Accueil Mes posts Le secret de Shenzhen : « Shanzhai »

Le secret de Shenzhen : « Shanzhai »

par Gabriel Plassat

10 millions d’habitant (30 000 en 1970), 3ème port de chine, la plupart des produits électroniques made in china sont en général « Made in Shenzhen ». Ce Hub Chinois de la production ajoute désormais l’innovation et l’entrepreneuriat. Une sorte de Silicon Valley avec de grands moyens de fabrication pour tous les marchés, à tous les prix. Kai-Fu Lee dans AI Superpowers décrit en détail l’épopée de l’AI en Chine, dont la ville de Shenzhen fait maintenant partie pour ajouter l’AI à tous les objets.

Comme l’open source permet à une communauté de remixer, copier, améliorer en s’appuyant sur le travail des autres, créant rapidement de multiples variantes répondant à plusieurs besoins, la méthode Shanzhai fait la même chose avec le hardware et le software, et délivre des produits modifiables avec des parties interchangeables. Shanzhai reproduit les méthodes de test A/B venues du web à tous les produits. Un entrepreneur Shanzhai délivre une dizaine de produit à la fois copié et originaux avec des variantes et regarde ce qui marche le mieux dans un marché parmi les plus difficile au monde.

Avec cette approche, l’écosystème Shanzhai avance DIX fois plus vite que l’occident. Pour cela, Kai-Fu Lee nous donne des clés de compréhension :

Combine these three currents—a cultural acceptance of copying, a scarcity mentality, and the willingness to dive into any promising new industry—and you have the psychological foundations of China’s internet ecosystem.

Le Delta de la rivière Perle héberge l’usine du monde. Tous les gadgets et produits électroniques sont fabriqués ici. Nulle part ailleurs vous ne trouverez autant de fabricants, sous-traitants, de petites usines de composants. Nulle part ailleurs vous ne trouverez aussi une certaine vision de la propriété intellectuelle. Ce terreau inédit oblige d’aller (très) vite pour conquérir un marché intérieur et extérieur en « bricolant », testant et itérant sans cesse.

Le secret de Shenzhen prend aussi la forme du marché de Huaqiangbei (l’image de l’entête) où des centaines d’usines présentent leur produit sur des étales de 1m de large, sur lequels s’inventent de nouveaux métiers. Ce marché présente en modèle réduit les composants et les compétences de l’usine du monde. S’appuyant sur ce marché et cet écosystème, des designers formés en Europe ou aux USA vous guident pour développer tous vos produits en partant de l’idée jusqu’à l’usine. Les entrepreneurs de Shenzhen ne sont pas hébergés dans des incubateurs vides ; ils sont reliés à tous les composants de l’usine monde et à ces guides leur permettant de copier, assembler, inventer, bricoler à une vitesse sans commune mesure avec tous les standards occidentaux. En plus de leur compétence pour produire à bas prix, l’écosystème de Shenzhen a réussi à conserver des compétences techniques sur chaque composant pour permettre des réutilisations, des hacks.

L’Europe, la France aussi, finance des projets européens en général d’une durée de 3 ans. Pendant 3 ans, l’équipe et le projet sont « fermés » avec de très faibles capacité à modifier le « plan d’action » prévu un an ou 2 avant. Pendant ces 3 ans, les entrepreneurs de Shenzhen ont réalisé 10 à 15 itérations, c’est-à-dire qu’ils ont prototypés, testés et itérés 10 ou 15 versions du produit envisagés. Nous devons tout remettre à plat.

Certains comme David Li veulent aller encore plus loin et donc plus vite. Avec le Shenzhen Open innovation Lab, David propose d’utiliser l’open source et de créer une usine de prototypage à l’échelle. Grâce à plus de 1000 makers spaces autour de Shenzhen, David Li va former les entrepreneurs à faire levier de l’open source pour capitaliser plus vite, standardiser, mieux copier et donc se centrer sur sa réelle proposition de valeur. Rien n’existe à cette échelle en Europe, ni aux USA.

Les méthodes de financement se sont adaptées (et non l’inverse) pour suivre ce rythme. Les VC, mais aussi les Tech chinoises comme Xiami ou Tencent aident ces « petits » projets. Même WeChat Pay et Alipay peuvent être utilisés par les financeurs. Il faut rappeler que là aussi la Chine va très vite : Les expérimentations ont commencé en 2014 et déployé à l’échelle en 2015. Fin 2016, c’était difficile de trouver un magasin qui n’acceptait pas le paiement par smartphone. Fin 2017, 65% des paiements sont faits par le smartphone.

L’écosystème de Shenzhen rassemble donc des designers “guides”, l’usine monde de tous les composants de base, des incubateurs guidant les entrepreneurs et les formant à l’open source, des solutions de financement adaptés et également des développeurs de rang mondial pour intégrer l’IA (largement décrit dans le livre de Kai-Fu Lee). David Li appelle cela « China as a service » pour des produits consommés dans le monde entier ! Toutes les trottinettes électriques du monde viennent de Shenzhen.

Chinese businessmen don’t care about competition in the way that you do,” Chen says. “The more people that are making the same product, the safer it is.” Indeed, if an idea is new and unproven, component suppliers will require payment up front. This tends to lead to design evolution rather than revolution—for example, going from an electric skateboard to an electric scooter. But the pressure to work faster is always there, Chen says. “We can go from concept to market in three months. But that is still one month too slow

Pourquoi s’intéresser à Shenzhen ?

La version pessimiste : à la lecture de cet article et de AI Superpowers by Kai-Fu Lee, l’Europe n’est mentionnée qu’une fois pour parler du RGPD. Shenzhen pourrait mettre l’Europe dans une sorte de sommeil, d’hiver. Avec le programme amibitieux des routes de la soie, la Chine s’organise déjà pour reproduire l’écosystème de Shenzhen, ailleurs en Asie et en Afrique notamment.

La version optimiste : il existe un autre modèle que la silicon valley pour produire et innover dans un monde numérique. Plus besoin d’essayer à tout prix de mimer la valley. L’Europe doit donc inventer sa voie en s’inspirant des meilleurs écosystèmes !

Avec la FabMob, nous sommes en contact avec David Li et nous envisageons d’aller à Shenzhen pour découvrir la méthode Shanzhai. Qui est intéressé ?

 

 

 

Related Articles

Laisser un commentaire