Accueil Articles invités SIBRT – L’Association Latino-Américaine des agences de transport : vers le développement d’une mobilité durable à l’échelle du continent ?

SIBRT – L’Association Latino-Américaine des agences de transport : vers le développement d’une mobilité durable à l’échelle du continent ?

par Gabriel Plassat

[Il s'agit d'un billet invité, Bienvenue à Chloé Bouilloux, ex EMBARQ Amérique Latine]

Amérique Latine : l’urgence de développer des solutions de mobilité durable et équitable.

En Amérique Latine, 80% de la population vit dans des villes. La très rapide croissance urbaine comme la pollution induite par le secteur des transports rendent crucial le développement de services de transport public de qualité[1].

Si dans certains pays, un grand nombre d’utilisateurs des transports en communs sont des usagers dit « captifs », l’émergence d’une importante classe moyenne dans certains pays tels que le Brésil, la Colombie, le Chili ou encore le Mexique s’accompagne du développement de l’usage de la voiture privée et de la moto. Entre 2007 et 2012, les flottes de voitures et de motos ont respectivement augmenté de 24% et 60% en Colombie[2]. Cela a un impact direct sur l’attractivité des transports public et la qualité de vie urbaine; la demande de bus a ainsi chuté de 33% entre 1997 et 2012 au Brésil[3].

Le continent présente un fort potentiel de développement de solutions de mobilité durable et, des initiatives intéressantes se mettent en place. C’est en Amérique Latine que se sont développés les Bus Rapid Transit (BRT)[4] et le continent concentre aujourd’hui environ 64%[5] de la demande mondiale de BRT et de couloirs réservés aux bus. Des services innovants y ont trouvé un marché pour se développer, à l’instar de Moovit, une application gratuite utilisant le crowdsourcing afin de fournir une information en temps réel sur le positionnement des bus et la qualité du service aux voyageurs. Des opérateurs de transport tels que Transmilenio à Bogota ou Transantiago à Santiago du Chili ont signé des accords avec la start-up israélienne afin d’améliorer le service proposé par Moovit, en fournissant les grilles horaires et informations GPS, et en bénéficiant en retour des informations concernant la satisfaction client générées par l’application elle-même (les usagers peuvent par exemple noter la conduite du chauffeur).

León

Le rôle d’un Think and Do Tank dans la création de synergies entre les acteurs du transport urbain dans le continent.

Afin de répondre à ces défis et d’améliorer la qualité des transports publics en Amérique Latine, l’Association Sistemas Integrados de Transporte y Bus Rapid Transit (SIBRT) a été créée en 2010 en grande partie grâce au travail du think and do tank EMBARQ qui en est le Secrétaire Général[6]. SIBRT regroupe des opérateurs de transport (le plus souvent exploitant des Bus Rapid Transit), des Autorités Organisatrices de Transport et, s’est récemment ouverte au secteur privé. Des entreprises de systèmes d’information ou des constructeurs de véhicules peuvent ainsi rejoindre la structure. Aujourd’hui, l’Association compte 24 agences de transport dans 9 pays d’Amérique Latine qui transportent chaque jour environ 20 millions de personnes via 700 km de lignes réservées aux bus[7].

SIBRT a pour vocation de créer des synergies entre les différents acteurs et de permettre la coopération dans des domaines tels que la technologie, les modèles institutionnels et financiers, la gestion et l’exploitation.

La diversité des contextes institutionnels, de la forme des AOT et des systèmes de transport de chaque pays et chaque ville représente une source intéressante de partage d’expériences et d’inspiration lorsque des politiques sont couronnées de succès. Le workshop organisé par SIBRT à Guadalajara en Novembre 2013, au Mexique, sur les technologies permettant d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers des transports publics témoigne du travail mené par SIBRT en Amérique Latine. Les participants ont pu échanger sur les indicateurs de satisfaction et la mesure de la qualité du service comme sur les bonnes pratiques contractuelles avec les entreprises ITS. Un travail plus fin est également mené afin d’amener les opérateurs de transport à partager les informations relatives à l’exploitation pour que soient créés des services d’information à l’usager efficients.

L’émergence de structures comme SIBRT en Amérique Latine est une aubaine afin de fédérer et mutualiser les bonnes pratiques et les démarches innovantes. Car si en Europe nous jouissons d’institutions telles que l’U.E. pour légiférer et pousser à la coopération sur les questions de mobilité (e.g. European Bus of Future), il n’en existe pas en Amérique du Sud. A cet égard, SIBRT joue un rôle de catalyseur et influence la mise à l’agenda politique des questions de mobilité durable[8]. Dans des pays où les transports publics sont encore largement financés par le prix payé par l’usager, SIBRT permet de faire émerger certains questionnements et de faire prendre conscience aux autorités locales comme aux gouvernements nationaux qu’un transport public de qualité ne peut être financé uniquement par les recettes des usagers.


[1] Le secteur des transports y est responsable de 35% des émissions de CO2. Schipper, L. et al. 2009. Considering Climate Change in Latin American and Caribbean Urban Transportation: Concepts, Applications and Cases. Center for Global Metropolitan Studies, University of California, Berkeley.

[2] ANDI – Association Nationale des Entreprises de Colombie (http://www.andi.com.co/default.aspx)

[3] NTU – Association Nationale des Entreprises de Transport Urbain (http://www.ntu.org.br/)

[4] Bus à Haut Niveau de Service pouvant transporter de fortes demandes de passagers. La validation du ticket se fait en station afin de permettre un gain de temps lors de l’arrêt du BRT.

[5] Bus Rapid Transit Accross Latitudes and Culture (http://www.brt.cl/)

[6] EMBARQ est un think and do tank dédié au transport durable dans les pays en voie de développement rattaché au World Resources Institute.

[8] Certains bailleurs de fond internationaux tels que la Banque Mondiale ou encore la Banque Inter-Américaine d’Investissement peuvent également jouer ce rôle, comme ce fût le cas au Mexique avec le lancement d’un programme national dédié au transport urbain collectif, PROTRAM.

 

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