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Arrêter de faire des concept cars

par Gabriel Plassat

VW annonce que sa plateforme MEB dédié au VE est disponible à d’autres constructeurs. FIAT réalise un concept car également électrique ouvert et modulaire. CITROËN de son coté affiche un petit véhicule électrique urbain AMI ZERO. Ces démarches sont à la fois totalement vaines et révélatrices d’une incapacité à faire autrement.

Nous sommes d’accord que les concepts cars sont devenus inutiles. A qui s’adressent-ils ? qui sont-ils censés faire réagir et comment sont collectées les réactions d’un objet qui n’est utilisé par quasiment personne ? comment ces véhicules sont-ils intégrés dans des services qui dépendent d’autres acteurs ?

Toutes ces annonces révèlent plusieurs paradoxes de l’industrie automobile :

  • Paradoxe 1 : « venez sur ma plateforme (technique), nous ferons de belles choses ensembles » et en même temps « je reste le donneur d’ordre que j’ai toujours été, celui qui décide ».
  • Paradoxe 2 : « je n’ai jamais développé un véhicule ouvert qui sera utilisé par des structures extérieures sans pouvoir imposer ma vision, donc je fais comme d’habitude : un concept car qui ne sera utilisable par personne ».

3 types de VE

En résumé, plusieurs constructeurs sentent bien que leurs plateformes techniques sont une pièce du puzzle, mais aucun n’a engagé une démarche intégrale pour s’en servir pour explorer des continents inconnus. En résumé, trois grandes familles de véhicules électriques vont co-exister (je reprends ici un bout de la MétaNote N°0 rédigée en 2009) :

  • Des VE haut de gamme : Tesla like. Vendu cher, beaucoup de batterie et lourd, rien d’intéressant du côté énergie, environnement, c’est le business model classique des constructeurs.
  • Des VE très simples : les chinois sont déjà sur ce créneau que l’Europe ne voit pas. Plus de 1.7 millions de VE « dits faible vitesse » ont été vendus en Chine avec un prix qui commence à … 1000$. Leur arrivée en Europe d’ici quelques mois ou années va répondre à des besoins clairement identifiés et laminer l’entrée de gamme des constructeurs.
  • Des VE serviciels utilisant des briques techniques des VE haut de gamme et des plateformes des VE bas de gamme : tout est à inventer, et c’est l’objet de la suite de cet article. Vous noterez que, dans cette vision, le milieu de gamme disparait …

Cette 3ème voie pourrait permettre à l’Europe de résoudre le dilemme dont lequel elle se trouve : mobilité inclusive pour tous, d’abord active, partagée et collective, faiblement émettrice, pour tous les territoires et créatrices d’emploi. A entendre les constructeurs actuellement, ceci n’est possible qu’avec des véhicules chers, lourds, très techniques. Pourtant une 3ème existe, elle impose un changement culturel intégral.

Less is more

Revenons à nos annonces de plateformes (techniques) ouvertes. Ces bases techniques ne sont pas nouvelles pour l’industrie auto, qui, depuis des décennies, mutualisent de nombreux sous-ensembles et organes techniques entre constructeurs concurrents. Pour engager la 3ème voie, il est nécessaire d’aller bien plus loin…

  • Considérer cette base roulante et les sous-éléments du VE (moteur, batterie, BMS, …) comme des commodités pour accélérer la standardisation des composants et surtout des interfaces,
  • Faire le deuil d’une démarché planifiée pour atteindre un objectif fixé par le seul constructeur,
  • Inviter d’autres acteurs à venir innover sur sa plateforme technique en ouvrant, documentant les interfaces au maximum et en réduisant au maximum les barrières à l’entrée, donc changer de posture pour accueillir l’inconnu ; Sinon vous resterez seul avec votre plateforme. Si Microsoft a acheté 7.5 Md$ les communautés RedHat, c’est avant tout pour intégrer ce changement culturel,
  • Intégrer aux développements de l’objet roulant « automobile » la mise en œuvre de la plateforme numérique « sœur ». Comme le smartphone n’est rien sans GooglePlay / iTunes, les VE serviciels sont à designer en même temps que les plateformes numériques. Concrètement, Uber va intégrer des Vélos Jump à sa plateforme (numérique) et pour cela a re-conçu le design des vélos pour améliorer leur intégration et le service.

Pourquoi ce n’est pas un détail ?

En se centrant sur le créneau des VE lourdes et chères, les constructeurs ralentissent la mise en œuvre d’actions de la part des collectivités et ouvrent la porte à de nouveaux acteurs sur le bas de gamme.

  • Du côté des collectivités, puisque les VE restent réservés à des clients aisés, ces dernières n’ont pas de possibilité de restreindre l’accès « puisqu’il n’existe pas d’alternative à des prix abordables ». Si des options de VE à bas prix devenaient disponibles, cela légitimerait la mise en œuvre de contraintes.
  • En choisissant de s’écarter du bas de gamme, les constructeurs européens poursuivent la tendance de montée en gamme initiée il y a des décennies pour tous se battre sur le même segment, certes à haute valeur ajoutée mais limité. Ceci a été analysé et décrit par C.Christensen dans le dilemme de l’innovateur. Dans ce cas, l’entrée de gamme est un champ libre pour de nouveaux acteurs. Les VE chinois sont les parfaits candidats, soit vendus directement, soit intégrés dans des services comme des vélos ou des trottinettes.

En résumé cette posture très conservatrice, dans un environnement qui ouvre de nouvelles opportunités, a des conséquences lourdes en matière d’évolution des mobilités quotidiennes bien au-delà de l’automobile telle que nous la connaissons, en matière de nouvelles compétences et nouveaux services et bien sûr en matière de performances environnementales et énergétiques.

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