Un article complet et intéressant sur « les enjeux juridiques du contrôle des émissions personnelles de gaz à effet de serre par un dispositif de carte carbone » est paru dans la revue Développement durable et territoires [En ligne]. De nombreux extraits sont réalisés (en italique) et des liens apparaissent avec les récents articles sur DHL et l’Assistant Personnel de Consommation (APC) pour le transport de marchandises et sur l’Assistant Personnel de Mobilité (APM) pour les personnes.
Les systèmes de taxe et de quotas sont détaillés et analysés tant au niveau de leur pertinence, efficacité que de leur adaptabilité à nos cadres juridiques.
[Pour atteindre le « facteur 4 »], deux instruments économiques, la taxe et le système de quotas échangeables, permettent d’inciter à l’adoption de comportements sobres en carbone par l’envoi d’un signal prix. La principale différence entre ces deux instruments réside dans le choix de l’incertitude, pesant soit sur le résultat environnemental (taxe), soit sur le prix de la pollution (quotas). Un système d’échange de quotas peut être préférable lorsqu’une certitude du résultat environnemental est nécessaire (OMC, PNUE, 2009, p. 107), ce qui est le cas du changement climatique eu égard au seuil irréversible d’un réchauffement global d’environ 2°C par rapport aux valeurs préindustrielles.
La taxe a été présentée comme un instrument plus efficace et moins coûteux à mettre en œuvre qu’une extension du système de quotas aux sources diffuses (Rocard, 2009, p. 5). L’extension de ce système aux émissions diffuses peut s’effectuer de deux manières : en amont, et en aval. Dans le cadre d’une extension en amont, la responsabilité des émissions pèse notamment sur les producteurs et les importateurs de combustibles fossiles. L’impact sur les particuliers est équivalent à celui d’une taxe, dans la mesure où le prix des quotas est intégré dans celui des biens qui leur sont proposés. Dans le cadre d’une extension en aval, la responsabilité des émissions pèse directement sur les particuliers. Ces derniers devraient gérer un budget carbone, fractionné en unités qui seraient débitées en fonction des émissions associées à l’achat de certains biens, et qui pourraient être échangées en fonction du solde de leur compte carbone. Cette solution semble présenter plusieurs avantages : efficacité environnementale, visibilité des émissions personnelles, contribution équitable à l’atténuation du changement climatique, libre arbitre en matière de gestion du budget carbone individuel, fiscalité progressiste.
Le système de quotas personnels de carbone a été initialement proposé par des scientifiques au Royaume-Uni à la fin des années 1990, avant d’être pris en considération sur le plan politique. Ce dispositif novateur commence à être étudié dans d’autres pays, ainsi qu’au sein d’organisations internationales et de réseaux de collectivités locales. Il consiste à soumettre les particuliers à une obligation de réduction de leurs émissions, dont le respect est surveillé par un suivi électronique des émissions associées à leur consommation individuelle. Ce mode de contrôle des émissions personnelles soulève parfois des controverses, la carte carbone pouvant être perçue comme un instrument de rationnement potentiellement liberticide.
Ce mode d’atténuation du changement climatique repose sur une limitation des émissions individuelles de CO2, dont la comptabilisation nécessite un suivi de la consommation par les particuliers des produits et services couverts par les dispositifs de carte carbone. Le recueil et l’utilisation de ces informations doivent cependant préserver l’intégrité morale des personnes, et notamment le secret de leur vie privée. La fixation d’une limite aux émissions personnelles de CO2, et la gestion de données personnelles respectueuse des libertés individuelles, sont dès lors les deux principaux enjeux juridiques de l’implication des particuliers dans la lutte contre le changement climatique au moyen d’une carte carbone.
Les émissions seraient mesurées au moyen de technologies de l’information et de la communication (TIC), telles que des cartes, mais aussi des téléphones portables ou des compteurs intelligents.
En conclusion, Une analyse comparative des différents dispositifs de carte carbone individuelle, existants ou en projet, permet de constater que les controverses soulevées au sujet de leurs potentialités liberticides et totalitaires ne sont pas réellement fondées. L’arsenal juridique existant en matière de protection des données personnelles comporte cependant des garanties suffisantes pour prévenir tout risque d’atteinte à l’intégrité morale des personnes lié à la mise en place d’une carte carbone. Il peut d’ailleurs être observé que la gestion de données personnelles est intégrée dans les dispositifs existants de carte de compensation carbone et de fidélisation verte, sans que soit évoquée la virtualité liberticide de ces derniers. Ces dispositifs volontaires ont pourtant le même effet qu’un système de quotas d’émission sur le plan des droits fondamentaux, même si leur impact est moindre en raison du nombre limité de participants. Surtout, un système de quotas personnels vise à instaurer un suivi des émissions de CO2 associées aux achats de certains biens, et non pas des achats eux-mêmes. Ces données personnelles ne sont pas des données sensibles, en ce sens qu’elles ne révèlent rien de profondément intime sur les particuliers si ce n’est leur empreinte carbone.
Les dispositifs existants de carte carbone ne visent pas une réduction absolue des émissions personnelles, à la différence d’un système de quotas. Seul un dispositif national d’allocation de budgets carbone reposant sur une participation obligatoire des particuliers, établi parallèlement à d’autres dispositifs applicables aux organisations (entreprises, administrations, collectivités locales) ou couvrant l’économie nationale, semble toutefois être doté d’une efficacité environnementale suffisante pour parvenir graduellement au « facteur 4 » d’ici 2050, objectif énoncé au niveau législatif. Il en résulterait un partage de la responsabilité des émissions entre les particuliers et les organisations. Se pose ainsi la question de l’acceptation d’une politique publique destinée à limiter les émissions diffuses, telle que récemment posée lors des débats relatifs à l’instauration d’une taxe carbone en France.
Le système de quotas personnels est un instrument de régulation des émissions de CO2 par les quantités. La notion de rationnement ne semble cependant pas appropriée car elle renvoie à l’idée d’une limitation fixe des émissions. Les termes de limite ou de plafond flexible sont plus opportuns. Le budget carbone individu
el serait en effet modulable, puisqu’il serait assorti d’un mécanisme de récompense et de pénalité en fonction de son respect ou de son dépassement. Le dispositif de quotas personnels de carbone devrait constituer une option sérieuse lorsque les politiques existantes seront considérées comme n’étant pas en mesure de réduire suffisamment les émissions des particuliers.
Source : Karine Foucher, Nicolas Ochoa et Sandrine Rousseaux, « Enjeux juridiques du contrôle des émissions personnelles de gaz à effet de serre par un dispositif de carte carbone », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 2, n° 1 | 2011, mis en ligne le 16 février 2011. URL : http://developpementdurable.revues.org/8732