Article rédigé par Mathieu Chassignet : chef de projet Ecobonus mobilité, Métropole Européenne de Lille
La plupart des grandes Métropoles font face à des problèmes de pollution de l’air et de congestion récurrente en heure de pointe, entraînant une perte de qualité de vie pour leurs habitants. Plusieurs collectivités des Pays-Bas ont mis en place avec succès des programmes de « péages inversés » (ou péages positifs), à commencer par Rotterdam en 2009 qui a rapidement été suivi par d’autres villes comme Utrecht ou Amsterdam. Cela consiste à inciter les automobilistes qui circulent sur les grands axes aux heures de pointe, à utiliser un autre mode de déplacement ou à reporter leurs trajets en dehors de ces périodes. Des récompenses financières, qui sont de l’ordre de 3 € par trajet évité aux Pays-Bas, leur sont ainsi proposées.
La Métropole Européenne a décidé de mettre en place un tel dispositif, unique en France, dès la fin de l’année 2018, et pour une durée de 4 ans. Elle a prévu pour cela une enveloppe de 13,7 millions d’€ dont une partie sera subventionnée par l’Etat dans le cadre du Pacte métropolitain d’innovation de la Métropole Européenne de Lille.
Etre payé pour laisser sa voiture au garage
Ce dispositif, est une opportunité pour agir directement sur le comportement des usagers, en particulier pour les inciter à limiter l’usage de la voiture.
Les candidats potentiels sont d’abord identifiés grâce au repérage des plaques d’immatriculation à l’aide d’un lecteur de plaque, puis contactés individuellement pour se voir proposer de participer au programme pour une durée généralement limitée à 12 ou 18 mois. Chaque participant est alors rétribué à chaque fois qu’il évite un trajet en voiture pendant l’heure de pointe. Une fois la période terminée, d’autres participants sont recrutés ou le dispositif est déplacé sur un autre axe.
Diminuer la congestion et modifier durablement les comportement
Les principaux objectifs du projet lillois sont de :
- favoriser l’utilisation des moyens de transports les plus vertueux sur le plan des consommations d’énergie et de la qualité de l’air : transports collectifs, covoiturage, vélo, etc. ;
- encourager le développement des activités à distance : télétravail, visioconférences, etc. ;
- soulager les principaux points de saturation de la Métropole de 5 à 7% de leurs volumes de trafic circulant aux heures de pointe afin de contribuer à une amélioration nette et visible du niveau de service des infrastructures ciblées ;
- améliorer la fiabilité des temps de parcours des usagers des infrastructures routières de transport ;
- faire tester de nouvelles solutions de mobilité (en associant les fournisseurs de services, opérateurs de transport, start-up, etc.) et pérenniser les usages : les initiatives néerlandaises montrent que plus de la moitié des participants à l’Ecobonus conservent leurs nouvelles habitudes de déplacement lorsque l’incitation financière cesse.
Bien sûr, payer les participants pour qu’ils évitent des trajets a un coût qui est de l’ordre de 2 à 3 millions d’euros par an, mais les autorités néerlandaises ont bien compris que cela permettait de limiter la construction de nouvelles infrastructures qui représenteraient des coûts bien plus élevés, sans compter l’impact environnemental de tels chantiers.
Pour un droit à l’expérimentation
Aujourd’hui, le cadre juridique reste à examiner pour permettre à une collectivité de mettre en œuvre directement un péage inversé. En effet la constitution éphémère d’une base de données des automobilistes susceptibles d’être intéressés par le dispositif doit être documentée au regard de la loi informatique et libertés.
Pour mettre en place son Ecobonus, la Métropole Européenne de Lille devra donc obtenir une autorisation de la CNIL ou un recours au droit d’expérimentation des collectivités territoriales. D’autres collectivités sont sur les rangs et seraient sans soute intéressées également par une telle autorisation.
Au moment où démarrent les Assises nationales de la mobilité, nul doute que les pouvoirs publics s’empareront de ce sujet et permettront au territoire lillois de constituer le premier démonstrateur national d’un péage positif à grande échelle.
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