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Ceci n’est pas une place de parking

par Gabriel Plassat

Le contrôle-sanction du stationnement va être géré par des sociétés privées. Cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018, est permise par la loi sur les métropoles (loi MAPTAM) de 2014. Elle conduit au développement de nouvelles solutions techniques comme cette voiture équipée de caméra avec reconnaissance de plaque beaucoup plus « efficace » qu’un humain (lien vers un article). Aujourd’hui le rendement du stationnement, c’est-à-dire le paiement réel du stationnement est faible, et donc la privatisation est vue comme un moyen d’augmenter ce rendement en acceptant qu’une société privée se rémunère sur une partie des bénéfices. Ce premier niveau de lecture est intéressant mais totalement insuffisant pour envisager les prochaines années.

Une place de stationnement doit être vue en même temps comme une gare multimodale, un espace public d’une très grande valeur économique, un facteur d’attractivité économique pour les commerces et en général tous les acteurs urbains, un élément essentiel de la carte et une donnée stratégique à maîtriser en temps réel. Aucun acteur n’a engagé aujourd’hui une démarche coordonnée pour se placer au centre de la valeur. Sauf Google.

Depuis près de 10 ans, Google a investi des millions dans des dispositifs techniques pour indexer le monde physique, créer des cartes en empilant les cartes « naturelles », les routes et infrastructures, les points d’intérêts commerciaux et publics, les informations publiques (les panneaux de circulation par exemple) et privées (enseignes de restaurant), les flux de trafic (remontant de waze), vos contacts (remontant de votre agenda/mail). Pour cela, Google a conçu, développé et organisé un dispositif technique comprenant des satellites, drones, voitures avec camera, logiciels de traitement d’image, captcha. Récemment Google a annoncé ajouter l’information parking dans Google Map, à coté d’Uber ou des transports publics (lien vers l’article). Encore une fois, Google ne s’intéresse pas aux transports, il est obligé de passer par là, puisque personne ne le fait et pour rester en contact avec la Multitude en résolvant des problèmes concrets et quotidiens. Nous avons déjà indiqué que la robotisation de la conduite peut être vue comme un nouveau moyen technique permettant d’indexer le monde physique de façon automatisée.

Depuis 3 ans, Sidewalk labs étudie tous les moyens permettant de proposer de la valeur aux villes. Flow est un de ces projets aujourd’hui déployés dans plus de 10 villes américaines. Flow propose, entre autre, d’utiliser les voitures caméra de street view pour automatiser le contrôle sanction du stationnement. Petit détail, ce contrôle peut faire fait tous les parkings public et privés. La proposition vers la ville est donc simple : « Vous avez un mauvais rendement, nous vous proposons de faire circuler nos voitures pour augmenter le rendement. Nous nous rémunérerons sur les données et une partie des amendes. » L’offre Flow sera structurellement moins chère que les futurs concurrents car la data collectée sera utilisée de plusieurs façons par Google. Et la circulation des futurs robots sera un argument supplémentaire pour avoir l’accord de la ville. « Avec nos robots, en plus d’offrir une mobilité pour les personnes âgées, les enfants, … vous améliorez le rendement du stationnement, sans aucun investissement pour la collectivité ». Nous arrivons au point central.

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Après la révolution numérique, aujourd’hui terminée, il n’est plus envisageable de mener des développements et des projets sans concevoir une stratégie globale avec les données générées par cette activité. Sur cet exemple du stationnement, il ne s’agit pas uniquement de produire le système de caméra avec reconnaissance de plaque, mais plutôt de construire une plateforme technique permettant de valoriser au maximum les données générées par l’activité dans le respect des règles relatives à ces données. Ainsi, il existe déjà de nombreux acteurs qui font circuler des véhicules tous les jours et dans toutes les rues (logistique, nettoyage, taxi…), qui pourraient donc s’équiper d’un tel système pour éviter de rajouter des véhicules. Les données générées pourraient à la fois traiter tout ou partie du stationnement, alimenter des bases de données ouvertes mutualisées, offrir une plateforme publique pour gérer les places de stationnement (pour les voitures et la logistique urbaine) et renforcer des cartes comme Open Street Map. Des alternatives existent en pensant mutualisation, biens communs et Open Source.

Les plateformes privées, comme Uber ou Google, ont atteint un stade de maturité qui les conduit à travailler avec les collectivités. N’attendons pas que ces plateformes aient rempli tous les espaces, aspiré toutes les données, car le pouvoir de négociation des villes sera alors très restreint. Nous avons probablement moins de 3 ans pour cela et nous y travaillons dans la Fabrique des Mobilités.

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