Nous sommes en train d’entrer dans une nouvelle ère concernant la production des objets qui nous entourent. Si nous modifions les modes de production, la logistique et les flux seront entièrement changés, et plus important encore, nos relations à ces objets pourront être très différentes.
Après avoir fait entrer le numérique dans le marketing, la conception et les outils de production centralisés, ce dernier pourrait jouer un rôle majeur dans de nouvelles façons de produire des composants puis des objets de façon décentralisée. Ce nouveau mode de production permettra de modifier profondément nos relations aux objets ou bien, à l’inverse, renforcera la production à la demande, le juste à temps, l’obsolescence programmée en inventant de nouveaux canaux de distribution au plus du consommateur. Encore une fois, les technologies ne sont qu’un moyen nous permettant de changer notre environnement, notre relation aux matières premières et aux autres, de comprendre nos dépendances et nos fragilités.
Amazon Supply et Imprimante 3D
Plusieurs technologies sont déjà disponibles dès aujourd’hui. Mais les ruptures pourraient venir dans la façon dont nous allons (ou pas) utiliser ces technologies. La voie proposée ici présente de nombreux avantages mais également des risques qui restent difficiles à cerner.
Ce nouveau système de production se structure par des deux composants principaux : un pour gérer les pièces standards, l’autre pour gérer les pièces spécifiques :
- Amazon vient d’ouvrir Amazon Supply, magasin accessible 24h/24h permettant d’accéder à tous les composants standards mécaniques, électroniques, pneumatiques (etc…).
- L’imprimante 3D permet sur la base de plan numérique de produire une pièce spécifique en plastique ou en métal à partir de poudres ou de tôles.
Ces deux briques ouvrent des possibles mais elles ne permettront pas, seules, de changer nos relations aux objets. Pour cela, il nous faudra reconsidérer toutes les propriétés : celles des innovations, celles des plans, celles des machines de production, celles des objets eux-mêmes, et les modèles d’affaires associés.
Plans et Machines de production partagés
Les propriétés des plans de plusieurs objets plus ou moins complexes, et également des sous-ensembles comme les moteurs, les circuits de commande électronique pourraient être libres d’accès ou partagées en payant directement le créateur sans intermédiaire « à la pièce produite ».
Les machines de production pourraient passer d’un statut privé, à celui de public ; l’investissement étant réalisé par des collectivités, des associations, des groupements de consommateurs. L’accès aux outils de production devient alors direct et sans intermédiaire par le citoyen.
Dès lors que, pour la plupart des objets courants, les plans sont téléchargeables (voir Open Source Ecology, et la video TED de M.Jakubowski), et les composants sont réalisables simplement, la relation à l’objet fini peut changer : l’appétence à la propriété se réduit, seuls compte les services rendus par cet assemblage de matière, les processus d’échange et de partage des objets se développent. La capacité à être réparé (re)devient importante, les plans l’intégreront de plus en plus ; la réutilisation des sous-ensembles et des matériaux se développent à des niveaux inimaginables aujourd’hui.
La plupart des verbes sont conjugués au conditionnel, mais les technologies existent pour nous permettre de mettre ce texte au futur, puis au présent. Les principales barrières sont d’autres juridiques, comme dans la plupart des domaines où le numérique revisite les frontières, élimine des intermédiaires.
Dans ce monde de production d’objets décentralisés, partagés, réutilisés, les flux de matière pourront être entièrement reconsidérés et grandement massifiés, puisque seules des poudres, des tôles seront transportées. Les temporalités pourront, elles aussi, être intégralement revues, le juste à temps ou le flux tendu n’ayant plus aucun sens. Cela modifiera également profondément toutes les approches marketing basées sur l’obsolescence programmée et sur une forte pseudo différenciation des produits. Les conséquences sur toutes les chaînes logistiques seront majeures. L'économie circulaire et l'économie de la fonctionnalité peuvent également s'y déployer.
1 commentaire
Nous sommes tous (ou presque) absolument et entierement tributaire de l’automatisation et de la high tech. On ne peut que souhaiter un relatif retour vers plus de naturel.