Reprenant ci dessous les conclusions du très complet article de B.Marzloff de Chronos sur la voiture individuelle : "Les automobilistes sont plongés dans de multiples contradictions, enkystés dans un siècle de pratiques assidues d’un système automobile qui a façonné leur quotidien et redessiné leur territoire. Résultats ? Ils évaluent leur budget automobile à moins de la moitié de sa réalité. Ils se réclament des valeurs de la liberté automobile, oubliant le stress des congestions. Ils célèbrent la résidence à la campagne en se masquant les budgets temps, pollution et économie des servitudes automobiles. Et soulignent, à juste titre, l’absence d’alternatives. Ils réclament furieusement moins de voitures, au moins en ville, depuis longtemps mais persistent dans son usage. En 1998 déjà, La vie du rail titrait en double page, « Les Français sont croyants mais pas pratiquants. » Si les dimensions utilitaires de la voiture prennent le pas sur ses valeurs statutaires et ses promesses imaginaires, tout reste à faire. Mais il semble bien que le « peak car » ne soit plus loin."
Les 8 points listés par B.Marzloff sont justes, le constat est précis, même si de nombreux ménages et entreprises connaissent leur budget mobilité. Néanmoins, la situation actuelle peut se poursuivre si le prix au litre reste sous la barre des 2€ (voir ici). Si cette barre est franchie par effet conjoint du prix du baril et d'ajustement des taxes (venu de l'Europe), nous pourrons observer plusieurs ajustements :
- des ménages et entreprises incapables de fonctionner "comme avant", conduisant à,
- une pression sociale forte pour baisser les taxes, ce qui se fera sans doute, conduisant à redonner un peu d'air pour quelques mois,
- puis, une fois que ces quelques cartouches auront été tirées, la société entrera dans une zone inconnue, hors période de guerre, que je propose d'effleurer ci dessous.
Sous cette contrainte majeure, nous rechercherons des solutions d'adaptation mineures puisque nous n'aurons, au début, trouver aucun degré de liberté au système. Nous pensons que les seules variables d'ajustement sont celles que nous utilisons aujourd'hui. Or, pour en revenir à l'article de B.Marzloff, toutes les solutions de partage ne s'appliqueront qu'à la marge dans ce système, malgré leur potentiel. Dans cette situation, nous observerons clairement l'impact des choix antérieurs des ménages, des entreprises et des collectivités en matière d'aménagement du territoire, de lieux d'habitation ou de mode d'organisation. Des critères comme l'employabilité, l'habitabilité ou la mobilité détermineront les conditions de survie. Des fractures territoriales se rajouteront aux fractures existantes conduisant à l'insularité de nombreuses communes. Pour s'extraire de ce scénario qui arrive, pour exploiter le gisement de progrès apporté par les TIC, les solutions de partage, les aspirations de certains aux changements, tout en maintenant des activités industrielles, je propose de revoir toutes nos certitudes.
Par exemple, la mise en oeuvre d'une solution de mobilité/immobilité comme les téléactivités n'achoppe pas pour des raisons technologiques, mais avant tout pour des raisons d'organisation du travail et des activités de l'entreprise, de son management. Maintenir dans le temps, faire adhérer massivement les salariés à cette solution implique de repenser l'ensemble de l'activité de l'entreprise, toutes les relations de pouvoir et de hiérarchie, jusqu'aux syndicats. Ainsi, le télétravail ne se "branche" pas (ou à la marge) sur l'entreprise "toute chose égale par ailleurs". Enfin, développer le télétravail nécessite de trouver des alliés: qui a intérêt à ? les petites communes pour maintenir les actifs, starbuck …
Seule l'expérimentation permettra à l'entreprise (et aux ménages) de SIMULTANEMENT repenser ses activités, brancher des solutions de mobilité/immobilité et trouver des alliés dans ce changement. Ce processus d'essais et d'erreurs est le fondement même de toute innovation de rupture. Facebook n'avait aucun modèle d'affaire au départ. Imprévue au départ, sa monnaie lui apporte une part importante de ses revenus. Demain, elle changera le rapport à l'argent, et donc les échanges.
Mais ces expérimentations risquent de prendre un peu de temps, et il serait plus raisonnable de les faire avant d'être dans la zone rouge. Quelques mots clés pour mettre en oeuvre de nouvelles règles : les usagers ont le pouvoir, abondance d'intelligence, réseau, plate-forme, ouverture. En élargissant l'exemple du télétravail, nous avons besoin:
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d'expérimenter SIMULTANEMENT les changements d'activité et les nouvelles mobilités pour les personnes et les marchandises,
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d'organiser, de mutualiser ces expérimentations via une plate-forme collaborative pour accélérer les apprentissages, réduire les itérations, capitaliser les erreurs et les succès, créer des normes et des standards,
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d'inclure au maximum l'intelligence collective en faisant participer tout ou partie des utilisateurs,
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de créer des outils d'aide aux changements pour les ménages, les entreprises, les collectivités, l'état,
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de créer des équipes de recherche, des savoirs sur ces systèmes complexes (sans découper les liens et retroliens, voir ici),
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d'identifier les ménages, entreprises, territoires les plus fragiles et faire de la résilience un objectif majeur.
« La catastrophe a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu’elle va se produire, mais qu’une fois produite elle apparaît comme relevant de l’ordre normal des choses. »
J.P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé.