Le point de basculement traduit le moment précis qui sépare deux situations distinctes ; le verre est sur la table – le verre est cassé, en morceaux sur le sol. Entre ces deux états très différents, un instant unique, un changement d’état IRREVERSIBLE causé pour une interaction de deux séries causales ; un ballon lancé par un enfant a rencontré le verre posé.
Sommes nous prêt d’un point de basculement en matière de transport ? Personne ne peut l’affirmer mais nous devons nous y préparer, individuellement et collectivement. Et surtout préparer les plus fragiles ; ceux qui ne décident pas leurs lieux d’habitation, leurs lieux de travail, leurs horaires de travail, et DONC leurs modes de transport. Dépendant de l’automobile (d’occasion) / pétrole, ils arbitrent à la marge et subissent directement les contraintes économiques. Ils envoient un signal : le prix du carburant a une limite. Mais maîtriser le prix, donc notamment les taxes, nécessite de revoir le système complet, et de transférer les contraintes (taxes) sur un support non physique : les données liées à la mobilité, offrant potentiellement plus de liberté aux structures de gouvernance.
Et si le basculement vers un nouveau système de mobilité permettait, EN PLUS, de recomposer un nouveau système de contraintes et de proposer de nouvelles « récompenses » à ceux qui changent de mobilités, à ceux qui réorganisent leurs activités pour être moins dépendant de l’automobile/pétrole ?
Pour étudier ce point de basculement, identifions les tendances de fond qui forment les séries causales. Ces évolutions sont tout à fait prévisibles sur de longues périodes. Nous ne sommes pas capable de connaître le prix du pétrole dans un mois, mais sur le long terme, nous sommes sûr qu’il va augmenter.
Plus ces tendances s’intensifient, se cumulent, plus le point de basculement se rapproche :
- Tendances économiques : prix des matières premières et des énergies en augmentation, budgets privés et publics en tension, difficultés à financer les investissements,
- Tendances sociales : capacité d’arbitrage de plus en plus difficile pour les ménages les plus faibles, pratiques de plus en plus nombreuses de solutions de mobilité partagée portées par les TIC, appétence pour la participation créative, l’usage et les services (économie de la fonctionnalité) en croissance chez les jeunes (voir sondage Zipcar), croissance du peer to peer,
- Tendances industrielles : ventes de véhicule neuf en réduction dans les pays saturés en automobile, demande tirée vers les petits véhicules avec de faibles marges, innovations nombreuses et variées dans des véhicules spécifiques urbains à 2-3 ou 4 roues, innovations dans des services de mobilité de plus en plus intégrés et connectés.
Le basculement produirait une situation inédite pour plusieurs acteurs dont les constructeurs et notamment dans les marchés européens. Ces services de mobilité ne feront pas disparaître la production automobile mais conduiront à la réinventer. Des usines seront toujours nécessaire pour produire des objets de haute technologie mais leurs cahiers des charges et leurs clients auront changés, et une industrie des services sera née. Et si RE60 ou Hiriko préfiguraient tout cela ?
Ce nouvel Univers de mobilité permettra également de concevoir autrement les contraintes (taxes TIPP notamment) en s’appuyant sur les données de mobilités réelles, et de créer de nouvelles formes de récompenses (temps, €, autre monnaie …). Ces nouveaux outils de contraintes/récompenses offriront plus de possibilités aux structures de gouvernance pour aider les citoyens, les entreprises à revoir leurs organisations, leurs implantations, et leurs modes de transports. De nombreuses innovations s’ouvrent - contraintes, récompenses, outils d’aide, expérimentation de système complexe dans des territoires – dans plusieurs domaines – fiscalité, monnaies, science des usages par exemple.
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