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Les innovations sociales et les différentes formes d’intelligences collectives

par Gabriel Plassat

L'ADEME lance un appel d'offres sur ce sujet. Tous les renseignements sont accessibles par ce lien.

L’innovation sociale : des pratiques anciennes mais une notion en émergence

La notion d’innovation sociale connaît un essor important depuis quelques années : « on observe un foisonnement d’individus et de collectifs qui cherchent, inventent, construisent pour répondre aux besoins que ni la puissance publique, ni les acteurs traditionnels du marché ne semblent en capacité de satisfaire » (Peugeot, 2012).

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Il existe de nombreuses définitions de cette notion, comme par exemple :

« L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou service, que le mode d’organisation, de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite enfance, le logement, la santé, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, les discriminations… Elles passent par un processus en plusieurs démarches : émergence, expérimentation diffusion, évaluation » – Définition du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS)(AVISE 2014).

L’innovation sociale reste une notion polysémique : « nouvelle réponse à un besoin, nouvelle solution à un problème social, changement dans les modes d’organisation du travail, dans les processus de mise en œuvre des politiques publiques etc… si ces thèmes apparaissent fréquemment dans les nombreuses définitions que l’on trouve sur le sujet, ils ne suffisent pas à  faire de l’innovation sociale un concept clair. L’innovation sociale est en effet employée dans de multiples contextes, par des acteurs ayant des perspectives diverses et s’adossant à des théories ou des visions politiques hétérogènes » (Besançon et al, 2013). Il semble cependant qu’une dimension commune à toutes les définitions soit celle d’engagement et de capacitation des individus (Science for Environment Policy, 2014).

Innovations sociales et intelligences collectives

Les collectifs mettent en œuvre depuis toujours des processus en commun, des projets, des innovations. Pour cela, plusieurs formes d’intelligence collective peuvent être identifiées, elles coexistent souvent en même temps. L'intelligence collective est la capacité d'un groupe de personnes à collaborer pour formuler son propre avenir et y parvenir en contexte complexe[1].

L'intelligence collective originelle est tout simplement l'intelligence en petit groupe. Elle opère autour d’un point commun, un objet, un symbole : une tribu, une équipe de sport, un groupe de musique, une équipe projet. Puis, progressivement, le nombre de participants a augmenté.

En organisant et synchronisant des collectifs d'intelligence collective originelle, l'intelligence collective pyramidale a permis de construire et administrer des cités, des pays, d'inventer les avions de ligne, d'envoyer des satellites dans l'espace, de conduire des orchestres symphoniques, de trouver des vaccins. Ces 120 dernières années, l'essor des télécommunications a considérablement augmenté les leviers de puissance de cette forme d'intelligence collective.

L'intelligence collective pyramidale a bien entendu des limites : contrairement à l'intelligence collective originelle, elle démontre une incapacité structurelle à s'adapter aux sols mouvants, imprévisibles et disruptifs de la complexité. Or notre monde devient complexe, imprévisible.

Emergent aujourd’hui de nouvelles formes d’intelligence collective globale, portées par des outils numériques, permettant à des collectifs de se synchroniser, d’innover, d’échanger, et progressivement de formuler eux-mêmes des réponses à leurs problèmes.

Il est donc important d’analyser dans les différents projets d’innovations sociales les formes d’intelligence collective mises en œuvre, les richesses créées et échangées, tant par les utilisateurs que par les porteurs de ces projets. Le MIT engage actuellement un guide consacré à l’intelligence collective en faisant participer différentes communautés d’expertise au projet[2].

Pourquoi s’intéresser aux  innovations sociales ?

Pour assurer une transition énergétique et environnementale, la France présente des objectifs très ambitieux : réduction de 17 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, atteinte d’une part de 23 % d’énergies renouvelable dans la consommation d’énergie finale d’ici 2020, et réduction de 38 % des consommations des bâtiments existants en 2020 par rapport à 2007.

Les outils, mesures et jeux d’acteurs actuels ont clairement leurs limites et il est essentiel d’explorer et d’utiliser de nouveaux leviers d’actions.

Les innovations sociales se positionnent comme l’un de ces nouveaux leviers potentiels : certaines d’entre elles entrent parfaitement dans les cibles d’actions de l’ADEME et d’autres mettent en œuvre des évolutions majeures en matière de comportement, d’achat ou d’engagement social dont il est délicat d’estimer et d’extraire les seules conséquences environnementales.

Dans le champ d’intervention de l’ADEME, les initiatives qu’il est possible de qualifier d’innovations sociales sont nombreuses. On peut citer notamment, sans prétendre à l’exhaustivité, les circuits courts alimentaires, la consommation collaborative, la mutualisation des services comme le covoiturage ou l’autopartage entre particuliers, l’habitat participatif, les projets d’énergie renouvelables participatives, les communautés énergétiques locales… Certaines d’entre elles sont déjà bien installées et documentées, d’autres sont encore en émergence.

L’ADEME doit donc être capable de comprendre ces initiatives, comment elles ont émergé et de développer des moyens d’actions spécifiques envers elles.

Ces initiatives soulèvent deux types de question :

  • Des questions liées au processus d’innovation lui-même : qui sont ces innovateurs ? Quelles sont leurs motivations ? De quelles ressources disposent-ils pour mettre en place et développer ces initiatives ? Comment utilisent-ils les ressources mises à leur disposition par les pouvoirs publics, mais également les ressources disponibles dans la société (comme, par exemple, les potentialités ouvertes par les outils numériques (Millard et al, 2013)) ? Dans quelle mesure les TICS peuvent-elles répondre aux besoins des innovateurs sociaux ou servir de support / déclencheur à ces innovations ?
  • Des questions liées au rôle de ces innovations dans les processus de changement social, et plus précisément dans la transition vers une société plus durable. Comment penser le développement de ces initiatives ? Quels sont les enjeux de leur montée en échelle ? Sont-elles des niches d’innovation qui ont vocation à transformer le régime socio-technique dominant dans un sens plus durable ? Ou ont-elles vocation à rester cantonnées aux marges du système en restant spécifiques à un contexte donné et adaptatives (Government of Canada, 2010) ? Dans quelle mesure ces innovations sont-elles bénéfiques d’un point de vue environnemental (IDDRI, 2014) ? De quels éléments d’évaluation disposons-nous aujourd’hui ?

Quel appui apporter à ces innovations sociales ?

Les dispositifs d’appui à l’innovation sociale ont connu un développement ces dernières années. Ils peuvent provenir de la puissance publique (Etat, collectivités territoriales… mais également d’acteurs privés,comme par exemple des Fondations). « Les gouvernements jouent un rôle particulier dans l’« écosystème » de l’innovation sociale. (…) Les gouvernements investissent déjà beaucoup dans la réponse aux enjeux sociaux. […] Le but n’est pas de savoir « si » les gouvernements ont un rôle à jouer dans l’innovation sociale, mais plutôt de savoir « comment » et « où » ils se situent dans l’« écosystème » de l’innovation » (Gouvernement du Canada 2010).

Pour une agence comme l’ADEME, au-delà de l’enjeu de montée en échelle et diffusion de ces innovations, l’attention doit se porter sur celui d’un accompagnement de ces innovations dans une perspective de transition écologique. La question qui se pose est donc la suivante : comment évaluer et positionner l’action de l’ADEME dans le champ de l’appui public aux innovations sociales ? Est-ce un soutien direct ? Indirect via des intermédiaires ? En essayant de réduire les barrières identifiées ?

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