Après une étude essentielle sur les mutations du secteur automobile (toujours d'actualité), le PIPAME propose un rapport "Étude sur la location de biens et services innovants : nouvelles offres, nouveaux opérateurs, nouveaux modèles économiques ?".
L'économie des plate-formes rendue possible par le numérique est presentée, soulignant cette transition majeure en cours. Ceci rejoint le précédent article VW XL1 n'est pas une innovation. Il manque la plateforme (numérique) qui va avec ainsi que celui portant sur la multitude.
Le rapport complet et le résumé :
" Le modèle de croissance actuel, fondé sur une stimulation de l’économie par un essor de la consommation – et, partant, de la production de masse – connaît aujourd’hui de profondes mutations. L’accès aux matières premières, d’abord, dont certaines sont en train de s’épuiser, devient de plus en plus difficile, constituant pour notre société un authentique défi écologique.
La révolution numérique, par ailleurs, partie du secteur des télécommunications avec le développement de la téléphonie mobile dans les années 1990, continue de modifier en profondeur les usages des consommateurs et les comportements de la population, notamment à l’égard des produits culturels (livre, presse, audiovisuel…). Ces derniers sont par ailleurs soumis à l’influence très forte des NTIC qui tendent à favoriser l’interpénétration des sphères privée et professionnelle en dessinant une véritable « économie de plates-formes », dont l’émergence est facilitée par la perméabilité entre les marchés B2B et B2C. L’accélération du cycle de vie des produits, rend les biens, notamment technologiques1, très vite obsolètes en terme de design, de fonctionnalités et de performances. Il en résulte, de façon subjective, une dépréciation des valeurs immatérielles associées à la possession des objets. L’émergence de nouvelles aspirations, enfin, tant individuelles que collectives, contribue à bouleverser les modes de consommation, marquées par la persistance de l’« immatériel de rassurance » autour de valeurs traditionnelles (santé, famille, solidarité…), ce qui se traduit par un fort intérêt pour les produits et services garants d’hygiène et de sécurité, mais également par une consommation sur mesure, à la fois plus personnalisée (changement de la perception des biens ou services, coproduction des consommateurs…) et plus respectueuse de l’environnement.
Le fonctionnement locatif, de courte ou de longue durée, en B2B, en B2C ou en C2C, engendre de nouvelles formes de commercialisation, qui se traduisent par un «pilotage de la production par l’aval», intégrant la logique de distribution dès la conception des produits et la vente de biens et services sous forme de solutions associées ou « bouquets » répondant aux attentes complexes des consommateurs. Il induit également l’adoption de nouveaux schémas organisationnels au sein des entreprises, caractérisés par l’exploitation des nombreuses informations ou données clients collectées en vue de créer de nouveaux services marchands innovants (dont certains relevaient jadis de la sphère privée) et de nouvelles activités d’intermédiation. Il modifie enfin les relations entre industriels et prestataires de services et accèlère la montée en puissance de l’innovation et de l’écoconception des produits (en agissant davantage sur leur durabilité que sur la programmation de leur obsolescence). Devant les difficultés du système économique à faire face au constat environnemental et à relever ces défis, la dématérialisation de l’économie semble émerger comme une alternative, le découplage de la création de richesse et du recours à la matière permettant aux entreprises de concilier augmentation du profit et diminution de la pollution.
C’est dans cette optique que l’économie locative et d’usage propose aux acteurs économiques d’orienter leur activité vers de nouvelles formes, plus qualitatives, de conception, de production et de distribution, fondées sur l’usage des biens et la fourniture de bouquets de services ou de « solutions intégrées », qui inscrivent le client au coeur des process et qui reposent sur une approche modulaire de la chaîne de valeur, c’est-à-dire ajustée aux nouvelles logiques de consommation et aux nouvelles attentes des bénéficiaires finaux. C’est en ce sens que l’économie servicielle peut permettre de répondre aux défis économiques qui se posent à la France et aux pays industrialisés (maturité des marchés, érosion du pouvoir d’achat, préoccupation écologique…), même si les solutions locatives et les modèles d’économie d’usage rentables s’avèrent encore rares et non stabilisés, qu’ils soient portés par des start-up ou des grands groupes majoritairement anglo-saxons.
L’évolution très forte du marché des biens culturels en une décennie montre que ce secteur n’échappe pas à la transition vers l’économie locative ou vers des modèles d’économie d’usage. Sous l’effet de la numérisation des contenus, les biens culturels se trouvent donc de fait à l’avant-garde de l’émergence de solutions intégrées et de bouquets de services innovants et contribuent ainsi à donner un éclairage prospectif sur le phénomène de pénétration croissante de l’économie locative évolutive dans la plupart des secteurs « traditionnels » (transport, santé, biens de consommation, BTP, manutention industrielle…). Face à ces mutations, qui occasionnent l’émergence de modèles parallèles d’économie d’usage, tels que l’économie circulaire ou l’économie du quaternaire, les acteurs publics ont un rôle déterminant à jouer pour stimuler ce changement de paradigme.
L’État pourrait ainsi accompagner les entreprises et les consommateurs dans l’appréhension du bouleversement culturel radical que constitue le passage de la propriété d’un bien vers son usage, favoriser la mise en place d’écosystèmes performants, soutenir des initiatives innovantes en termes d’offres de bouquets de services et adapter le cadre législatif à ces nouvelles pratiques. L’État devra également se proposer de réfléchir aux solutions à apporter pour lever les obstacles que rencontre cette nouvelle économie génératrice de richesses, porteuse de croissance et d’emplois non délocalisables, parmi lesquels les difficultés de gestion et d’anticipation par les entreprises de la transition économique entre un modèle traditionnel toujours rentable, fondé sur la vente de leurs produits, et le marché locatif et serviciel, encore en phase de test pour une large part ; mais aussi les « dépenses contraintes » ; le surenchérissement pour le bénéficiaire final (entreprise ou particulier), du fait de la substitution
de la vente d’une fonction d’usage – un service – à celle d’un produit ; ainsi que les questions d’ordre juridique liées à la gestion des données personnelles des clients, à la nature des « contrats d’usage » signés par ces derniers, au risque auquel ils s’exposent de demeurer captifs d’un fournisseur unique, aux limites d’usage et aux conditions d’« usage normal » autorisées par les opérateurs, etc.
De par notamment la financiarisation de l’économie qui s’avère favorable au développement des modalités locatives du fait des dispositions fiscales en vigueur, l’orientation graduelle des opérateurs économiques vers les activités locatives bouleverse la plupart des modèles économiques à l’oeuvre dans le secteur dit de la « location traditionnelle », qu’elle concerne la location de véhicules, de biens de consommation et d’articles domestiques, de matériels et d’équipements professionnels, ou la location-bail de propriété intellectuelle (NAF 77.1 à 77.4). Soumis à des facteurs d’évolution complexes, de nature à la fois conjoncturelle (crise financière, récession) et structurelle (phénomène d’externalisation affectant notamment l’industrie automobile, la fabrication des biens de consommation, les transports et les activités financières ; accélération de la rotation du capital investi et du rythme des innovations, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’informatique), le secteur de la location, dont le chiffre d’affaires a crû de près de 48 % entre 2000 et 2009, se situe donc depuis plusieurs années dans une période de profonde transition économique, qu’il franchira avec succès s’il parvient à relever les quatre défis majeurs auxquels il se retrouve aujourd’hui confronté : la mise en place de plates-formes technologiques, qui suppose la maîtrise de technologies-clefs ; la question des réseaux de distribution, qui implique la maîtrise des environnements dématérialisés, et en particulier du commerce connecté ; la relation et la contractualisation clients, qui nécessitent la maîtrise de la segmentation des cibles marketing ; la montée en puissance d’une double culture de l’innovation et de l’expérimentation."