Accueil Prenez place, le combat des O.S. automobile commence

Prenez place, le combat des O.S. automobile commence

par Gabriel Plassat

Savez-vous qu’il y a 5 ou 6 grands fabricants de piston dans le monde pour plusieurs dizaines de constructeur automobile. Bien que le piston soit essentiel et particulièrement difficile à produire à grande échelle, les constructeurs gardent une position dominante malgré tout dans la chaîne de valeur. Avec Automotive Grade Linux, Android Auto, CarPlay pour Apple et probablement Baidu, il y aura probablement peu de fournisseur d’Operating System (O.S.) de rang mondial.

Mais l’O.S. est-il un composant automobile comme un autre ?

Un piston, un essuie-glace, un moteur complet ou même une plateforme roulante sont des composants plus ou moins standardisés et partagés à grande échelle entre les constructeurs directement ou via des fournisseurs. Dans l’économie fordiste, ce sont les effets de volume qu’il faut chercher pour baisser les coûts. Une fois les grands volumes atteints, on essaye de maintenir sa position dominante grâce à des prix bas et des innovations incrémentales, mais il n’y a aucun autre effet qui vient renforcer cette position. C’est le fameux océan rouge dans lequel les acteurs sont réduits à agir.

Le numérique change radicalement les effets d’échelle. Plus l’OS sera installé dans un grand nombre de véhicule, plus il sera attractif, notamment par des effets d’échelle traditionnels et les baisses de prix associés. Mais dans l’économie numérique, d’autres mécanismes entrent en jeu. Trois nouveaux effets se combinent pour accroître la position dominante et renforcer les effets d’échelle traditionnels qui continuent d’exister :

  • Les effets de réseau: plus il y a d’OS installé dans un grand nombre de véhicule, plus il sera performant car ils pourront « apprendre » en réseau et de façon cumulée. Il sera également possible de comparer le retour des utilisateurs pour plusieurs versions en parallèle. L’OS automobile devra également assurer, sans discontinuité, des connexions avec les plateformes numériques existantes utilisées par les passagers en mobilité.
  • L’apprentissage : Le machine learning complète de plus en plus les OS. Dans l’automobile, cet avantage est absolument central. Plus l’OS sera installé dans un grand nombre de véhicule, plus les logiciels d’apprentissage seront nourris en données fraîches et variées issues d’une multitude de contexte. Et plus les algorithmes pourront s’enrichir, plus l’OS sera encore plus performant et attractif.
  • La viralité et la connexion aux usagers: plus l’OS sera performant, plus il sera capable de délivrer des services adaptés à une multitude de contexte d’usage et de territoires avec des interfaces adaptées et séduisantes, plus il sera plébiscité par les usagers. Ces derniers se chargeront d’une grande partie de la communication pour renforcer sa position et amener les derniers industriels à le choisir, nouant une relation singulière avec l’industriel en charge de l’OS.

Donc non, l’OS n’est pas un composant automobile comme un autre. En s’immisçant dans tous les secteurs, le logiciel et donc l’OS prend une position singulière dans la future chaîne de valeur. En se couplant ces 4 effets conduisent à un mécanisme dit de rendement croissant. Rien ne va venir essouffler l’acteur qui aura réussi à placer l’OS dans le maximum de véhicule. Au contraire, plus le nombre de véhicule augmentera plus son OS sera performant, moins cher et configurable. Il aura un monopole de fait et centralisera les données. Se faisant, il pourra proposer des améliorations continues aux usagers sans passer par les acteurs industriels intermédiaires, même si des questions viendront se poser autour de la gestion des données privées.

Pour avoir une chance de placer son OS dans un maximum de véhicule, il est essentiel de rassembler quelques caractéristiques :

  • Avoir une forte expérience des interfaces au contact de milliard d’utilisateurs,
  • Avoir intégré de fortes compétences en IA faible, en algorithmes et capteurs pour « comprendre » l’environnement du véhicule de façon automatique,
  • Etre en contact ou avoir intégré des services de bases : cartographie, points d’intérêts, etc pour servir dès le départ au mieux la multitude,
  • Etre en contact d’une large communauté de développeurs.

L’OS n’est donc pas un composant automobile comme un autre. Par contre, l’automobile autour de l’OS devient pour un nombre croissant de contexte, d’usage et de territoire, un composant standard, une commodité.

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