Nous sommes en train de passer des statistiques issues d’enquêtes ménages à l’exploitation de modèle prédictif basé sur des données réelles de mobilité. Les conséquences sont immenses, pour tous les acteurs. Comme nous l’indique cet article de l’atelier BNP Paribas, l’exploitation d’information géolocalisée permet d’accéder à de nouvelles connaissances, de nouveaux savoirs. Cette approche multiple dans l’exploitation des données a été décrite dans un autre article montrant que cela va impacter tous les acteurs : industries, collectivités, état, citoyen, opérateurs.
« La popularisation de sites comme Foursquare, sur lesquels les internautes indiquent volontairement leur position géographique, a aussi pour avantage qu'elle facilite l'étude des mouvements humains. C'est ce qu'a fait une équipe issue des universités de Cambridge, de Namur et de Londres, qui a observé les habitudes de mobilité d'utilisateurs du site de localisation dans plusieurs grandes villes dans le monde.[…]
Techniquement, entre mai et novembre 2010, les chercheurs ont étudié les 35 millions de "check-in" de plus de 900 000 personnes réalisés dans 5 millions d'endroits différents répartis dans 34 villes, en accordant une plus grande importance aux localisations consécutives au sein d'une même ville. Pourquoi mener une telle étude ? Parce que comprendre les raisons qui poussent une personne à aller d'un lieu à un autre vise évidemment à affiner les enquêtes d'urbanisme mais permettrait aussi d'améliorer les systèmes de recommandations géolocalisés. […]
Et selon eux, pour comprendre ces dernières, il faut se référer à la densité d'une zone habitée, et non pas à la distance entre deux points. Les individus dont ils ont étudié les déplacements semblent en effet obéir à des logiques communes, quelle que soit la ville : une personne se déplace dans un but utilitaire non pas en fonction des distances, mais en fonction de ses besoins ».
Cet exemple d’exploitation des données montre clairement que nous pouvons repenser toutes les solutions de mobilité, de logistique, de transport, à la fois sur les objets et sur leurs organisations. Connaissant les mobilités réelles, des modèles détermineront les principaux paramètres influents sur les choix, les destinations, puis proposeront des scénarios d’évolution à court et moyen terme. Nous connaîtrons avec une certaine précision les mobilités dans les heures à venir, puis les jours suivants ; l’organisation des transports publics pourra être totalement revue, optimisée. La collectivité ayant augmentée son savoir sur les mobilités réelles aura également augmenté son « autorité », au sens étymologique du terme (savoir augmenté). Cette évolution utilisant les données temps réel géolocalisée porte le nom de web précognitif.
Place de la Toile sur France Culture lui a consacré la dernière émission : la société de l’anticipation. « L’anticipation, la capacité qu’ont les ordinateurs, grâce au traitement d’immenses masses données, à se transformer en outils de prédictions, c’est une question que l’on a traité de manière éparpillée dans Place de la toile. La société de l'anticipation a le grand mérite de rassembler tout cela et d'en proposer une interprétation globalisante, d’observer la « rupture anthropologique » qu’on est en droit d’attendre de cet usage. »
Un des risques évoqués dans l’émission vient du contrôle des modèles et outils prédictifs uniquement par des sociétés marchandes dans le but de mieux/plus vendre des produits/services. Sur le sujet des transports, il apparaît essentiel que les entités publiques prennent un rôle dans la mise en œuvre, dans la gestion des énormes bases de données, et dans l’utilisation sociale de ces outils.