Après Pepsi avec Refresh everything (déjà abordé là), General Electric avec ecomagination (voir ici) , Sony et WWF ont lancé une initiative auprès du grand public pour susciter de nouvelles idées, fédérer une large communauté, l’animer, et financer les meilleurs projets : Open planet ideas. Les thèmes proposés tournent autour de l’utilisation des TIC existantes pour proposer de nouveaux produits ou services écologiques : utilisation des GPS, des images issues des caméras de surveillance.
Le potentiel d’innovations des entreprises est maintenant complété par celui des citoyens utilisateurs. Certains annoncent même que l’innovation vient majoritairement de l’extérieur (voir ici). Dans tous les cas, il faudra coupler les deux et être capable de développer des solutions pour collecter/sélectionner l’innovation des citoyens. Avec des conséquences majeures sur la création de nouveaux réseaux, et sur la création d'une conscience collective efficace et innovante…
Yochaï Benkler, dans la Puissance des Réseaux (voir ici), étudie en détail ce potentiel d’innovation, s’interroge sur les origines intimes qui poussent certains à travailler gratuitement, à partager des services ou des produits, à rédiger des articles sur wikipedia ou simplement à donner des avis. Il s’agit donc surtout de considérer une réorganisation significative du social : les réseaux informatiques procèdent à une redéfinition essentielle de la manière dont nous organisons nos relations avec autrui, ou pour le dire de façon plus technique, de notre « capital social ». Ces nouvelles manières de tisser des liens caractérisent tout particulièrement un phénomène d’apparence paradoxale : la valeur des liens de « faible intensité ». « Faibles », car les échanges sur les réseaux peuvent s’avérer éphémères, ponctuels et ils n’offrent pas toujours la continuité de l’échange traditionnel en « face à face ». Mais, engageant peu, ils permettent de coopérer plus. Un échange sur un réseau implique moins, mais autorise plus de marge de manœuvre. Ce fait est producteur d’une nouvelle efficacité sociale qui se révèle contestataire de la puissance du marché.
Ces « nouveaux » outils communautaires permettent plusieurs avancées :
- Collecter l’innovation « diffuse » auprès du grand public par des systèmes de votes des citoyens eux-mêmes. Ceci assure une pré-sélection quasi-gratuite de nombreux projets.
- Déporter à l’extérieur une partie de l’innovation (encore faut-il se définir une stratégie sur le sujet, quelle partie est exportable ?) à faible coût,
- Rendre visible auprès du grand public, la R&D menée par les acteurs économiques qui développent ces outils, et assurer un nouveau type de communication « citoyenne » active,
- Identifier certains citoyens capables d’être force d’innovations, pour éventuellement les faire participer, dans un deuxième temps, à des enquêtes sur certains produits ou services innovants,
- Metttre en oeuvre des processus de décentralisation et de collaboration que présentent les réseaux
- et la création d’une autre propriété, qui est celle de l’information elle-même : elle constitue un bien non concurrentiel (non rival good), en ce sens que sa consommation par une personne n’empêche pas sa consommation par une autre personne.
Dans un monde de plus en plus complexe, devant la nécessité d’optimiser des systèmes en complément des objets, quand les innovations sur les usages sont aussi importantes que celles sur les objets, la société, au sens large, ne peut pas faire l’économie de ce potentiel d’intelligence, compétente sur les usages. Certains annoncent même que cette intelligence collective globale, rendue possible par nos outils de communication nomades, devient progressivement plus performante que l’intelligence pyramidale des structures classiques.
Mais comment gérer au mieux ces innovations ? Il faudra vraisemblablement faire évoluer nos outils juridiques, économiques en se basant sur les enseignements de Yochaï Benkler :
- Comment protéger, d’une certaine façon, ce type d’innovation ? Nos solutions de type brevet ou protection intellectuelle ne sont plus adaptées. Les citoyens souhaitent avant tout être identifiés à leur travail, même si ils sont prêts à le partager,
- Comment rétribuer, d’une nouvelle façon, ce type d’innovation ? Les monnaies classiques ne sont pas forcément les mieux adaptées, elles restreignent les possibilités. Des solutions de monnaies libres, associant une certaine reconnaissance, des échanges possibles et la création d’une forme de communauté sont à expérimenter.
La puissance des réseaux semble donc immense et propice aux échanges, à créer des communautés, des innovations, à développer des idées et des outils "partageables", concurrentiels des solutions proposées par le marché, à être aussi efficace qu'une entreprise chargée de piloter un projet. Ainsi, les citoyens développent progressivement une conscience collective rendue possible par internet, se rendent compte de leur potentiel d'innovation et leur capacité créatrice. Dans notre domaine des transports, ils pourraient rester opérateur de leur mobilité donc "autonomes collectivement" en utilisant des outils libres créés en réseaux.