Le cygne noir (déjà abordé ici et là) est un évènement imprévisible (et que l’on ne pourra jamais prévoir), et qui change tout quand il arrive (en bien ou en mal). Il domine complètement son secteur de marché, a des conséquences mondiales. On peut toujours essayé de l’expliquer après, à partir des outils de modélisation dont on dispose. Parmi les principaux cygnes noirs, il y a : Google, Harry Potter, mais également le 11/09, la crise financière, et en ce moment l’irruption d’un simple volcan qui paralyse tous les transports aériens et coûtera plusieurs milliards. Essayons de tirer quelques enseignements.
1. Il y aura d’autres cygnes noirs imprévisibles par définition. Même si nous connaissons la théorie des mouvements des plaques tectoniques, nous sommes incapables de prévoir le prochain tremblement de terre. La solution est donc de connaître les tendances générales, d’améliorer la tenue des constructions aux tremblements et de prévoir des plans d’urgence en cas de. Pour les transports, les cygnes noirs connus sont par exemple : choc pétrolier (déjà vécu), crise sanitaire (déjà vécue), crise économique (déjà vécue), et récemment panache de fumée d’un volcan.
2. Nous devons donc massivement créer des alternatives à nos modes de transports. Actuellement, chaque mode est choisi sur les bases de modèles économiques « simples ». Il faut dès à présent, pratiquer de nouveaux modes, des déplacements multimodaux, diversifier les approvisionnements énergétiques, mais également de nouvelles pratiques comme les téléactivités, et donc remettre en question des organisations d’entreprise, des logistiques, des modes de management.
3. Et en parallèle, identifier les secteurs économiques, les modèles économiques, les emplois, les plus fragiles aux futurs cygnes noirs, pour permettre des mutations, des formations, et gérer au mieux les transitions.
Jusqu’à présent, la procédure mondiale demande que les avions contournent les panaches de fumées. Mais quand cette procédure coûte, à chaque compagnie aérienne, 150 millions d’euro par jour, bloque le fret aérien, et touche la compétitivité des entreprises, il convient de la réexaminer en détails…
· Des ministres des transports se rencontrent alors en visioconférence, pourquoi ne pas le faire plus souvent ?
· Des homards, fleurs coupées et ananas ne sont plus livrés, est ce grave docteur ? pas vraiment pour les consommateurs, mais pour les secteurs économiques concernés, le choc est brutal. La question est bien celles des transitions.
· Le fret aérien est bloqué, alors que l’on annonce qu’il représente 40% du fret (voir ci-dessous l’analyse). Là encore, la besoin de vitesse est-il toujours justifié ? Ne vaut-il pas mieux être moins rapide et robuste aux crises à venir ?
Quelques chiffres sur le fret mondial. En millions de tonne, la voie maritime se place largement en tête du transport de marchandises (chiffres 2005, 1515 millions de tonne, pour un marché total de 2171), l’aérien ne représente moins de 1%, avec 10 millions de tonne. Par contre en valeur, l’aérien avec 537 milliards de $ se place en seconde position derrière le maritime avec 1014 milliards de $, soit plus de 20% ! Le temps « gagné », généré par des vitesses commerciales plus de 10 fois supérieures, permet alors de créer de nouveaux marchés, peu robustes aux futurs cygnes noirs.
Quelques pistes pour accroître la robustesse des transports aux cygnes noirs à venir :
· Utiliser plusieurs modes de transports différents, être capable d’enchaîner plusieurs modes, de substituer un mode à l’autre, de les gérer en temps réel … tiens en une semaine, un groupe Carpool Europe se crée sur facebook et rassemble plus de 3000 personnes (les réseaux du web2.0 font partis de la solution),
· Utiliser plusieurs énergies, être capable au moins ponctuellement d’utiliser une énergie locale, renouvelable, d’étudier des mobilités « autonomes »,
· Communiquer massivement les données relatives aux transports (horaires, fréquentation, disponibilité, autres !!), pour faciliter la multimodalité, libérer l’innovation collective pour créer des outils « facilitateurs »,
· Développer nos capacités à réduire nos déplacements sur le long terme en développant les téléactivités qui nécessitent de revoir nos modes de management, de pilotage de l’entreprise, d’étudier par métier les tâches et activités gérables à distance ; et construire, à court terme, des modes de fonctionnement « par défaut » dans lesquels les activités vitales sont maintenues,
· Pour les marchandises, réexaminer les schémas logistiques (voir ci-dessous le cas de la logistique des médicaments), les approvisionnements, à rendre plus locaux et diversifiés,
· Et pour les consommateurs, revoir nos modes de consommations qui créent et structurent la demande.
Le cas du transport de médicaments est intéressant (voir ici, les Echos). Il s’agit d’une logistique très complexe, haute traçabilité, gérant du froid positif, négatif, et « température contrôlée », avec des clients quasiment sans stock, et nouveauté, des produits de moins en moins chers. « Le produit devenant moins cher (grâce à la mise en œuvre des génériques), la logistique doit le devenir en proportion » résume un prestataire de transport.
1 commentaire
Les auteurs, dont je suis, de « Les transports, la planète et le citoyen » partagent totalement cette analyse. Voici le communiqué de presse que nous avons fait paraître lundi dernier :
« Eyjafjallajökull : la société veut aller trop vite »
Le reste est sur mon blog : http://ludovicbu.typepad.com/ludovicbu/2010/04/volcan-eyjafjallajokull-la-societe-veut-aller-trop-vite.html