Malgr\u00e9 le titre, nous ne parlerons pas ici des r\u00e9seaux \u00e9lectriques et de la diffusion des v\u00e9hicules du m\u00eame nom, mais des r\u00e9seaux sociaux. Quels liens avec la mobilit\u00e9 et les transports ?<\/p>\n
Des tendances, puis des annonces, des business angels puis des fonds d'investissements, des start-up puis des multinationales, l'arriv\u00e9e d'op\u00e9rateur de mobilit\u00e9 semble se concr\u00e9tiser. Le march\u00e9 est l\u00e0 (des automobilistes d\u00e9\u00e7us et\/ou contraints …), les technologies sont l\u00e0, les acteurs se pr\u00e9parent, et les attentes sont immenses, et certainement contradictoires : b\u00e9n\u00e9fices environnementaux pour les uns, b\u00e9n\u00e9fices \u00e9conomiques pour les autres.<\/p>\n
Pour autant, une fois pass\u00e9 les solutions d'autopartage (plus ou moins) subventionn\u00e9es, les offres compl\u00e9mentaires aux TC, les services de mobilit\u00e9 se d\u00e9velopperont-ils massivemment pour offrir une r\u00e9elle alternative au d\u00e9placement autosoliste ? Et si finalement, le peer to peer devenait, aussi en mati\u00e8re de mobilit\u00e9, un moyen puissant de collaboration ?<\/p>\n<\/p>\n
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M.Yochai Benkler de la prestigieuse Universit\u00e9 de Yale a publi\u00e9 un livre en 2006, la Puissance des R\u00e9seaux (The Wealth of Networks<\/strong><\/a>). Ce livre, malheureusement pas encore traduit en fran\u00e7ais, est disponible int\u00e9gralement ici<\/a><\/span><\/strong>. Une analyse partielle de cet ouvrage est propos\u00e9e, elle est issue de [source Compte rendu sur le livre paru dans Rue Descartes n\u00b055<\/a><\/span><\/strong>] :<\/p>\n L\u2019objet de Yochai Benkler, rien ne le d\u00e9crit mieux que le titre du dernier chapitre portant sur \u00ab l\u2019\u00e9cologie institutionnelle de l\u2019environnement num\u00e9rique \u00bb. En effet, l\u2019auteur s\u2019int\u00e9resse aux nouveaux \u00e9quilibres qui se font jour \u00e0 partir du d\u00e9veloppement des nouvelles technologies. Tr\u00e8s clairement, on passe du registre \u00e9conomique au niveau politique, \u00e0 partir d\u2019une r\u00e9flexion sur la refonte d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 qui se d\u00e9finit dans l\u2019usage des r\u00e9seaux informatiques. <\/p>\n L\u2019interpr\u00e9tation de Yochai Benkler proprement dite peut \u00eatre caract\u00e9ris\u00e9e dans sa plus grande g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9 \u00e0 partir de trois th\u00e8ses qui organisent son point de vue : les r\u00e9seaux informatiques sont porteurs d\u2019innovations bien sp\u00e9cifiques, celles-ci affectent l\u2019ensemble des relations sociales, et enfin, ces changements sont pour l\u2019essentiel positifs. <\/p>\n Au-del\u00e0 d\u2019une analyse de l\u2019innovation technologie, il s\u2019agit donc surtout de consid\u00e9rer une r\u00e9organisation significative du social : les r\u00e9seaux informatiques proc\u00e8dent \u00e0 une red\u00e9finition essentielle de la mani\u00e8re dont nous organisons nos relations avec autrui, ou pour le dire de fa\u00e7on plus technique, de notre \u00ab capital social \u00bb. Contrairement aux plus pessimistes qui discernent dans les formes r\u00e9ticulaires d\u2019\u00e9change un effondrement des relations interpersonnelles, il peut montrer que cette impression provient d\u2019une d\u00e9finition \u00e9triqu\u00e9e et archa\u00efque, de ce que doit \u00eatre un lien social. Faisant r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la th\u00e8se de Robert Putnam qui soulignait, dans un livre marquant (Bowling alone<\/em>, en collaboration avec Lewis M. Feldstein et Don Cohen, Simon & Schuster 2001), \u00e0 quel point l\u2019intensit\u00e9 des liens sociaux favorise une \u00ab soci\u00e9t\u00e9 engag\u00e9e \u00bb distributrice de biens sociaux tels l\u2019\u00e9ducation et la civilit\u00e9 des rapports entre personnes, Yochai Benkler insiste sur le fait que les r\u00e9seaux informatiques nous ouvrent les portes d\u2019une nouvelle soci\u00e9t\u00e9 d\u2019engagement. En multipliant les contacts, les r\u00e9seaux informatiques permettent \u00e0 ses yeux une vie sociale plus riche et plus \u00e9panouie et portent m\u00eame une reviviscence des formes communales de relations sociales, ces fameuses \u00ab communaut\u00e9s \u00bb sur l\u2019Internet. Yochai Benkler prend soin de pr\u00e9ciser qu\u2019il ne s\u2019agit pas ici d\u2019un simple retour en arri\u00e8re, mais plut\u00f4t d\u2019une analogie par rapport au pass\u00e9 : \u00ab nous sommes d\u00e9sormais plus enclins \u00e0 b\u00e9n\u00e9ficier des m\u00eames \u00e9motions et des m\u00eames contextes que ceux autrefois associ\u00e9s \u00e0 l\u2019importance de la communaut\u00e9, gr\u00e2ce \u00e0 un r\u00e9seau de liens sociaux limit\u00e9s en temps et en intensit\u00e9 qui se recouvrent \u00bb (p. 16). De ce fait \u00ab les comparaisons entre les pratiques d\u2019aujourd\u2019hui et de l\u2019ancienne mani\u00e8re de remplir les exigences d\u2019une communaut\u00e9, aussi bien que les craintes concernant la perte de la dimension communautaire, sont plus une forme de nostalgie qu\u2019un diagnostic du malaise social actuel \u00bb (p. 362). <\/p>\n Ces nouvelles mani\u00e8res<\/em> de tisser des liens caract\u00e9risent tout particuli\u00e8rement un ph\u00e9nom\u00e8ne d\u2019apparence paradoxale : la valeur des liens de \u00ab faible intensit\u00e9 \u00bb. \u00ab Faibles \u00bb, car les \u00e9changes sur les r\u00e9seaux peuvent s\u2019av\u00e9rer \u00e9ph\u00e9m\u00e8res, ponctuels et ils n\u2019offrent pas toujours la continuit\u00e9 de l\u2019\u00e9change traditionnel en \u00ab face \u00e0 face \u00bb. Mais, engageant peu, ils permettent de coop\u00e9rer plus. Un \u00e9change sur un r\u00e9seau implique moins, mais autorise plus de marge de man\u0153uvre. Ce fait est producteur d\u2019une nouvelle efficacit\u00e9 sociale qui se r\u00e9v\u00e8le contestataire de la puissance du march\u00e9.<\/strong> <\/p>\n D\u2019autres exemples sont disponibles; ils soulignent tous l\u2019enjeu des nouvelles technologies : \u00e0 travers elles, c\u2019est bien l\u2019efficacit\u00e9 de la propri\u00e9t\u00e9 comme base de la production \u2013 \u00e9conomique, politique et plus largement, comme le titre le porte, \u00ab sociale \u00bb \u2013 qui se voit remise en cause. Un nombre d\u2019acteurs non propri\u00e9taires, coop\u00e9rant chacun pour une partie, parfois infime, \u00e0 une r\u00e9alisation commune, sans avoir \u00e0 se conna\u00eetre, \u00e0 se rencontrer, donc avec un minimum de co\u00fbts sociaux et de coordination, peuvent \u00eatre plus efficaces que l\u2019action d\u2019un \u00ab propri\u00e9taire \u00bb se chargeant \u2013 ou chargeant des collaborateurs r\u00e9mun\u00e9r\u00e9s \u2013 d\u2019une t\u00e2che. Il ne s\u2019agit d\u2019ailleurs pas seulement d\u2019une nouvelle division du travail, mais plus essentiellement d\u2019une r\u00e9activit\u00e9 nouvelle : les erreurs (d\u2019une encyclop\u00e9die, d\u2019une correction d\u2019\u00e9preuve, les \u00ab bugs \u00bb d\u2019un code source dans un logiciel libre) sont ais\u00e9ment rep\u00e9r\u00e9es par les personnes int\u00e9ress\u00e9es et r\u00e9par\u00e9es par elles. C\u2019est toute la \u00ab valeur normative \u00bb des \u00ab liens faibles \u00bb (weak ties<\/em>, p. 366) : on parvient \u00e0 des productions aussi et m\u00eame plus sophistiqu\u00e9es sans le co\u00fbt social des liens \u00ab lourds \u00bb tels la famille, le voisinage, la communaut\u00e9 d\u2019autrefois. Cela ne signifie pas la disparition de ces liens lourds<\/em>, mais la relativisation de leur importance. <\/p>\n Cette substitution n\u2019est pas un miracle : elle d\u00e9coule des propri\u00e9t\u00e9s de d\u00e9centralisation et de collaboration que pr\u00e9sentent les r\u00e9seaux et d\u2019une autre propri\u00e9t\u00e9, qui est celle de l\u2019information elle-m\u00eame : elle constitue un bien non concurrentiel (non rival good<\/em>), en ce sens que sa consommation par une personne n\u2019emp\u00eache pas sa consommation par une autre personne (p. 36).<\/p>\n<\/blockquote>\n La puissance des r\u00e9seaux semble donc immense et propice aux \u00e9changes, \u00e0 cr\u00e9er des communa Pourtant, est-ce que ces communaut\u00e9s sont assez solides pour inspirer la confiance n\u00e9cessaire au partage d'objets mat\u00e9riels ? En effet, la mobilit\u00e9 constitue dans certains cas un bien non concurrentiel (quand j'ai 3 places libres dans ma voiture, je peux accepter 3 personnes sans "concurrence") mais impliquant le partage de certains biens mat\u00e9riels.<\/p>\n Pour Zygmun Bauman sur ndlr<\/a><\/span><\/strong>, notre soci\u00e9t\u00e9 individualis\u00e9e va de pair avec une extr\u00eame pr\u00e9carisation des liens. La tendance \u00e0 substituer la notion de \u00ab r\u00e9seau \u00bb \u00e0 celle de \u00ab structure \u00bb dans les descriptions des interactions humaines contemporaines traduit parfaitement ce nouvel air du temps. Contrairement aux \u00abstructures \u00bb de nagu\u00e8re, dont la raison d'\u00eatre \u00e9tait d'attacher par des noeuds difficiles \u00e0 d\u00e9nouer, les r\u00e9seaux servent autant \u00e0 d\u00e9connecter qu'\u00e0 connecter… <\/p>\n Il est donc possible que certaines communaut\u00e9s, de part leur structure, les cat\u00e9gories de personnes engag\u00e9es, leur taille, puissent inspirer cette confiance et mettre en oeuvre ces nouvelles solutions de partage d'informations, de connaissances et d'objets<\/strong>. Seront-elles suffisantes pour faire basculer le march\u00e9 de la mobilit\u00e9 ?<\/p>\n Si le r\u00e9seau n'est pas suffisant pour inspirer la confiance, une autre tendance pourrait se d\u00e9velopper, conform\u00e9ment \u00e0 la proposition n\u00b04 de J.Attali auteur de Survivre aux crises (voir pr\u00e9c\u00e9dente note<\/a><\/span><\/strong>), la r\u00e9silience: ne compter que sur soi-m\u00eame, rechercher l'autonomie voire l'autarcie, n'acheter que des v\u00e9hicules d'occasion et d\u00e9velopper des comp\u00e9tences pour r\u00e9parer, maintenir en \u00e9tat (voir le d\u00e9veloppement des self-garages<\/strong><\/a>), et si besoin, pour des raisons \u00e9conomiques, troquer ses places libres dans sa voiture (voir ici<\/a><\/span><\/strong>), ou vendre la place libre dans son coffre (voir ici<\/a><\/span><\/strong>)…<\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Malgr\u00e9 le titre, nous ne parlerons pas ici des r\u00e9seaux \u00e9lectriques et de la diffusion…<\/p>\n","protected":false},"author":18,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"footnotes":""},"categories":[],"tags":[64,101,108,109,140,142,153,164,174,194,197,203],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/841"}],"collection":[{"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/18"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=841"}],"version-history":[{"count":0,"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/841\/revisions"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=841"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=841"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/transportsdufutur.ademe.fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=841"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}\n
\nut\u00e9s, \u00e0 d\u00e9velopper des outils "partageables" et concurrentiels des solutions propos\u00e9es par le march\u00e9, \u00e0 \u00eatre aussi efficace qu'une entreprise charg\u00e9e de piloter un projet. Ainsi, sans interm\u00e9diaires couteux, les citoyens pourraient rester op\u00e9rateur de leur mobilit\u00e9 donc "autonomes collectivement" en utilisant des outils libres. <\/p>\n