base de connaissance mondiale, partout – tout le temps, va avoir quelques conséquences : transparence (déjà identidiée, voir ci-dessus), besoin « d’influencer les influenceurs » et « collaboration étendue » pour capter l’innovation diffuse.
« Influencer les influenceurs » : Certaines industries, comme GE, ont déjà compris que nous sommes passés d’un marché de masse, à un marché de masse de niche, avec la nécessité d’identifier dans chaque niche les meilleurs relais, les « influenceurs » des réseaux, ceux qui amplifieront et maximiseront. Ceci nécessite une présence dans de nombreux réseaux sociaux, bien ciblés, qui permet également d’assurer la transparence et d’engager le troisième relais la collaboration étendue.
« Collaboration étendue » : plusieurs fois abordée dans ce blog (voir ICI), l’entreprise va s’ouvrir et intégrer ces meilleurs clients au plus près des décisions stratégiques, construire des outils pour capter l’innovation diffuser comme GE, Pepsi. A l’extrême, la collaboration étendue pourrait conduire les « influenceurs » à se passer de l’entreprise puisqu’ils disposeront de l’ensemble des connaissances, rejoignant alors certains mouvements open-source, comme le montre l’exemple de Marcin Jakibowski, ou cet outil dédié à la chaîne logistique.
Devant les enjeux d’accès à ces données, la question de la propriété se pose. De nombreuses données devraient être partagées, publiques compte tenu de leur origine et leur thématique, alimentant une base de connaissance collective. Ainsi par exemple, les flux de personnes et marchandises, les émissions de CO2 et polluants des véhicules pourraient, en étant considérées comme publiques, rester accessibles à tous. Les conséquences dans le domaine des transports sont nombreuses, agissant dans plusieurs domaines, à plusieurs niveaux. Quelques exemples sont listés ci-dessous, n’hésiter pas, dans vos commentaires, à compléter la liste !
Connaissance de la consommation réelle d’un véhicule avant achat, en tenant compte de la géolocalisation, de l’âge, du modèle : à Grenoble, la moyenne des véhicules X est de 7.3 l/100km avec une dispersion de 1.5 l/100km pour 95% des utilisateurs. Complément 1 : sur ce véhicule, les incidents les plus nombreux sont : X au bout de 45.000 km en moyenne, … le coût annuel moyen est W euros. Complément 2 : en se basant sur vos déplacements renseignés, la solution de transport la plus intéressante sur le plan économique est : XX, sur le plan temps de trajet : YY. Complément 3 : le véhicule le plus efficace pour vos déplacements est : marque XX. Complément 4 : la société d’autopartage particulier à particulier ZZ propose ce véhicule dans votre quartier, vous pourrez ainsi l’utiliser, éventuellement ne pas l’acheter en passant par cette solution.
Assistant Personnel de Consommation (APC) vous fournira simplement en prenant une photo du produit (Google Googles) ou du QR code du service toutes les informations facilitant la décision. En se basant sur vos critères de choix prédéfinis (choix de critères, hiérarchisation des critères…), l’APC communiquera d’une part une note agrégée ou les détails, ainsi que les meilleurs produits/services concurrents, et les moyens d’y accéder. Dans un second temps, il est envisageable que le consommateur informe l’industriel non sélectionné qu’il doit améliorer, par exemple le contenu carbone de son produit, pour rester dans le top 3.
Le « reverse marketing » ouvre pour les consommateurs un champ d’innovation sans précédent. Les meilleurs produits/services n’ont rien à craindre, ils seront toujours choisis ; mais dorénavant le choix sera équilibré.