Après le capot "transparent" de Land Rover, Jaguar vient d'annoncer un pare-brise contenant des éléments ludiques de l'Univers du jeu vidéo avec trajectoire idéale, classement, cônes sur la route. Cette fusion d'éléments virtuels avec des pièces, composants, fonctions réels n'est pas une option; elle a lieu dans tous nos objets, tous les domaines. Le numérique se caractérise par cette capacité à se tisser avec les précédentes générations d'objets. Que devient alors le mot "virtuel" ?
Le numérique se positionne bel et bien comme la technique dominante, qui structure de plus en plus notre perception du réel. En conséquence, la numérisation des objets traditionnels, tout en étant essentiel, se révèlera largement insuffisant pour concurrencer les meilleures expériences utilisateurs venant des industries numériques.
Avec cet "accessoire", Jaguar souhaite proposer une nouvelle expérience de conduite. Néanmoins, en utilisation quotidienne, l'intérêt de la position ou la trajectoire que l'on a dans les bouchons ou sur des routes limitées à 70 ou 90 km/h, devient quelque peu … marginal. Il n'est pas loin le moment où le jeu apportera plus de sensations (réelles) que le monde réel (lire un précédent article sur ce sujet).
Le cybercar et le virtuel
La voiture sans chauffeur se positionne bien à un autre niveau. Tout est à créer. Quelles seront les expériences utilisateurs proposées ? Dès aujourd'hui, il est possible d'imaginer de vrai jeu de conduite utilisant le monde réel pendant que le robot se charge de la conduite réelle pauvre en sensation. Dans le cybercar, le numérique est structurellement imbriqué avec la précédente technique dominante (acier/machines thermiques), le véhicule "objet" devient un support aux logiciels, l'expérience de mobilité sera alors nativement portée par le numérique. (Lire la MétaNote 17 la révolution numérique).
La mobilité urbaine et le virtuel
Dans un autre domaine, Google a lancé il y a plus d'un an Ingress, jeu en réalité augmentée (lire un précédent article rédigé au lancement d'Ingress). Aujourd'hui 2 millions de joueur marchent chaque jour pour prendre des positions et combattre le camp adverse. Et ce jeu est basé sur le réel, il faut combattre dans la ville, rencontrer des gens. Le "virtuel" amène alors à augmenter le réel.
Que devient le virtuel ?
Stéphane VIAL, dans son livre L'être et l'écran (lire l'article associé) et ce livre Contre le virtuel, travaille ce sujet. Le mot virtuel se limite à une partie limitée du numérique, celle de la modélisation mathématique permettant de construire des objets simulés qui n'existent pas. S.Vial propose donc 11 caractéristiques en complément du virtuel au sens de la simulation.
Le phénomène numérique, dans la matière calculée est l'emblême, est un noumène, c'est à dire qu'il n'est pas visible, qu'il ne se manifeste pas sans interface. D'où dans les exemples précédents, le besoin de rajouter ces interfaces. Notre assistant personnel de mobilité (APM) est cette interface qui réagit, qui produit des réalités informatiquement simulées. Cette virtualité permet de donner une représentation visible réelle des phénomènes qui opérent invisiblement. Ces interfaces "rassemblées dans notre poche" permettent aux noumènes numériques de devenir réalité, de se manifester.
La matière calculée, dont les traces numériques pour les transports ou la logistique, circule à toutes les échelles et devient le réel en perfusant les flux d'objets physiques. "Parce qu'elle est d'essence mathématique, c'est à dire imperceptible, la matière calculée est d'abord nouménale". Le phénomène numérique est idéalité (programmable), interactivité (interaction), virtualité (simulation), versatilité (instable), virtualité (simulation), réticularité (réseau), destructibilité (néantisé), fluidité (thaumaturgique), ludogénéité (jouable).
La parebrise ludique de Jaguar utilise ainsi la ludogénéité, la nouménalité (nouvelle interface), l'interactivité, et en partie la réticularité. Ingress et le cybercar utiliseront toutes les fonctionnalités du numérique.