Accueil VW XL1 n'est pas une innovation. Il manque la plateforme (numérique) qui va avec …

VW XL1 n'est pas une innovation. Il manque la plateforme (numérique) qui va avec …

par Gabriel Plassat

VW XL1 préfigure sans doute l'automobile du futur. Ce « véhicule objet » était prévisible depuis des dizaines d'années. Il n'est finalement qu'un assemblage de techniques connues. Ce n'est donc pas une innovation. Par ailleurs, VW n'envisage pas d'autres usages de ce véhicule performant. Mal utilisé, il ne préfigure pas les mobilités de demain.

L'automobile du futur et le futur de l'automobile

D'autres comme Akka Technologies proposent avec Link and Go, une première version d'automobile servicielle. Pourtant ce « véhicule serviciel » n'est pas non plus une innovation. Il n'est pas branché sur une plateforme. Ce sera sans doute simplement un composant du futur de l'automobile.

En même temps, Amazon lance Amazon Coin. Objectif : Engager encore plus les développeurs externes à l'entreprise à innover sur sa plateforme, les récompenser avec une monnaie dédiée, permettant en PLUS de réintroduire une partie des bénéfices en interne, de pouvoir tracer les achats réalisés donc d'apprendre encore PLUS de choses sur ses clients.

Amazon, nouveau « barbare » de ce nouvel âge, bouleverse tous les codes, et devient sans aucun magasin physique (pour le moment) la marque préférée des consommateurs américains pour ses services. Et si Amazon devenait fournisseur d'énergies … Amazon Energy Services.

De tout cela, les entreprises industrielles historiques pourraient s'inspirer : devenir elles-aussi de véritables plateformes, aspirant les innovations externes, proposant les outils développés en internes à d'autres entreprises jusqu'à leurs concurrents, permettant d'utiliser les applications (services de mobilité) simplement et finalement séduisant les créatifs pour les intégrer au cœur du dispositif. Mais pour le moment, même si les constructeurs partagent entre eux des « plateformes véhicules » aucune véritable innovation n'a été mise en œuvre, aucune action pour co-concevoir à l'âge de la multitude des plateformes de « véhicules objets » puis des plateformes de « véhicules serviciels ».

  • Pas de dispositif de séduction des créatifs, comme GoogleGlass, quelques explorations comme Fiat au Brésil

  • Pas de plateforme ouverte séduisante, inspirant confiance grâce à son design et permettant de développer des applications orientées vers de nouvelles expériences utilisateurs,

  • Pas de co-conception permettant de mettre au point au plus près des besoins des « véhicules objets » puis des « véhicules serviciels »,

  • Pas d'accès aux données de performances simplifiés des « véhicules objets » pour faciliter leur intégration dans des services, pour inspirer confiance et transparence.

 

De l'application à la plateforme

Le GPS était à l'origine une application fermée, dédiée aux militaires. Puis une décision politique l'a transformé en plateforme d'innovation en communicant, avec une précision inférieure, les données. Puis tout le monde connaît la suite et les nombreuses applications. Et si une « plateforme véhicule » était vraiment considérée de la même façon comme une plateforme au sens du numérique : partagée à l'échelle mondiale, ouverte, permettant à tous les créatifs de se « plugger » pour l'enrichir en construisant des applications, formes modernes de services. Les applications seront, pour ces entreprises industrielles, les « nouveaux » services de mobilité, ouvrant vers de nouveaux usages de l'automobile. 

La plateforme sera enrichie en permanence, par des idées inaccessibles aux constructeurs, avec des produits et des services parfaitement adaptés aux besoins. Elle sera également hackée pour réaliser des applications robustes et fiables.

Aujourd'hui, les constructeurs automobiles restent de développeurs d'applications. Même quand ils s'unissent à l'échelle mondiale, ils ne deviennent pas des plateformes mettant à la disposition des développeurs externes leurs ressources. Reprenant l'âge de la multitude : « Dans cette économie de la contribution où une part croissante de la valeur émane de l'activité spontanée d'utilisateurs non rémunérés, la privatisation de cette valeur par une entreprise peut être perçue comme une manœuvre grossière et discréditer l'entreprise aux yeux du marché. Pour une telle entreprise, devenir une plateforme est une manière de restituer cette valeur au marché, d'en faire profiter de nombreuses autres entreprises qui, faisant levier sur cette valeur créée par une multitude d'utilisateurs, leur rendront à leur tour des services au travers de maintes applications ». [De nombreuses citations de ce livre sont disponible ici]. Cette promesse est le socle de cette nouvelle industrie de la donnée.

Datact, initié par le Groupe Chronos, a identifié également quelques pistes pour intégrer les usagers, les « rémunérer », leur donner confiance.

Dans l'âge de la multitude : « Dans ce monde-là, la seule stratégie qui vaille, c'est celle de l'ouverture. C'est reconnaître que la productivité sociale est parfois devenue plus puissante que la productivité organique interne aux entreprises. C'est mesurer vraiment si la circulation des savoirs n'est pas plus profitable à tous que leur sauvegarde sous forme de droits de propriété renforcés. C'est ne pas être naïf vis à vis des enjeux de marques, qui expriment souvent beaucoup moins une identité patrimoniale qu'une cristallisation de virtualités d'action et de puissance ».

Les entreprises numériques portent ces mutations au niveau mondial. Elles ont inventé de nouveaux codes, de nouvelles règles. Pour les acteurs historiques, il devient nécessaire de les comprendre, puis de les intégrer. Or ce travail ne peut se faire sans une prise de recul suffisante pour analyser les modes de fonctionnement actuel.

 

Quelle plateforme de mobilité ?

Un précédent article décrivait les contours d'un équipage formé pour explorer ces nouveaux modes de création, pour mieux se préparer au changement. Ceci n'est pas une option tant le gouffre entre les industries automobiles et numériques s’agrandit. La plateforme sera probablement mise en œuvre par une start-up issu du numérique, se basant sur une première application (service de mobilité) puis agrégeant déjà plusieurs services de mobilité. Elle utilisera des développements agiles basés sur des individus et leurs interactions (et non sur des procédures), des logiciels opérationnels, des modes collaboratifs avec les clients, et l'itération continue. En construisant la plateforme des mobilités, elle se placera « au-dessus » des « véhicules objets » pour proposer des suites servicielles conçues au plus près des clients. Cette plateforme aspirera toutes les innovations : d'abord celles liées aux services de mobilité, à toutes les formes d'exploitations de « véhicules serviciels », puis celles liées aux « véhicules objets » pour mieux les intégrer dans des services. Google Mobility Service pourrait également être cette plateforme.

 

Quelle rémunération pour les utilisateurs participants ?

Nombreux sont ceux qui ont identifiés le besoin de récompenser le travail des créatifs et également les traces d'activités des utilisateurs. Ces données ont une valeur permettant de connaître précisément les besoins, les pratiques, les usages. Ceci est essentiel dans le domaine des mobilités tant nos connaissances sont faibles et trop agrégées. Ainsi, par exemple, en accédant à de « nouvelles » données d'usage, un Etat (NYC) propose de baser l'assurance sur l'usage réel du véhicule (écoconduite, heures de circulation pour réduire les bouchons, …). Nouvelles données = nouveaux modèles d'affaires, nouveaux usages, nouvelles applications. SideCar vient de lancer un service de mobilité hybride entre le taxi et le covoiturage dynamique dont la rémunération est … optionnelle. En inventant de nouvelles applications (services de mobilités) et de nouveaux modèles d'affaires, certaines start-up pourraient s'appuyer dessus pour créer la plateforme de référence.

Revenons alors à la monnaie Amazon Coin. Ceci peut sembler étrange, inutile ou encore impossible pour ceux qui n'ont pas pris le recul suffisant, analyser et compris le rôle d'une monnaie. « Encourager les développeurs à réaliser des applications exclusives pour sa propre tablette. Car Amazon prévoit d'offrir des dizaines de millions de dollars de monnaie virtuelle à ses clients ». D'après Slate, « en battant monnaie et en confiant celle-ci aux propriétaires de Kindle Fire, Amazon va faire augmenter la demande pour le contenu Kindle Fire. Surtout, dans la mesure où les développeurs pour Kindle Fire anticiperont une demande supérieure, ils seront incités à créer des applications. Monnaie virtuelle qu’ils pourront convertir en application une fois que le service sera mis en place ».

Séduire encore plus les développeurs d'applications pour construire LA plateforme qui, à son tour, attirera les développeurs. La plateforme permet l'industrialisation d'une multitude d'applications, elle les héberge et les nourrit. Pour cela, elle doit être séduisante, donner envie de travailler dessus. Alors des applications seront créées "sur-mesure", au plus près des utilisateurs, et pour certaines avec ou par les utilisateurs. Application et plateforme se renforceront mutuellement.

La plateforme des mobilités va arriver, elle sera forcément mondiale. Ayant germée autour d'un service, elle sera capable d'accueillir une multitude de services de mobilité (applications) et sans doute plusieurs monnaies permettant d'échanger ces services mais également de créer des systèmes de notation des utilisateurs (de type eBay : ponctualité, sérieux,… qui sont eux aussi des monnaies). Les monnaies deviennent ainsi de formidables « objets liens » structurant et dynamisant ce collectif étendu, base d'une entreprise agile tournée vers la multitude. La plateforme tissera ainsi des liens inédits entre le monde physique et le monde virtuel, dont il est urgent de prendre conscience.

Il existe très peu de plateformes mondiales.

Il est encore temps de créer celle dédiée aux mobilités.

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