Sans conducteur, ce n'est plus une voiture. En supprimant la relation physique à l'objet, c'est tout le secteur des transports qui pourrait être impacté, même les transports publics.
Aujourd'hui toujours dominante dans tous les territoires, surtout les moins denses, l'automobile "conduite" s'est développée conjointement à nos modes de vie et nos villes. Cette imbrication est solide, complexe et profonde. Les transports publics sont bien "séparés" de l'automobile: ils sont publics et collectifs, alors que cette dernière est individuelle et privée (en majorité). Tandis que de nombreux services se développent pour proposer des voies intermédiaires (autopartage, covoiturage, transport à la demande, taxi collectif…) en tentant de décloisonner, le changement d'échelle ne s'opère pas pour le moment.
Parce que son meilleur ami est mort dans un accident de voiture, un des fondateur de Google décide de développer et expérimenter une voiture sans chauffeur, de remplacer la pièce défaillante dans la conduite : l'humain par un robot. Ce saut quantique, venant d'un acteur "hors industrie auto" pourrait se réléver comme une innovation majeure, non pas par les technologies employées pour permettre de faire rouler sans chauffeur une voiture, mais par les conséquences sur les usages, les jeux d'acteurs et les rapports de force qu'elle va mettre en oeuvre. Détaillons.
Deux voies peuvent se présenter : ce cybercar est toujours acheté par un particulier qui pourra lire son journal en roulant (innovation quasi zéro) ou ce cybercar est acheté par un professionnel qui mettra en oeuvre une nouvelle solution de mobilité globale pour les personnes, mais également pour les marchandises. Cette solution de mobilité est le prolongement des services actuellement en développement: viser l'usage d'un siège libre (voyageur) ou d'un espace vide (marchandise) en circulation.
Dans un article précédent, il est détaillé cette vision d'un service de mobilité opéré avec une cohorte de robot roulant géré par un superviseur. Ce service est à la frontière de toutes les cloisons actuelles : public, privé, collectif, individuel. Une AOT pourrait supprimer des lignes de bus/car mal remplies tout en améliorant le service rendu, une zone commerciale pourrait investir dans une flotte de cybercar pour améliorer la circulation et augmenter le temps marchand des consommateurs, une entreprise étendue pourrait mettre à disposition de ses salariés ce type de service à certaines heures …
D'un coté, cette mise en circulation de siège libre et d'espace libre de façon coordonnée, en optimisant sous contraintes les émissions polluantes, la consommation d'énergie, le TCO, ouvre une opportunité sans précédent en matière de mobilité et de logistique dans un contexte de tension budgétaire des ménages et des pouvoirs publics. D'un autre coté, ce système permet de mieux remplir les modes lourds en améliorant les rabattements, d'améliorer la rentabilité économique des transports publics, et de renforçer ainsi les modes alternatifs à la voiture individuelle possédée.
Pour étudier, expérimenter et éventuellement saisir cette opportunité, de nombreux verrous devront être levés au niveau juridique, institutionnel, et politique en innovant. Qui sera autorisé à exploiter une flotte de robot dans nos territoires ? Sous quelles conditions ? Avec quelles responsabilités ?
En conclusion l'arrivée de cette plateforme roulante sans chauffeur venant de l'horizon automobile peut potentiellement avoir un impact majeur dans tous les domaines de la mobilité et la logistique, accélérer le passage aux services de mobilités et imposer aux industries automobile de reconsidérer en profondeur le marketing de leur produit.
1 commentaire
Pour préfigurer ce que peut-être une ville avec des voitures sans chauffeur, un petit tour du côté des PED (ici le Vanuatu) qui disposent de ribambelles de véhicules semi-collectifs avec un chauffeur en guise de logiciel…http://villes.blog.lemonde.fr/2012/06/05/port-vila-vanuatu-une-prefiguration-des-transports-du-futur/