Dans son dernier rapport « Towards Sustainable Logistics », DHL explore pour les vingt prochaines années les évolutions du secteur de la logistique. Sept clés de développement sont proposées pour construire des solutions logistiques durables. La plupart de ces solutions ont déjà été abordés dans ce blog. En préalable, il est bien indiqué qu’il n’y a pas de « silver bullet », solution unique qui règlerait le problème, mais qu’il faudra mener de front de nombreuses évolutions touchant aux modèles économiques, à la fiscalité carbone, à des coopérations à la fois verticales (modèle logistique intégré) et horizontales, à la mesures contraignantes si elles sont cohérentes, comprises et menées sur du long terme… Quelques commentaires indiqués en italique.
Le rapport (présenté ci dessous) présente également dans son chapitre 4 deux types de solutions :
- Au niveau conceptuel, des solutions d'optimisation globale – certains d'entre eux avec des implications profondes pour les entreprises et de la société – sont considérés.
- Au niveau opérationnel, des technologies innovantes pour différents modes de transport et des solutions pour les entrepôts font l'objet.
1- La logistique n’est pas une commodité
Compte tenu des compétences requises pour assurer l’acheminement des marchandises au moindre coût / émissions de CO2-polluants dans des contextes urbains complexes, le logisticien passera de « provider of a commodity » au statut de partenaire consultant capable de décarboner la chaîne logistique et de gérer collectivement des solutions complexes au moindre coût. Ce statut particulier à l’intersection du monde des entreprises, des collectivités positionne la logistique au cœur des progrès à venir.
2- Les investissements dans les nouvelles technologies seront rendus possible par une approche concertée entre les industries, les gouvernements et les institutions financières
Pour supporter des surcoûts d’investissement, les industries devront accepter de plus longues périodes de payback, en association à des politiques publiques les « récompensant » via des aides spécifiques et des conditions avantageuses dans les « marchés verts » , le tout soutenu par les prêts avantageux sur du long terme. Ces actions doivent être menées de façon cohérente et soutenue dans le temps.
3- La collaboration va s’accroître entre les acteurs
Comme la réduction des émissions de GES va devenir stratégique, la coopération va s’étendre verticalement mais également horizontalement pour développer de nouveaux modèles économiques. La coopération verticale entre consommateurs, fournisseurs, industriels a déjà lieu mais de nouvelles formes de coopération horizontale entre concurrents pourront révéler d’importants gisements de gains environnementaux et économiques. Par exemple, le partage d’un même véhicule entre plusieurs chargeurs peut permettre, si toute la chaîne est repensée, des bénéfices à repartir entre les acteurs.
Ce paradoxe, déjà identifié dans ce blog, collaboration/compétition entre les acteurs reste un point majeur d'innovation.
4- Les modèles d’affaire des sociétés vont changer, ouvrant de nouvelles opportunités
De nombreuses technologies en développement vont permettre d’organiser des solutions logistiques plus performantes, et également de repenser les modèles d’affaire actuels. Les véhicules électriques, les smart grids, la dématérialisation et les TIC sont autant d’opportunités de réorganiser l’acheminement des marchandises et les façons de les vendre.
La chaîne de valeur pourra être revue et réorientée vers de nouveaux acteurs maîtrisant les TIC si ces derniers génèrent de nouvelles données stratégiques.
5- Le calcul du contenu carbone d’un produit sera standardisé
Un affichage CO2 pour chaque produit permettra au consommateur de comparer les produits. Cette transparence va augmenter la confiance de tous les acteurs de la chaîne logistique. Cette nouvelle information à destination du consommateur finale a déjà été détaillée dans ce blog (Voir également Ici et là). Cette clé de développement est extrêmement stratégique tant elle peut permettre à la fois de renforcer l’action du consommateur (en réduisant l’asymétrie d’information), d’amplifier les décisions des industries et de justifier des choix qui, jusqu’à présent, ne le sont pas.
Cela passe par un label, une méthode de calcul, des standards nationaux, européens puis internationaux, agréés par l’ensemble des acteurs. Comme cet indicateur qualifiera en partie la performance des chaînes logistiques, il sera stratégique donc fortement « protégé ». Ce paradoxe entre agrément international de tous les acteurs, donc besoin d’ouverture, et protection car donnée stratégique, donc tendance à la fermeture, sera le principal verrou à lever. Néanmoins, 64% des acteurs sondés par DHL pensent qu’il existera un standard pour l’affichage CO2.
6- Le coût des émissions de CO2 sera internalisé permettant la mise en œuvre de nouveaux processus de décision, de nouveaux modes de management des entreprises
Comme la réduction des émissions de carbone devient particulièrement important pour les entreprises, les gouvernements et les citoyens, le contenu carbone fera partie d'un comptabilité d'entreprise et processus décisionnel. Ainsi concrètement, les 1 400 managers du groupe Danone France perçoivent un bonus sur les résultats en fonction de la baisse de leur empreinte carbone qu’ils atteignent.
Pour réduire le risque et améliorer la planification des actions, les entreprises demanderont que les frais encourus par les émissions de carbone deviennent calculables mettant ainsi en évidence la nécessité d’intégrer dans les étiquettes les émissions de CO2. Deux instruments semblent être les plus probables: plafonnement et échange d’émissions de GES ou systèmes de taxes. Les deux ont leurs mérites. le défi pour les gouvernements sera de fixer les taxes à un niveau tel qu'ils n’entravent pas la croissance, mais qu’ils soient suffisamment élevés pour conduire à un changement de comportement et avoir un effet notable positif sur les émissions de GES.
7- Le Prix carbone conduira à la mise en œuvre de mesures réglementaires plus strictes
Les entreprises n’accepteront un prix carbone si les gouvernements peuvent assurer des conditions d’égalités entre les acteurs. Un défi majeur pour la réussite de ces mesures est de fournir cette égalité par le jeu des normes et règles communes. Au début, les industries vont voir un moyen de mettre en œuvre des normes comptables et de reporting pour les émissions de GES. Puis de permettre au client de comparer les produits et services. Ceci ne sera garanti uniquement quand les fournisseurs de la logistique et les gouvernements parleront la même langue, les mêmes règles et utiliseront les mêmes jeux de données. Mais en raison de la difficulté d’impliquer plusieurs pays, il est probable que, dans un proche avenir, les régulations régionales ou nationales soient plus fréquentes que les solutions internationales. Ce patchwork de mesures politiques au niveau national, cependant, n'est pas souhaitable. En effet, ceci pourrait conduire à une course à la réglementation et encourager les «fuites de carbone » et la relocalisation des industries à forte intensité de carbone vers des pays avec des réglementations plus laxistes.