Quelques-uns travaillent déjà sur l’après, sur la relance, sur les plans de relance. C’est normal après tout puisque ça ne serait qu’une crise, il y a toujours quelque chose après une crise. Et donc tout ceci se planifie. Avec soin et précision. Qu’est-ce que ce virus nous a appris ? Qu’est-ce que nous pouvons observer ?
Tout d’abord, c’est la première fois que l’humanité est connectée à un tel niveau en terme de nombre de personne, sur un seul sujet et sans conflit entre nous. Et c’est aussi la première fois que nous pourrons tracer les prises de décision, les actions qui auront été utiles et les conséquences en terme de nombre de malade et de mort.
Nous pouvons observer que les principales structures pyramidales (grandes structures publiques et entreprises) fonctionnent au ralenti ou s’arrêtent. Elles peinent à se reconfigurer dans des délais courts pour apporter des réponses précises et opérationnelles. Je parle ici des structures, pas de certaines personnes qui les composent. Par contre, des collectifs se sont « révélés » pour produire des parties de masque imprimés en 3D, des respirateurs, organiser des livraisons ou aider les soignants au quotidien. Ils ne font pas partis d’une organisation , n’ont pas reçu de consigne.
Ce sont des makers, des indépendants, des entrepreneurs rattachés à des structures publics ou privés, des citoyens. Leurs actions deviennent visibles tout simplement parce que les actions de structures pyramidales s’atténuent et parce que le contexte va les mettre en valeur (exemple et un autre exemple). Il devient clair que des réseaux distribués de personne « entraînée » sont capables d’agir dans des environnements incertains et changeants pour produire des dispositifs complexes quasiment sans structure de commandement. Ils étaient déjà là avant la « crise », ils se sont « juste » révélés pendant. A chaque situation de ce type, certaines personnes montent en compétence individuellement pour mieux agir dans des collectifs distribués. A chaque crise, les personnes et les communautés progressent, ainsi que leurs outils et leurs processus collectifs. Peu ou pas visibles, ces communautés démontrent de capacités spécifiques pour agir dans le chaos, capables de capitaliser notamment grâce et à travers l’open source, de s’organiser rapidement, de prendre des décisions et de résoudre des conflits autrement. Par exemple, certaines collectivités (aucune en France) ont mis en œuvre, grâce à des méthodes d’urbanisme tactique, des infrastructures légères pour favoriser la marche et le vélo (la base de données, le questionnaire pour contribuer).
Revenons au plan de sortie de crise. Peut-on confier aux structures pyramidales la rédaction d’un plan de relance alors qu’elles ont démontré leur difficulté pour agir collectivement, en tant qu’organisation ? Encore une fois, il ne s’agit pas de montrer du doigt les personnes mais de souligner les faibles performances des organisations dans leur globalité. Le plan de relance passera par les mêmes processus, le « mind-set » de ces mêmes organisations pour reconduire finalement les modèles connus. En conséquence, le meilleur plan de relance est alors peut-être de ne pas en avoir, en tout cas tel que nous le connaissons.
Plus l’environnement, le contexte, les sujets montent en complexité, plus il devient essentiel de donner de nouvelles capacités d’actions et des moyens aux communautés distribuées, de se doter ainsi de nouveaux processus collectifs pour débattre, choisir et agir.
Puisque l’avenir n’est plus prévisible, regardons comment développer les capacités d’actions des organisations pour les phases d’instabilité, qui ne vont cesser d’apparaître. Pourquoi ne pas allouer des budgets publics et privés pour produire des communs dans tous les domaines clés (santé, mobilité, énergie, alimentation, éducation…) en continu dans des appels spécifiques ou en les intégrant dans les appels à projets traditionnels ? Dans les organisations publiques et privées, formons des personnes à ces compétences, relions-les à ces communautés distribuées « officiellement » pour qu’elles y contribuent et apprennent en continu. Créons des entités permanentes (sur le modèle des Fabriques ou d’autres) pour aider à initier, à financer, à faire grandir des communs dans les domaines clés en s’appuyant sur les formidables réseaux de tiers-lieux et fablabs. Invitons les industries à monter en compétence et à agir grâce aux communs pour renforcer leurs écosystèmes et se renforcer elles-mêmes. Les ressources ouvertes, les savoir faire et savoir être associés seront de véritables bouées dans les prochaines phases de chaos.
Au lieu de fermer les options avec un plan unique, voyons comment utiliser les questions suivantes pour ouvrir les « possibles » et lancer plusieurs chantiers : comment chacun individuellement et chaque organisation collectivement peut s’inspirer des communautés ouvertes et de leur fonctionnement distribué pour travailler notamment la résilience ? Peut-on amplifier massivement la production de ressources ouvertes non propriétaires tant ces dernières ont démontré leur valeur ajoutée en les intégrant par exemple dans tous les appels à projets financés par des fonds publics ? Peut-on améliorer massivement nos capacités d’expérimentation en groupe et réinterroger alors nos compétences et organisations ? Peut-on structurellement orienter les flux monétaires vers les produits et services vertueux en concevant d’autres monnaies ?
Pour toutes ces questions, ne faut-il commencer par équilibrer les points de vues et contributions des organisations pyramidales et des communautés distribuées ?
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