Les PF (GAFA, NATU, BATX) ont atteint des tailles et des capacités d’investissement identiques aux constructeurs. Le hardware voit son coût s’effondrer et le software voit son pouvoir croitre. Une conjonction de trois dynamiques est à l’oeuvre.
- Le pouvoir des PF se renforce avec l’IA, et ce sont les les flux d’activités de la multitude sur les PF qui construisent les IA. Les mécanismes d’auto-apprentissage se mettent en place, refermant d’ici peu toutes opportunités pour concurrencer les IA/PF en place. La maîtrise de l’IA est consubstantielle de la conduite robotisée. Plus le pouvoir des IA/PF se renforce, plus les liens avec la multitude se renforcent également et se diversifient.
- Le véhicule électrique devient progressivement une évidence par l’abaissement du prix des batteries et leurs performances. Plus l’électrification progresse plus le véhicule débarrassé de son moteur et transmission peut devenir une commodité (et un haut de gamme à l’autre extrémité des possibles). Plus il devient une commodité, plus cela ouvre des possibilités pour le véhicule serviciel. Plus le véhicule électrique devient une commodité, plus les liens entre le fabricant de l’objet physique et la multitude se réduisent et s’appauvrissent.
- La demande de mobilité (pas de véhicule) est un sujet totalement différent que la vente de voiture. La vente d’un objet au kg (1 fois tous les 8 ans pour des catégories CSP+ avec 1 million par an en France pour les particuliers) n’a aucun lien avec la vente d’une expérience de trajet plusieurs fois par jour pour tous (175 millions de déplacement par jour en France). Les IA/PF sont particulièrement bien placées pour connaître (via les traces des smartphone), apprendre et prévoir les pratiques individuelles. Et donc conseiller les collectivités tout en poursuivant le développement de la relation avec la multitude. Parmis les acteurs en position, le classement suivant décrit la qualité du lien avec la multitude concernant la mobilité quotidienne : IA/PF > Collectivité – Opérateurs TC >> constructeurs.
La présentation de Benedict Evans d’Andreessen Horowitz est particulièrement claire sur ces évolutions : The second stage of mobile (30 minutes)
Autour de ces trois dynamiques, la production de données des véhicules et des utilisateurs en mobilité semblent être la position à ne pas perdre. Collectivement, les constructeurs s’organisent actuellement pour fermer et contrôler les accès aux données co-produites par l’activité des utilisateurs à bord des véhicules. Le dernier Position paper ACEA indique “Service providers who use vehicle data for commercial purposes shall compensate vehicle manufacturers for all costs incurred” : cette stratégie de fermeture de l’accès aux données est à la fois légitime et historiquement datée. Si la donnée a une valeur pour d’autres acteurs, elle sera créée. En même temps plusieurs constructeurs mènent, individuellement, avec les IA/PF des projets de collaboration (presentation).
Cette ligne de front de la maîtrise de la donnée n’est-elle pas déjà perdue ? Avec une relation pauvre avec la multitude et avec les collectivités, sans IA/PF à la hauteur pour gérer, traiter et valoriser les données, les constructeurs vont suivre plusieurs étapes :
- collectivement, ils vont s’organiser pour verrouiller et distribuer sur autorisation les données. Mais ils seront tôt ou tard être obligés de passer par les IA/PF pour délivrer des services modernes aux clients, c’est à dire avec des UX telles que les IA/PF savent le faire. Dans tous les cas, les données utiles “fermées” seront re-créées si besoin avec ou sans leur participation,
- individuellement, plusieurs pourraient délibérément faire alliance avec une IA/PF renforçant alors son attractivité. Il suffira que deux ou trois constructeurs confient l’UX et donc les données à une IA/PF pour que tous soient obligés.
Waymo + Fiat Chrysler | 100 véhicules | 2 millions mile, 1 milliard simulé |
Lyft + GM | 1000 véhicules en 2018 | |
Uber + Daimler | Uber 2 milliards de trajets | |
Chariot + Ford + Argo | 100 véhicules |
En fermant leur écosystème, les constructeurs vont mécaniquement ralentir le développement d’UX modernes, fluides et séduisantes. Et cela va générer une armée de startup focalisée sur la création des données « fermées » capables d’alimenter les IA/PF qui sont grandes ouvertes et accessibles.
La notion même d’automobile va donc changer comme le téléphone a changé. Et progressivement, les villes et tous les espaces conçus pour l’automobile. Il reste de nombreux inconnus, tant les effets de réseaux sont importants, pour appréhender toutes les conséquences des trajectoires en cours.