Accueil Entretien croisé, le collaboratif est-il soluble dans les transports ? Philippe Gargov

Entretien croisé, le collaboratif est-il soluble dans les transports ? Philippe Gargov

par Gabriel PLASSAT

Cet entretien croisé a été réalisé à partir des restitutions d'interviews réalisées dans le cadre du mémoire d'alternance de Philippe Gargov (co-dirigé par Eric Magnin et Bruno Marzloff). Si vous souhaitez en savoir plus, l’adresse originale du texte est , et la version complète du mémoire est ici.

Sur son blog, la plateforme collaborative d'information voyageurs Clever Commute égraine ses succès : 14 minutes, 23 minutes, 47 minutes (!) d'avance sur l'information de l'opérateur. Les alertes "perturbation" signalées par des commuters aux autres commuters mettent KO les sites officiels. Celle ci ne peut techniquement pas suivre ce tempo du temps réel des usagers. Un certain esprit "wiki" déborde du net et irrigue l'univers des déplacements. Déjà, il y a trente ans, les Cibistes s'accaparaient les ondes radio pour échanger entre conducteurs. Aujourd'hui, c'est sur Twitter et sur mobile que tout se passe au bénéfice des communautés de voyageurs. Nouvelles technologies de la communication et information collaborative s'entrecroisent pour questionner les jeux d'acteurs dans les transports et les déplacements. Les échanges – virtuels, nous avons interrogé les deux experts séparément – entre Yann Le Tilly et Loïc Haÿ se recoupent autour des concertations entre usagers et opérateurs pour de nouveaux services de mobilités.

Yann Le Tilly est directeur général de Canal TP, premier acteur de l'informationvoyageur en France. Auteur du blog TransID, il scrute l'innovation dans les transports publics. Il s'était déjà retrouvé dans nos colonnes pour faire part de ses perspectives. Loïc Haÿ est chargé de mission à l'ARTESI Ile de France. Fin connaisseur des technologies et de leurs développements dans la ville, Chronos l'avait déjà interviewé sur la question des widgets. Les deux entretiens ont été réalisés dans le cadre d'une étude sur l'impact de l'information collaborative dans les transports en commun.

Twitter et Open Street Map, modèles d'innovation

Loïc Haÿ "Qu'est ce qui change avec le microblogging, Twitter ou autres ? Les microinformations produites par les utilisateurs permettent d’avoir quelque chose qu’on n'avait pas avant : une indexation temps réel de l’information une tendance lourde pour les années à venir, selon ReadWriteWeb. Chose inédite, une massification des usages se conjugue à la prégnance de l'information en temps réel. Dans ce contexte, on peut supposer que la diffusion d'informations entre usagers sera potentiellement plus rapide." Yann Le Tilly "En matière de cartographie, des réalisations comme Open Street Map (23 millions de kilomètres de routes cartographiés par des citoyens !) ont démontré que les contributions usagers pouvaient être de très bonne qualité, jusqu'à commencer à se substituer à des offres professionnelles. La contribution des voyageurs à l’information transport public est un phénomène extrêmement prometteur. Mais il faut bien voir les bémols : aujourd’hui Twitter ou les mashups ne sont pas suffisamment accessibles pour permettre l’implication des utilisateurs. Je suis persuadé que ça va venir, mais ce n’est pas encore ça."

Dino

Cristalliser les contributions

Yann Le Tilly "Pour que la chimie prenne, il faut fédérer des communautés de voyageurs. Mais aujourd'hui, rien n’est fait sur les sites de transports en ce sens, et les communautés ont du mal à se structurer. Le 2.0 ce n’est pas spontané : il faut l’organiser, le travailler. Il faut se souvenir que les communautés sur YouTube ne se sont construites qu'avec l'ajout de mécanismes comme la notation, les profils, la mise en relation (les amis), les classements… Il faut des structures pour cristalliser les contributions des gens.

Loïc Haÿ "Il y a des ponts à tisser entre l’auto organisation des utilisateurs qui vont se diffuser de l’information entre eux , et l’information institutionnelle qui existe du côté des opérateurs. Il ne faut pas opposer les deux, mais suivre l'exemple des mashups un usager couple diverses informations, souvent officielles, selon ses propres besoins. On pourrait résumer : "le 2.0 c’est du 1+1", de l’institutionnel + de l’autorégulé. Il y a bien sûr des incertitudes sur les résultats… mais ce ne sont pas les résultats qui sont importants, plutôt la démarche et ce qu'elle peut impulser."

Penser l'information de demain

Yann Le Tilly "On peut imaginer les contours d'un transport public qui émerge vraiment par l’utilisateur : des places de marché pour le covoiturage, par exemple. Mais il ne faut pas oublier que le 2.0 n'est qu'une étape. Il serait intéressant de se demander ce que seraient les transports 3.0, en éclairant ce que pourrait apporter la généralisation, dans les transports en commun, de l’Internet des objets une autre tendance décryptée par ReadWriteWeb."

Loïc Haÿ "Effectivement, il y a plein de choses à réinventer du côté de l’Information Voyageurs, avec un rôle toujours plus important à donner à l’usager en exploitant ses contributions. Il s'agirait alors de "crowdsourcing public" – disons plutôt d’intérêt général. On peut aussi s'interroger sur le prolongement physique de cette information collaborative dans les réseaux de transports, via des écrans collectifs du type CityWall. Il s’agirait de matérialiser, de rendre visible l’activité des routines dans l’espace urbain quotidien. Il y a des choses à expérimenter, des prototypes à mettre en place, et autour d'axes stratégiques essayer de trouver des combinaisons fertiles."

 

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