Ce texte (comme deux précédents : Amazon Energy Service et Google Mobility Service) est une pure fiction. Il ne vise qu’à faciliter la projection pour mieux agir, aujourd’hui.
Bienvenue en 2033.
La précédente génération de capteur ne produisait que des données de géolocalisation espace -temps couplées à des mesures d’ambiance très simples, essentiellement des densités de personnes. L’Alliance avait alors notamment développé des services de prédiction de trafic sur la plupart des routes et des solutions « business oriented » remplaçant les enquêtes ménages déplacement. En supprimant la matière (clavier, souris, puis écran), l’interaction homme-machine et l’indexation du monde réel avaient franchi un cap à partir des années 2015 quand les Glass avaient commencé à se diffuser à grande échelle.
Dès 2013, Olivier Ertzscheid indiquait déjà dans un article: » Dans cette « évolution », les smartphones nous ont offert une orthèse numérique que nous avons largement surinvestie. Une orthèse est (Wikipédia) : « un appareillage qui compense une fonction absente ou déficitaire, assiste une structure articulaire ou musculaire, stabilise un segment corporel pendant une phase de réadaptation ou de repos. » De fait, nos smartphones nous permettent de compenser certaines fonctions/rapports sociaux absents ou déficitaires, assistent et permettent d’alléger ou de rendre inutiles certaines autres fonctions cognitives, permettent la mise en place de stratégies de divertissement pendant des phases d’inactivité, d’ennui ou de repos en stabilisant le niveau attentionnel qui leur est affecté. Telle une orthèse classique, il est effectivement possible de s’en passer, mais au risque de percevoir la ou les fonctions auxquelles elle permettait de suppléer comme « dégradées » ou moins efficientes parce que plus cognitivement coûteuses. »
Les Cybercars et les Glass
L’actualisation des cartes 3D a été simplifiée et automatisée. Désormais, sous certaine condition, dans certains lieux publics, notre vision « individuelle » a une valeur « collective » puisqu’une partie du flux vidéo est prélevée, traitée et mutualisée. Personne n’avait imaginé les conséquences de cette mise en commun temps réel. Cela avait rendu possible, d’un point de vue juridique, la circulation des voitures robots à partir des années 2023, 10 ans à peine après les premières Glass.
Il y a maintenant 20 ans, cette synergie avait également été pointée par Olivier Ertzscheid : » Ces deux projets [Cybercar et Glass] ont pour point commun la capacité à modéliser des parcours sur la base de reconnaissance et d’identification de formes (motifs, patterns), pour permettre aux véhicules sans chauffeur d’accomplir un trajet programmé à l’avance, et aux Glass de s’interfacer avec nos propres parcours aléatoires en collectant et affichant des informations « contextuelles ». On pourrait penser que ces 2 projets sont très loin du coeur de métier de la firme. Il n’en est rien, au moins sur le plan de l’abstraction et de la modélisation qui a présidé à leur réalisation. Pour l’algorithme Pagerank comme pour ceux derrière les voitures sans chauffeur ou les Glass, la notion centrale reste celle de « parcours », de « chemin ». Parcours de l’internaute imaginaire qui fonde le raisonnement mathématique derrière le Pagerank, et parcours réels d’individus dans le monde physique pour les projets [Cybercar et Glass] ».
En temps réel, toutes les données de l’Alliance et de ces partenaires, générés par les vieux Smartphones, les montres, les Glass et autres objets connectés, sont traitées, « dépersonnalisées », agrégées, contextualisées, recoupées avec les cartes 3D existantes, certifiées par l’autorité juridique et envoyées vers les robots sous contrat avec l’Alliance. L’alimentation en données fraîches et continues en complément des capteurs embarqués a bouleversé la conduite des robots en environnement complexe.
« Nous sommes chacun à notre tour et simultanément de manière globale, cet internaute au comportement aléatoire dont le PageRank initial cherchait à calculer la trace, à faire de sa trace une computation possible, probabiliste. Nous sommes la trace. Nous sommes le coeur du programme. »
Indiquait déjà Olivier Ertzscheid.
Au début les « partageurs » recevaient de l’Alliance des récompenses pour envoyer leurs données volontairement en respectant certaines conditions de protection. Depuis la dernière législation, dans certains territoires, ceci n’est plus possible. Seul le don de données anonyme et non rémunéré (en Euro) est autorisé, ouvrant vers de nouvelles formes d’échanges inédites. L’autorité publique utilise également ces données, produit sur cette base de nouveaux services publics et prélève également des taxes aux sociétés numériques sur certains flux.
Plusieurs nouveaux domaines du droit ont été créés, dont les premières idées remontent au début des années 2010, concernant notamment la propriété de la vision des humains et la circulation de robot utilisant des données issues de la vision d’humains. « Est considérée comme possible juridiquement la conduite d’un robot utilisant pour se déplacer les données d’un nombre déterminé (1) d’humain et de capteur situés dans un périmètre également déterminé (2) ». Dans ce cas, les calculs probabilistes montrent des risques inférieurs à la conduite purement humaine. Cette dernière a d’ailleurs, en pratique, quasiment disparu à l’exception de quelques chauffeurs professionnels.
L’Agence Européenne des Données
Depuis environ 2023, et en une décennie à peine, l’utilisation des véhicules robots serviciels s’est développée et a apporté, dans tous les territoires, de nombreux avantages: efficacité énergétique apportée par le remplissage et l’usage, accessibilité et équité d’accès aux territoires périurbains et ruraux, congestion, renforcement de la multimodalité et des transports collectifs … Tout cela n’aurait pas été possible sans
la mise en œuvre à l’échelle dans un premier territoire en fin des années 2010, puis à l’échelle d’une nation et enfin de l’Europe, d’une nouvelle Agence Européenne des Données intervenant dans de nombreux domaines dont les transports. Chargée d’assurer la mutualisation et dépersonnalisation des flux, l’équilibrage et la mise en évidence des intérêts individuels et collectifs des différents acteurs impliqués, la transparence sur les moyens utilisés et les objectifs, l’A.E.D. s’interface sur pratiquement tous les flux de données. L’A.E.D. a également contraint l’Alliance à ne pas privilégier à la fourniture de ses services sur ses Glass vis-à-vis des concurrents, à donner accès à ces Glass à d’autres acteurs et à permettre la mutualisation des données dépersonnalisées issues de ces Glass. Normalement l’année prochaine, en 2034, l’A.E.D. est en passe d’être intégrée au niveau mondial au sein de l’O.N.U. avec des représentations citoyennes inédites de contrôle garantissant
une protection maximale de nos libertés.
« La quête ultime des Glass est de rendre évidente la calculabilité du monde, des documents et des interactions sociales […] Mais cette évidence algorithmique et computationnelle du monde ne doit en aucun cas nous éviter de réfléchir au-delà des seules évidences. Réfléchir à ce que ces nouvelles formes de réalité augmentée n’entraînent pas une diminution de nos libertés, ou plus grave encore, de notre libre-arbitre.«
Il y a 20 ans, quand Google faisait rouler ses premières voitures sans chauffeur, les probabilités de circulation sur route ouverte des cybercars étaient jugées tellement faibles qu’aucune action majeure n’était engagée par les acteurs industriels historiques. Seul un équipementier avait estimé que les conséquences étaient potentiellement tellement importantes pour son cœur de métier et qu’il pouvait améliorer sa position dans la future chaîne de valeur. En conséquence il s’était mobilisé pour créer un consortium regroupant de nombreux talents.
Centrée sur la création de nouvelles formes de mobilités en rupture pour tous les territoires au niveau mondial, l’Alliance était née. Toutes ses énergies étaient focalisées sur la mise en oeuvre simultanée des économies de la fonctionnalité, de l’expérience et collaborative pour devenir la meilleure plateforme agrégeant la multitude de services qui naissent tous les jours à travers le monde.