Les GAFA nous rappellent chaque jour l’incroyable puissance des plateformes numériques qu’ils ont réussi à ériger. Solides sur leurs fondamentaux, capables d’explorer très rapidement de nouveaux marchés, ces plateformes se caractérisent par des rendements croissants : plus il y a de personne, utilisateur et éventuellement client sur la plateforme, plus la plateforme est performante – et plus la plateforme est performante, plus elle attire à elle de nouveaux utilisateurs. Cette caractéristique singulière des mondes numériques provient notamment des effets de réseaux.
Les 4 étapes d’une plateforme numérique réussie
Rappelons rapidement que les GAFA masquent les milliers de plateforme qui ont échoué. Echoué à gravir les marches qui conduisent à une plateforme mondiale. Ces marches sont les suivantes. Il faut d’abord numériser son entreprise, surtout sa relation client, ses flux internes et externes pour délivrer sa valeur. Puis il faut désintermédier d’éventuels intermédiaires pour avoir une relation directe avec l’utilisateur ou le client. S’enclenche alors la phase critique, celle qui consiste à créer des effets de réseaux. D’après wikipédia, l’effet de réseau est le phénomène par lequel l’utilité réelle d’une technique, produit ou service dépend de la quantité de ses utilisateurs, cela revient à dire que la valeur du réseau est proportionnelle au carré du nombre de clients.
Pour les rares plateformes qui ont réussi à créer des effets de réseau, c’est une course pour garantir le bon fonctionnement de l’offre (serveur, flux, logistique, ressource humaine) avec un nombre d’utilisateur qui peut avoir une croissance très rapide. Celles qui y parviennent vont alors, par leur taille et leur caractéristique, fermer le marché en question et créer de facto un monopole. La dernière étape permet à ces plateformes en croissance grâce aux effets de réseaux d’accéder aux données d’usages d’une grande quantité d’utilisateurs, appelé multitude par Colin-Verdier.
Ces données à très hautes valeurs ajoutées apportent des informations clés sur les besoins des utilisateurs, ce qui permet à la plateforme de se développer en apportant des fonctions et services utiles renforçant de nouveau l’attractivité de la plateforme et l’effet de réseaux.
Ce mécanisme en 4 étapes n’est pas nouveau, même s’il reste relativement méconnu. Dans un monde numérique, comment construire des plateformes numériques d’intérêt générale avec des effets de réseaux ?
Effet de réseau, mobilité et changement de pratique
Les pratiques de mobilité ne changent pas à une vitesse suffisante pour être compatibles avec nos objectifs d’émissions de réduction GES, de réduction de pollution dans les pays développés. Les problèmes de mobilité ne seront pas résolus uniquement par des solutions de mobilité, avec des approches en silos. Ce sont les modes de vie, l’organisation des entreprises et des territoires, les temporalités ou encore la gestion de l’espace public qui sont à dé-construire et ré-organiser.
Pour cela, les organisations doivent également évoluer, donc les processus de décision, l’allocation des budgets et des énergies. Nous nous focalisons sur les cultures différentes de ces organisations, pour les faire évoluer et ainsi améliorer les synergies collaboratives. Les GAFA, NATU, BATX vont poursuivre leurs assauts dans le secteur et renforcer leur connexion à la multitude avec des intermédiations de plus en plus dommageables pour les acteurs historiques et les collectivités. Malgré les annonces et les discours, les pratiques de mobilité n’évoluent pas assez vite.
Les effets des innovations dans le domaine des Mobilités restent marginaux. A ce jour, seules les plateformes dominantes ont réussi à créer de l’effet de réseau avec la multitude.
Vers des plateformes d’intérêt général ?
Il s’agit de proposer une série d’activités pour construire une plateforme d’intérêt général. La mobilité (lisez ici également immobilité et activité) se caractérise par un problème complexe (au sens d’Edgar Morin) rassemblant une grande quantité d’acteurs hétérogènes (donc de cultures très différentes).
Une première activité consiste à aider les parties prenantes à capitaliser les informations, à les indexer, à partager une ontologie neutre et commune pour classer et se comprendre. Une seconde activité est de clarifier les défis communs que nous avons à relever pour que chacun puisse s’y positionner et également pour mettre en relation des acteurs ayant les mêmes défis à résoudre. La troisième activité vise à relier les projets, livrables, personnes, défis (via un wiki) pour que chacun puisse y naviguer, se positionner individuellement tout en percevant le paysage global (voir notamment le graph pour avoir une vue globale). Une quatrième activité consiste non pas à favoriser la réplication mais plutôt à documenter et capitaliser notamment les échecs pour éviter de refaire les mêmes erreurs. Enfin, une cinquième activité, la plus complexe, permet d’identifier et produire de nouvelles ressources utiles aux parties prenantes et non compétitives (les communs).
Nous retrouvons là les 5 activités de la Fabrique des Mobilités. Ces activités se traduisent par un « travail de fourmi », brique par brique, défi par défi, commun par commun, acteur par acteur. Pour changer d’échelle, quatre actions sont à l’œuvre… Ouvrir le code source de la FabMob France pour qu’elle se réplique dans d’autres pays. Nous y travaillons au Québec, en Italie, en Belgique, en Afrique. Mais aussi dans d’autres domaines, 5 Fabriques (Mobilité, Logistique, Energie, Santé, Education) se développent aujourd’hui. Il s’agit là d’augmenter les tailles des équipes et le volume traité. Une troisième action consiste à mutualiser toutes les infrastructures techniques et méthodologiques, à standardiser les formats des ressources pour mener les 5 activités identifiées. Ceci permet aussi de réduire les coûts et d’éviter de reproduire des silos.
Enfin, et c’est là le point clé pour produire des effets de réseaux, permettre à tous les acteurs de la mobilité (logistique, énergie, santé, éducation) de pouvoir intégrer dans leur système d’information, site web, réseau interne, tout ou partie des ressources (défis, projets, communs, communautés, connaissances) indexées, gérées et mises en forme par une Fabrique. Cette dernière action, rendue possible par l’utilisation de Mediawiki, du web sémantique et des API, maximise l’effet des Fabriques.
Dès lors, tous les acteurs d’un domaine (Mobilité, Logistique, Energie, Santé, Education) auront intérêt à ce que le wiki de chaque Fabrique soit à jour. Et plus le wiki est à jour et complet, plus les acteurs auront intérêt à l’inclure dans leur SI, blog, site.
En organisant cette information de façon neutre, interrogeable par des machines et en produisant des communs, les Fabriques utilisent les principes des plateformes numériques, créent des effets de réseaux grâce au système d’information neutre et organisé mais redonnent aux différents écosystèmes la totalité des externalités produites dans l’intérêt général.