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L’automobile Foxconnisée

par Gabriel Plassat

We don’t plan to become the Foxconn of Apple – Dieter Zetsche, CEO Daimler, Sept 2015

Les Didi, Uber et autre Lyft s’engagent dans la conception des objets roulants. Pas des robotaxis, pas des Tesla, mais des vélos, trottinettes ou petits véhicules électriques urbains. Certains peuvent y voir un détail. J’y vois un bouleversement urbain et industriel, imaginé il y a 10 ans et théorisé dans l’âge de la multitude. Si « tout se déroule comme prévu », des personnes vont utiliser des véhicules petits, légers, adaptés aux villes, partagés ou pas, intégrés dans des services. D’un point de vue énergétique et environnemental cela conduira à une nette amélioration grâce à une forte réduction des masses des véhicules, à une réduction de l’usage de la voiture et à diversification naturelle vers le meilleur mode en fonction de chaque trajet. C’est d’ailleurs la seule voie trouvée pour répondre aux contraintes d’une réduction des émissions de GES tout en maintenant une mobilité pour tous.

Il y aura des dommages collatéraux sur les voitures « Fordistes ». Trop heureux actuellement de produire et réussir à vendre des véhicules de 2 tonnes avec de fortes marges financières unitaires, ces derniers se trouveront piégés dans le fameux dilemme de l’innovateur, mais surtout par une absence totale de vision et d’exécution. Les villes disposant alors d’acteurs industriels crédibles, de rang mondial, capables de proposer des mobilités urbaines planifiables et itérables (nous y reviendrons), efficientes, avec des véhicules de petites tailles, pourront drastiquement augmenter les contraintes sur les possesseurs de véhicules Fordistes. Tous les outils législatifs existent, il suffit de serrer la vis. Et pour cela, les élus avaient besoin d’une alternative crédible et souhaitable à proposer aux citoyens. C’est quasiment chose faite.

Décrivons en détail pourquoi les Tech disposent d’une panoplie d’avantages vis-à-vis des Fordistes, pourquoi il est inutile de partir du véhicule et pourquoi le lien avec la multitude est stratégique. Le numérique, ce n’est pas virtuel. Pour bien comprendre les caractéristiques du monde moderne, devenu numérique, faisons un détour vers la philosophie du numérique.

Stéphane VIAL, dans son livre L’être et l’écran (lire l’article associé) issu de sa thèse, étudie les caractéristiques du numérique. Le mot virtuel n’adresse qu’une partie limitée du numérique, celle de la modélisation mathématique permettant de construire des objets simulés qui n’existent pas. S.Vial propose 11 caractéristiques en complément du virtuel au sens de la simulation.

Le phénomène numérique, dans la matière calculée est l’emblème, est un noumène, c’est à dire qu’il n’est pas visible, qu’il ne se manifeste pas sans interface. Notre assistant personnel de mobilité (APM) est cette interface qui réagit, qui produit des réalités informatiquement simulées. Seuls les Tech maitrisent cette interface fournissant le lien essentiel à la multitude. Cette virtualité permet de donner une représentation visible réelle des phénomènes qui opèrent invisiblement. Ces interfaces rassemblées dans notre poche permettent aux noumènes numériques de devenir réalité, de se manifester.

Les onze caractéristiques fondamentales pour décrire l’ontophanie numérique : la nouménalité (que l’on peut percevoir sans être capable de le décrire ni de l’expérimenter totalement), l’idéalité (capacité à être programmé), l’interactivité, la virtualité (capacité à être simulé), la versatilité (capacité à évoluer), la réticularité (capacité à fonctionner en réseau), la reproductibilité instantanée, la réversibilité (CRTL Z), la destructibilité, la fluidité (capacité à fournir une expérience fluide) et la ludogénéité (capacité à être expérimenter par le jeu).

Nous allons voir que les Tech sont en train d’utiliser ces caractéristiques pour répondre aux besoins de la multitude, les « usagers », mais aussi des villes, autre acteur essentiel. Ils embrassent maintenant le système dans sa globalité.

En maitrisant le lien avec la multitude, les Tech accèdent aux vrais usages donc aux vrais besoins. Ils vont s’attaquer aux véhicules et vont faire ce que les Fordistes n’ont jamais fait : produire des véhicules répondant aux besoins et standardiser les interfaces des composants du véhicule comme les composants de votre ordinateur. Didi a tout intérêt à ce qu’Uber utilise les mêmes composants du véhicule, l’expérience sera dans le véhicule complet mais aussi dans la commande, l’accès, le paiement, le stationnement.

Les Tech maitrisent leur verticale et s’immiscent maintenant dans l’industrie fordiste pour numériser certains blocs stratégiques, mais également dans les villes et cherchent à maîtriser l’intégralité de la chaine de valeur.En travaillant de plus en plus avec les collectivités, les Tech rééquilibrent l’utilisation des données d’usage issues de la multitude vers un autre client : la ville. En dehors de tous partenariats public-privé, les Tech et les Villes inventent de nouveaux deals Espaces publics contre Services de Mobilités, données, conseils et outils de simulation. Ces propositions de valeurs recouvrent de nombreuses caractéristiques des mondes numériques : la nouménalité (que l’on peut percevoir sans être capable de le décrire ni de l’expérimenter totalement), l’idéalité (capacité à être programmé), l’interactivité, la virtualité (capacité à être simulé), la versatilité (capacité à évoluer), la reproductibilité instantanée, la réversibilité (CRTL Z), la fluidité (capacité à fournir une expérience fluide) et la ludogénéité (capacité à être expérimenter par le jeu). Les espaces publics utilisés par les Tech seront entièrement documentés au niveau physique et numérique comme le fait Coord.co actuellement. Intégrés dans l’expérience de mobilité, ces hubs serviciels joueront un rôle clé dans la relation avec les villes et la multitude.

Le passage du pétrole à l’électricité présente de nombreux avantages pour les Tech : capacité à numériser le véhicule, ses interfaces, simplification de l’objet, standardisation possible, durée de vie allongé et coût d’exploitation réduit. Le VE progresse au niveau de l’idéalité (capacité à être programmé), l’interactivité, la versatilité (capacité à évoluer), la reproductibilité instantanée. Quand les interfaces et les composants auront été standardisés et normés, le VE devenu commodité sera découpé en famille de composant, foxconnisé et encore plus profondément intégré aux services de mobilités. Encore une fois, il ne s’agit pas ici de produire des Tesla mais de simples VE urbains plus proches d’un scooter à quatre roues. L’exploitant pourra suivre l’usure de tel ou tel composant, automatiquement gérer la maintenance et même la mise production des pièces d’usure comme une imprimante aujourd’hui peut commander elle-même ses cartouches d’encre.

Toutes les caractéristiques des mondes numériques seront alors accessibles :Les différentes parties du puzzle seront alors assemblées. Durant toutes ces étapes, les Techs, les villes et peut être les Etats auront également avancés sur le design des contraintes (taxe, fiscalité) et récompenses (incitatif, aide) pour trouver les meilleurs compromis : mobilité pour tous, gestion de l’espace public, maîtrise des dépenses publiques, efficience énergétique et réduction des externalités. Les Fordistes auront été écartés par des Tech capables de mieux répondre aux besoins des villes et de la multitude.

Les services de mobilité deviendront programmables en tant que « tout » : hard, soft, expériences, contraintes et récompenses dans plusieurs environnements et contextes.

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