C’est lorsqu’on est environné de tous les dangers qu’il n’en faut redouter aucun – Sun Tzu
Le moment est extrêmement intéressant. Celui où les bifurcations sont possibles sans être tout à fait visibles. Celui où de nouvelles options technologiques deviennent matures et accessibles pour pouvoir les utiliser autrement. Celui où des changements vont apparaitre dans les marchés, quelque part.
Les robotaxis circulent dans quelques villes, et des opérateurs vendent déjà des trajets sans aucun conducteur. La courbe d’appropriation de cette opportunité technologique dans les différents marchés est relativement inconnue. Pourtant aucun acteur du transport public n’a encore annoncé un plan d’intégration. L’Europe n’a pas engagé un plan à la hauteur des enjeux pour combler le retard avec les USA et la Chine. Ce moment où la robotisation des conducteurs commencera à se développer massivement dans plusieurs marchés, d’abord en Chine et aux USA, est proche.
Sur le marché des véhicules neufs, l’anticipation chinoise en termes de R&D, de formation de docteur en sciences, sur l’industrialisation des batteries et des voitures électriques, depuis des décennies délivre maintenant son plein potentiel, accentué par un marché intérieur féroce qui a besoin d’expansion. Le marché européen semble encore hésiter, c’est trop tard. Le temps joue pour le consommateur qui aura dans quelques mois une voiture moins chère et plus performante. A moins qu’une nouvelle crise sur des composants ou l’énergie vienne rajouter des contraintes et décaler le changement. Ce moment où la bascule du marché sera réalisée n’est pas très loin.
A l’autre « extrémité » du marché, l’érosion des ventes de voiture neuve masque le marché de l’occasion qui se transforme et révèle les besoins de certains consommateurs : « les véhicules vieux entre 15 et 25 ans ont connu une demande croissante, avec une hausse des ventes de 6.4% pour les 15-20 ans et 13,2 % pour les 20-25 ans » (réf). L’économie de la débrouille fait tenir un marché des voitures d’occasion pour des ménages dont la voiture est indispensable. Cette économie est possible sur des véhicules de plus en plus anciens, dont la conception et les technologies permettent de la réparer, la maintenir dans un cercle de connaissance proche. D’une part la demande grandit et d’autre part les véhicules disponibles et fonctionnels disparaissent progressivement. Viendra le moment où l’offre de véhicules d’occasion réparables deviendra insuffisante sans aucune alternative, pas assez de leasing social, des voitures d’occasion impossibles à réparer sans passer par un professionnel. Le moment précis est inconnu mais il est proche. Comment ces ménages vont-ils s’adapter ? Quelles offres, existantes aujourd’hui mais sous les radars, cela va faire émerger ? Un réseau massif de garages solidaires outillés pour maintenir des véhicules à fort contenu électronique et numérique ? Une offre de petits véhicules électriques économiques et réparables ?
Ce moment, au crépuscule le plus sombre, lorsqu’on ne peut plus, ou pas encore, discerner exactement les choses, voir où ça va « prendre », où ça va craquer. Nous y sommes. C’est là maintenant qu’il faut urgemment organiser un nouveau système résilient intégrant une nouvelle industrie des véhicules à hautes performances environnementales et durée de vie longue pour l’Europe.