La description d’un projet « innovant » est toujours révélatrice des dynamiques mises en œuvre par les partenaires, et en général des finalités réelles de cette innovation. Est-ce que le projet est engagé en réaction à des projets concurrents réels ou supposés ? ou encore pour éviter que d’autres ne le fassent avant vous ? ou bien pour améliorer une version précédente ? pour répondre à de nouvelles normes ? Dans ces cas-là, ce qui fédère ce collectif est la peur : de perdre un marché ou une rente. Dans le domaine de l’intelligence collective, cet « agent » fédérateur s’appelle « l’objet lien ». L'action de chacun des membres se construit autour et/ou avec "un objet commun" (physique ou symbolique) qui va servir de catalyseur et de support pendant le projet. La peur est un objet lien bien connu, souvent utilisé, mais conduisant à de très faibles innovations de rupture.
Il existe deux autres objets liens pour rassembler des collectifs. Le second est la nomination d’une cible connue et partagée, comme une proie que l’on chasse. Ce processus est généralement utilisé pour des démarches d’acquisition d’entreprise, ou encore des cartels qui verrouillent un marché. Le troisième nous intéresse plus particulièrement car il met en œuvre des dynamiques très différentes, il s’agit de l’Art. Cet objet lien vise à fédérer les acteurs d’un projet autour du rêve d’humanité qu’il génère. Les dynamiques mises en œuvre et les capacités d’innovation sont d’un autre niveau puisque les partenaires ne sont pas en réaction, mais uniquement en création. Tous les sens du collectif peuvent être utilisés, toutes les richesses peuvent être identifiées et engagées dans l’action. L’objectif de ce type de projet s’exprime très différemment, sur le fond et sur la forme, que les deux précédents. Les produits/services qui en découlent sont en général totalement nouveaux, et compatibles avec les dynamiques déjà abordées sur ce blog : incarner des rêves et des objectifs de changement ambitieux, anticiper les mutations des frontières producteur/consommateur, s’engager sans tarder vers la transparence totale sur le produit et leurs impacts pour tous les acteurs, identifier les leaders d’opinion et les créateurs externes pour les impliquer en les récompensant.
Il n’est pas étonnant si Steve Jobs indique : « La technologie seule n’est pas suffisante. C’est quand la technologie épouse les arts libéraux et les humanités qu’elle parvient à faire chanter nos cœurs ».
Jean-françois Noubel, intervenant au dernier Forum des Innovations ADEME, est chercheur, explorateur en intelligence collective. Il intervient dans plusieurs sociétés pour décrire concrètement les phénomènes en cours, les actions à engager pour suivre les mutations en cours.
Fédéré grâce à l’objet lien « Art », animé d’objectifs ambitieux porteurs de rêves, le consortium du projet peut s’organiser pour devenir créatif. Mais tout d’abord, de quels talents un équipage d’explorateur doit-il être pourvu ? Nous retrouvons les caractéristiques suivantes : porter un rêve commun partagé et compris par tous, facilement « exprimable », capacité à ressentir le collectif à la fois dans son ensemble en tant que groupe mais également dans l’individuation de chacun de ses membres (ceci impose de nombreux exercices collectif pour connaître les forces et faiblesses de chacun dans l’action). Plus le consortium sera entraîné et équipé d’outils numériques adaptés au partage, plus il sera en situation d’holoptisme, et plus il sera capable d’itérer rapidement de nombreuses configurations, de prendre des décisions dans des environnements complexes dans des délais réduits. Il se met en condition pour devenir une organisation apprenante : les interactions sont riches d'enseignement et entraînent des réajustements permanents qui optimisent les échanges sans passer par des chaînes de commandement figées. Cette équipe est en situation d’évolution permanente à la fois au niveau de chaque individu, mais également au niveau du tout. 10 diapositives pour expliquer aux entreprises les principes de bases de l'intelligence collective :
Le collectif peut alors identifier les richesses dont il dispose, se focaliser sur le passage à l’action, et capitaliser chaque progrès, chaque erreur, et se remettre en question en permanence. « Si vous voulez mener votre vie de manière créative, en artiste, vous ne devez pas trop regarder en arrière. Vous devez être disposé à accepter de jeter ce que vous avez fait et ce que vous étiez », S.Jobs.
Une image vaut mille mots, un prototype mille images
Le prototypage se révèle essentiel pour apprendre en faisant, synchroniser en permanence le collectif donc itérer plus souvent. Nod-A a développé une méthode : le Makestorming : Le ‘faire’, et le ‘faire ensemble’, à l’origine de l’intelligence collective depuis des milliers d’années, n’est plus, aujourd’hui, une posture naturelle. On l’a relégué au rang des techniques ou de l’exécution. Ce, dans les domaines de l’éducation en passant par l’enseignement, et bien entendu dans les organisations. Des siècles d’enseignement scolaire ont réussi à nous convaincre que ‘la tête était supérieure à la main’. Même les cours ‘pratiques’ laissent peu de place à la liberté et sont souvent juste une application à la lettre de la théorie. Les écrans nous ont peu à peu éloignés de la matière et donc du sens même des choses. Plus personne ne sait réellement “Comment” faire, et cela génère une réponse assurément fausse à la question du “Pourquoi” le faire.
SYSTRA, société d’ingénierie spécialisée dans les transports collectifs, a mis en œuvre le dispositif Makestorming :