Les études du SETRA sur ce sujet montrent à quel point les comportements changent. Sous contraintes économiques, chaque individu cherche à maximiser l’usage de son temps en utilisant au mieux les différents modes de transports. Ces évolutions tendancielles observées sur plusieurs années s’accélèrent sous plusieurs facteurs : le vieillissement de la population qui conduit les baby boomers à voyager plus que leurs parents, tandis que la génération Y a parfaitement intégré les atouts du yield management, aidée par une grande maîtrise des TIC. Le secteur du voyage (dont le poids économique est loin d'être négligeable, voir ici) anciennement très « intermédié » va connaître une révolution sans précédent. Le développement accéléré du peer to peer (mise en relation de particulier à particulier) couplé à de nouveaux outils apporté par le web va supprimer massivement tous les intermédiaires à faible valeur ajoutée et introduire de nouveaux acteurs. Quelles conséquences auront ces changements sur la mobilité longue distance ? que deviendra le voyage 2.0 ?
Les premiers résultats de l’enquête nationale transports et déplacements (ENTD) 2007-2008 sont particulièrement intéressants pour les mobilités « longues distances », celles qui dépassent 80 km.
- En France, la distance moyenne parcourue par personne et par an pour des voyages longues distances a progressé entre 1994 et 2007, uniquement dû à l’augmentation de la fréquence des voyages, de 22%, de 5230 km à 6020 km.
- Tous les modes ont progressé en distance et en fréquence à l’exception de l’autocar.
- Le motif du voyage permet de classer les augmentations : loisirs (+71% en fréquence), domicile-travail (+30%), visite à la famille et aux amis (+25%), professionnel (+15%) et vacances-résidence secondaire (7%). Nous retrouvons ici les changements de comportements en matière de loisirs/vacances vers des séjours de plus courte durée, l’impact des 35h, les tensions sur les budgets des ménages et des entreprises.
- Pour les déplacements professionnels, la voiture est désormais dépassée (en km/an) par le train (qui progresse fortement) et l’avion. En part modale, la voiture reste en tête avec 50%, puis le train (40%) et l’avion (7%).
Par ailleurs, le statut joue également un rôle important. Il apparaît que les actifs voyagent plus que les retraités, une différence en grande partie due aux voyages professionnels. Cependant la mobilité à longue distance des retraités a progressé beaucoup plus vite que celle des actifs entre 1994 et 2007. Le recentrage sur la sociabilité et les loisirs s’observe chez les actifs tandis que les retraités partent plus en vacances.
Les évolutions respectives des pratiques modales des actifs et des retraités sont liées au renouvellement générationnel : les retraités ont de plus en plus recours à la voiture particulière (part modale en voy*km en croissance de 49 à 56%), alors que les actifs s’orientent vers le train et l’avion, avec une part modale de la voiture en retrait de 61 à 55%.
Il faut alors retenir de ces données l’importance des effets générationnels. Comment amplifier le transfert modal vers le rail pour les actifs et comment amener les retraités au changement, aujourd’hui réticents au train ?
Une analyse selon les positions socio économiques des actifs apporte également des enseignements. Il est observé que les cadres sont nettement plus mobiles que les employés, eux-mêmes voyageant plus que les ouvriers. Les voyages professionnels sont maintenant concentrés chez les cadres qui utilisent majoritairement le train. A l’inverse, les mobilités pour motifs personnels ne montre pas de tendance à l’accroissement des inégalités, voire une réduction des écarts. Les mobilités des ouvriers dont les voyages professionnels s’effondrent, sont réalisées de plus en plus en avion pour leurs voyages personnels.
Ces résultats issus d’études terrains confirment l’importance des effets générationnels dans la pratique des mobilités longues distances et des voyages. Or ces effets pourraient s’amplifier rapidement par l’arrivée des TIC.
Dans plusieurs rapports, AMADEUS a étudie le voyageur de demain et les « natifs du numérique». Nous avons déjà abordé dans ce blog l’importance des TIC dans la mobilité, mais le voyage présente des spécificités que l’on peut résumer en quelques points :
- Les TIC présentent la capacité intrinsèque de pouvoir gérer la « longue traîne », c'est-à-dire la capacité de proposer des produits/services optimisés à très faibles volumes, une hyperspécialisation à bas coût,
- Les TIC permettent de supprimer les intermédiaires, aujourd’hui nombreux dans le voyage, et de me mettre en relation directe le particulier au particulier. La somme peer to peer + wiki + web2.0 est redoutable notamment pour les agences de voyage ou les entreprises de réservation.
- Les TIC décloisonnent tous les services, les produits et permettent de proposer une valeur pour le client supérieure à la somme des services unitaires,
- Les TIC facilitent la création et l’animation d’une communauté qui me permet de connaître les lieux (hotel, restaurant) avant d’y être aller, « d’être partout chez moi ». Dans certains cas, la confiance dans mon réseau sera supérieure à la confiance dans les marques, ce qui pourrait changer des comportements de consommation.
- Les TIC permettent au particulier d’optimiser l’usage de ses ressources et de vendre pour quelques heures son véhicule, pour quelques nuits sa maison, ou son canapé. Le yield management est désormais accessible au particulier sans intermédiaire.
Les TIC permettent au voyageur d’être un expert en lieu et place de l’agence, de la centrale de réservation, des conseils de personne « qui y sont déjà allés » ; il est partout chez lui. Mais ce constat est paradoxal avec le voyage, la recherche de l’inconnu. Nous allons probablement trouver un équilibre entre ces échanges/connexions permanentes et le besoin de solitude (qui sera sans doute demain le vrai voyage), le besoin « d’être partout chez soi » et la recherche de l’inconnu.
Sur ce sujet, n'hésiter à envoyer vos documents, publications, liens … à participer aux discussions sur le groupe LinkedIn ouvert Tourisme du futur.