Inimaginable qu’elle ne le soit pas, connectée. Forcément. Mais pourquoi faire ? et surtout pour qui ? En quoi la façon dont l’automobile est « connectée » est un puissant révélateur de la vision du monde des constructeurs. Revenons d’abord sur les 30 dernières années…
Après un développement industriel pour « remplir » les pays d’automobiles, les constructeurs et les pétroliers furent rappelés par les états et les unions (USA, EU) en commençant par les polluants réglementés (CO, HC, NOx et PM) d’un côté et les teneurs en soufre, aromatiques (et autres composés) de l’autre côté. Puis vinrent les contraintes sur les émissions de GES. Les objectifs étaient simples : réduire les externalités négatives. Première leçon : les contraintes sont toujours en retard par rapport aux problèmes. Elles sont construites à partir des données disponibles pour estimer les externalités négatives et tenter de les contenir.
En parallèle, les états et unions apportèrent des centaines de millions d’aides aux constructeurs pour dépolluer, améliorer l’efficacité énergétique des groupes motopropulseurs puis plus tard pour maintenir l’activité dans les pays et ne pas délocaliser. Le deal était simple, il n’a toujours pas changé, malheureusement. Début 2000, le numérique, même s’il commençait à se plateformiser, n’avait pas généré d’entreprises technologiques dans l’automobile. Les constructeurs au niveau mondial se livrent une bataille précisément détaillée dans le dilemme de l’innovateur en sur-chargeant le produit de fonctions et caractéristiques dont le marché n’a pas réellement besoin, dans le seul but de pouvoir se différencier les uns des autres. En conséquence, ils choisissent de produire et vendre principalement des SUV, lourds à faible efficience énergétique, en moyenne au prix d’un bon fromage à 23 €/kg. Dès les années 1980, l’ADEME (AFME) finançait des programmes de véhicule à moins de 2 litres aux 100km. Ces véhicules légers et efficients donneraient aujourd’hui des résultats encore meilleurs en termes de consommation mais aussi de faibles prix de vente. Le potentiel technologique en matière d’efficacité énergétique a été détourné pour générer de la masse « marchande » et augmenter le profit. Deuxième leçon : les aides publiques sont facilement transformées pour servir un intérêt contraire. En conséquence, elles devraient être conditionnées à des réductions d’externalités négatives réellement observées en usage réel dans le marché.
L’électronique et les calculateurs équipent les véhicules depuis des décennies avec de nombreux avantages. La connectivité, quant à elle, est récente. Elle procède d’une logique complètement différente. S’appuyant sur des infrastructures numériques mondiales, les objets connectés communiquent leur état et des données pour générer des informations ou des services. Un des objets inspirants en la matière est la trottinette électrique en libre-service. Sa connectivité permet de débloquer le véhicule, facturer son utilisation et, plus intéressant, interdire un stationnement en poursuivant la facturation ou encore limiter sa vitesse maximale en fonction de son positionnement. L’automobile, elle, n’a toujours réussi à tirer profit du numérique. Le conducteur préfère bien souvent l’écran du smartphone que l’on « projette » dans le véhicule, qui apporte et produit les données.
Pourquoi l’automobile moderne, puisqu’elle est connectée, puisqu’elle respecte les normes d’émissions de polluants et de CO2, n’exploite-t-elle pas depuis des années les opportunités offertes par le numérique et sa connectivité ? Et bien tout simplement, parce que les constructeurs ont décidé de ne pas s’intéresser aux externalités négatives des produits qu’ils commercialisent. Juste répondre aux normes, dont nous savons qu’elles sont en « retard », restent largement imparfaites (hybride rechargeable) et falsifiables (Dieselgate). Ne surtout pas faire levier du numérique pour réduire les émissions réelles de polluants ou de CO2, pour réduire la vitesse maximale ou aider à réduire l’accidentalité, pour mieux gérer les stationnements ou maximiser l’usage de l’espace public. Non la voiture connectée c’est d’abord pour vendre à la carte des fonctions installées mais que le consommateur devra activer, c’est capturer une partie des données générées par son activité à bord de son véhicule pour les vendre à des tiers.
Et pourtant, dès maintenant, nous pourrions avoir des véhicules qui tirent profit du potentiel de la connectivité pour mieux connaitre et réduire les externalités négatives. Nous pourrions avoir des véhicules dont la vitesse maximale est automatiquement limitée en fonction de la position, de la voirie, de la météo, des horaires et du trafic. Nous pourrions avoir des véhicules qui ne peuvent pas stationner n’importe où, en avertissant puis en facturant immédiatement. Nous pourrions avoir des véhicules dont une partie des taxes kilométriques, aujourd’hui intégrée au carburant, pourrait être calculée et facturée en fonction de la conduite réelle, des horaires, du trafic, ou de l’historique ouvrant de nouvelles options aux Zones à Faibles Emissions. Nous pourrions avoir des véhicules dont les conducteurs décident de contribuer à des projets d’intérêt général en open data : cartes, trafic temps réel, etc. Nous pourrions avoir des véhicules qui auto-produisent en temps réel leurs externalités négatives, les comparent aux moyennes. Nous pourrions avoir un espace numérique sécurisé individuel avec toutes ses données indépendamment du constructeur, comme Mon Espace Santé.
Les 30 dernières années nous indiquent que, de tout cela, il n’y aura rien. Sauf si des (nouveaux) constructeurs automobiles décidaient de s’intéresser aux externalités de leur produit pour en faire une proposition de valeur différenciante.
]]>Au delà des territoires et des océans déjà explorés, les cartes indiquaient Hic sunt dracones, “Ici sont des dragons”. Il nous semble essentiel d’aller explorer ces zones inconnues, d’aller à la rencontre des dragons, de prendre des risques pour changer de mobilités, de changer de véhicules et d’inventer de nouvelles industries ni plus ni moins.
Si vous pensez qu’il suffit de robotiser ou d’électrifier l’automobile telle que nous la connaissons, vous pouvez arrêter votre lecture et reprendre une activité normale. Si au contraire, vous pensez que vos compétences en mécanique, design, électronique, production additive ou composites ne sont pas utilisées pour faire les bons produits, alors vous êtes au bon endroit
En 1714, sous la pression de la marine marchande anglaise et d’Isaac Newton, 20 000 livres sont offerts à celui qui réussira à mesurer la longitude à 30 miles près. Les meilleurs horlogers se livrent alors une course. Il s’agit en fait d’améliorer la qualité des ressorts en utilisant tous les savoirs dans les domaines des matériaux et de la métallurgie pour qu’à bord des bateaux, l’horloge ne dérive plus en fonction de la température et de l’humidité. C’est John Harrisson, un horloger écossais (autodictate) qui réussira le premier en y travaillant plusieurs années. P.Le Roy, horloger français, l’améliore et ce sont 900 modèles qui sont fabriqués et distribués. Ainsi équipée, la marine marchande anglaise développe son emprise à travers le monde, triple son commerce extérieur dans les 20 ans qui suivent (source article de blog).
En 2004, le DARPA lance un challenge sur la voiture autonome. Les règles sont simples avec 1 M$ si votre véhicule :
Stéphane Schultz décrypte l’intérêt de ce challenge : “Mais que sont venus faire des entrepreneurs talentueux et des universitaires brillants dans cette galère ? Apprendre. Apprendre en faisant, en testant et se confrontant le plus tôt possible au réel. Plutôt que de valider des hypothèses théoriques dans leurs laboratoires, ils choisirent de mettre un véhicule sur la route au plus vite […] Le mouvement est lancé. En 3 ans et autant de challenges, la DARPA a mis le pied à l’étrier à l’une des plus fantastiques communautés d’inventeurs depuis la conquête spatiale, avec 1000 fois moins de moyens.”
Il s’agit d’abord de faire émerger, fédérer et muscler une large communauté de personnes et de raccourcir le temps d’acquisition des retours du marché
“Lorsque vous explorez un domaine réellement nouveau, la compétition est toxique. La collaboration doit être la règle” rappelle Stéphane. En conséquence, il faut :
Nous reprenons cette méthode du Challenge pour l’appliquer sur un nouveau défi : créer une nouvelle filière industrielle, une collection d’objets roulants efficients, légers, simples, adaptables, etc. Nous allons créer les meilleures conditions pour donner un avantage aux équipes candidates, pour créer un potentiel de situation et viser une rupture !
Au lieu de faire des choix à priori, de s’obliger à choisir un seul chemin et faire l’hypothèse que les acteurs aujourd’hui en place sont les mieux placés pour conduire les changements, il est proposé ici une méthode qui vise à explorer un maximum de scénario sous contraintes en partageant un maximum de livrables.
Vous avez voulu des voitures voitures, vous aurez des vélos électriques. Derrière cette boutade, l’électrification de la mobilité se réalise principalement en volume “par le bas” sur les vélos et plus largement les micromobilités. Toutes les briques existent, produites de façon industrielle, principalement en Asie et il devient simple de se lancer dans la conception de nouveaux véhicules, de cibler une niche. Cette dynamique ne va se réduire, une multitude d’objets roulants ne va pas cesser d’apparaitre aux quatre coins du monde. Un des avantages de l’électrification est sa capacité à produire des commodités et de interfaces standardisées. Est ce que l’Europe va s’en saisir pour, à la fois, réduire sa dépendance à l’auto/pétrole et créer de nouvelles industries ?
Dans le secteur de la logistique ou encore des mobilités, de nouveaux véhicules intermédiaires se développent déjà et conduisent à ajuster les flux logistiques. Certains apparaissent déjà avec des caractéristiques essentielles : modulables, découpables avec des remorques, configurables, adaptables aux besoins locaux. Cette plasticité des véhicules nous semble réellement inédite, il faut même l’amplifier.
L’ADEME a donc décidé de lancer l’eXtrême Défi sur 3 années.
L’eXtrême Défi est construit pour rassembler une large communauté, pour qu’elle se révèle à elle-même et se développe. En travaillant collectivement et en sortant d’une logique pure de compétition, il s’agit de créer une taille critique, de mutualiser des composants, des parties, des sous-ensembles, mais aussi de nouveaux métiers, outils et formations. Nous nous organisons pour faire d’une multitude niche un marché solvable.
Les équipes candidates seront placées sous des contraintes précises pour intégrer dès la conception des boucles de matière et de composants en fin de vie, pour intégrer plusieurs vies des véhicules et des composants, pour penser au mieux les cycles de montage, démontage et de reconditionnement. Ces contraintes visent à créer de nouvelles industries locales, complexes (complexus, ce qui est tissé ensemble), in-délocalisable, capables de monter, produire, démonter, réparer, faire évoluer les véhicules au plus près des besoins et des territoires.
Notre défi est alors de nous appuyer sur une bibliothèque mondiale de composants standardisés, associée à un minimum de pièces spécifiques et des moyens industriels territorialisés pour produire, maintenir et gérer de nouveaux véhicules à très haute efficacité énergétique et durée de vie infinie. La part de valeur va donc passer des composants, devenus des commodités, à la gestion de flux complexes majoritairement territorialisés en Europe adossés à de nouveaux métiers, de nouveaux modèles économiques et de nouvelles offres.
Enfin, l’extrême Défi vise également à légitimer ces projets de véhicules bizarres auprès des acteurs publics, des clusters et financeurs. Pour l’ADEME, il s’agit d’un nouveau mode d’intervention et espérons pour d’autres agences en France et en Europe. Ils préfigurent le monde qui vient, tel que décrit dans plusieurs scénarios 2050 de l’ADEME. N’attendons pas 2050, inventons de nouveaux objets pour de nouvelles mobilités au quotidien.
]]>Rappelons rapidement que les GAFA masquent les milliers de plateforme qui ont échoué. Echoué à gravir les marches qui conduisent à une plateforme mondiale. Ces marches sont les suivantes. Il faut d’abord numériser son entreprise, surtout sa relation client, ses flux internes et externes pour délivrer sa valeur. Puis il faut désintermédier d’éventuels intermédiaires pour avoir une relation directe avec l’utilisateur ou le client. S’enclenche alors la phase critique, celle qui consiste à créer des effets de réseaux. D’après wikipédia, l’effet de réseau est le phénomène par lequel l’utilité réelle d’une technique, produit ou service dépend de la quantité de ses utilisateurs, cela revient à dire que la valeur du réseau est proportionnelle au carré du nombre de clients.
Pour les rares plateformes qui ont réussi à créer des effets de réseau, c’est une course pour garantir le bon fonctionnement de l’offre (serveur, flux, logistique, ressource humaine) avec un nombre d’utilisateur qui peut avoir une croissance très rapide. Celles qui y parviennent vont alors, par leur taille et leur caractéristique, fermer le marché en question et créer de facto un monopole. La dernière étape permet à ces plateformes en croissance grâce aux effets de réseaux d’accéder aux données d’usages d’une grande quantité d’utilisateurs, appelé multitude par Colin-Verdier.
Ces données à très hautes valeurs ajoutées apportent des informations clés sur les besoins des utilisateurs, ce qui permet à la plateforme de se développer en apportant des fonctions et services utiles renforçant de nouveau l’attractivité de la plateforme et l’effet de réseaux.
Ce mécanisme en 4 étapes n’est pas nouveau, même s’il reste relativement méconnu. Dans un monde numérique, comment construire des plateformes numériques d’intérêt générale avec des effets de réseaux ?
Les pratiques de mobilité ne changent pas à une vitesse suffisante pour être compatibles avec nos objectifs d’émissions de réduction GES, de réduction de pollution dans les pays développés. Les problèmes de mobilité ne seront pas résolus uniquement par des solutions de mobilité, avec des approches en silos. Ce sont les modes de vie, l’organisation des entreprises et des territoires, les temporalités ou encore la gestion de l’espace public qui sont à dé-construire et ré-organiser.
Pour cela, les organisations doivent également évoluer, donc les processus de décision, l’allocation des budgets et des énergies. Nous nous focalisons sur les cultures différentes de ces organisations, pour les faire évoluer et ainsi améliorer les synergies collaboratives. Les GAFA, NATU, BATX vont poursuivre leurs assauts dans le secteur et renforcer leur connexion à la multitude avec des intermédiations de plus en plus dommageables pour les acteurs historiques et les collectivités. Malgré les annonces et les discours, les pratiques de mobilité n’évoluent pas assez vite.
Les effets des innovations dans le domaine des Mobilités restent marginaux. A ce jour, seules les plateformes dominantes ont réussi à créer de l’effet de réseau avec la multitude.
Il s’agit de proposer une série d’activités pour construire une plateforme d’intérêt général. La mobilité (lisez ici également immobilité et activité) se caractérise par un problème complexe (au sens d’Edgar Morin) rassemblant une grande quantité d’acteurs hétérogènes (donc de cultures très différentes).
Une première activité consiste à aider les parties prenantes à capitaliser les informations, à les indexer, à partager une ontologie neutre et commune pour classer et se comprendre. Une seconde activité est de clarifier les défis communs que nous avons à relever pour que chacun puisse s’y positionner et également pour mettre en relation des acteurs ayant les mêmes défis à résoudre. La troisième activité vise à relier les projets, livrables, personnes, défis (via un wiki) pour que chacun puisse y naviguer, se positionner individuellement tout en percevant le paysage global (voir notamment le graph pour avoir une vue globale). Une quatrième activité consiste non pas à favoriser la réplication mais plutôt à documenter et capitaliser notamment les échecs pour éviter de refaire les mêmes erreurs. Enfin, une cinquième activité, la plus complexe, permet d’identifier et produire de nouvelles ressources utiles aux parties prenantes et non compétitives (les communs).
Nous retrouvons là les 5 activités de la Fabrique des Mobilités. Ces activités se traduisent par un « travail de fourmi », brique par brique, défi par défi, commun par commun, acteur par acteur. Pour changer d’échelle, quatre actions sont à l’œuvre… Ouvrir le code source de la FabMob France pour qu’elle se réplique dans d’autres pays. Nous y travaillons au Québec, en Italie, en Belgique, en Afrique. Mais aussi dans d’autres domaines, 5 Fabriques (Mobilité, Logistique, Energie, Santé, Education) se développent aujourd’hui. Il s’agit là d’augmenter les tailles des équipes et le volume traité. Une troisième action consiste à mutualiser toutes les infrastructures techniques et méthodologiques, à standardiser les formats des ressources pour mener les 5 activités identifiées. Ceci permet aussi de réduire les coûts et d’éviter de reproduire des silos.
Enfin, et c’est là le point clé pour produire des effets de réseaux, permettre à tous les acteurs de la mobilité (logistique, énergie, santé, éducation) de pouvoir intégrer dans leur système d’information, site web, réseau interne, tout ou partie des ressources (défis, projets, communs, communautés, connaissances) indexées, gérées et mises en forme par une Fabrique. Cette dernière action, rendue possible par l’utilisation de Mediawiki, du web sémantique et des API, maximise l’effet des Fabriques.
Dès lors, tous les acteurs d’un domaine (Mobilité, Logistique, Energie, Santé, Education) auront intérêt à ce que le wiki de chaque Fabrique soit à jour. Et plus le wiki est à jour et complet, plus les acteurs auront intérêt à l’inclure dans leur SI, blog, site.
En organisant cette information de façon neutre, interrogeable par des machines et en produisant des communs, les Fabriques utilisent les principes des plateformes numériques, créent des effets de réseaux grâce au système d’information neutre et organisé mais redonnent aux différents écosystèmes la totalité des externalités produites dans l’intérêt général.
]]>Notre scan 3D ou double numérique corporel ouvre une multitude d’opportunités et bien sûr de questions relatives aux données personnelles. Qui acceptera de confier son scan 3D à un acteur privé ? Est-ce que les photos stockées sur nos drives ne permettent pas déjà de produire un avatar 3D ? Nous retrouvons ici l’analogie avec un compte Mobilité qui contiendrait vos données de mobilités et votre profil personnel. Mais revenons à Amazon …
Ces vêtements sur-mesure issus d’un Scan 3D pourraient venir concurrencer à la fois le sur-mesure traditionnel en étant moins cher et le prêt à porter en étant mieux ajusté. L’arrivée d’Amazon dans la mode n’est pas nouveau mais il se renforce avec cet avantage technologique et reproduit les précédents dans le livre, le e-commerce et le cloud. Le géant numérique pourra contraindre les deux marchés à se joindre à une telle démarche. Pour certains marchés de niche, il deviendra possible de faire du sur-mesure via le scan 3D et de repositionner sa marque.
En vous connectant avec votre scan 3D, les marques vous proposent les habits correspondants à votre corpulence. Dans certains cas, les productions sont lancées directement à partir des données. Les livraisons sont toujours à la bonne taille, il n’y a moins ou plus de retour. Si Amazon réussit à séduire un nombre suffisant de personnes, alors il pourrait même influencer ou modifier les classifications existantes des tailles du prêt à porter puisqu’il aura suffisamment de données significatives. Sur tous les habits vendus sur Amazon, ce dernier pourrait proposer de vérifier que la taille choisie correspond bien à votre scan. Les conséquences sont sans limite… Bien sûr il y aura des démarches équivalentes en Chine et ailleurs. Pour se positionner sur ce sujet en Europe, il est essentiel de rassembler toutes les parties prenantes, de créer un standard partagé, de mutualiser un maximum de développement et d’identifier le meilleur tiers de confiance pour le consommateur. S’il n’existe pas, il faudra le créer. Sinon nous connaissons déjà les prochaines étapes pour Amazon : rendre extrêmement simple l’utilisation de cette fonction à travers des API pour tous les commerçants en ligne.
Ainsi, Amazon pourra mettre à disposition de tiers cette brique technologique qui viendra rejoindre les autres. Et le Bon Coin pourrait vous proposer des habits d’occasion exactement à votre taille en comparant les scan 3D des vendeurs et acheteurs.
Pour la Mobilité, c’est exactement le même défi : construire un compte mobilité central et neutre, créer les briques techniques ouvertes associées, identifier le meilleur porteur neutre et crédible et unifier les démarches européennes sur ce sujet pour produire le standard. Territoires, Acteurs de la Mobilités, développeurs en France et en Europe, rejoignez-nous sur http://moncomptemobilite.fr
]]>Ce glissement se positionne à la croisée de grands risques pour de nombreuses organisations industrielles en Europe mais également de formidables opportunités pour réinventer des mobilités performantes, efficaces et accessibles, notamment dans les territoires péri-urbains et ruraux.
En s’électrifiant la voiture engage une étape radicalement différente des précédentes car elle supprime la principale barrière à l’entrée pour d’autres acteurs : le moteur thermique. En effet, être capable de concevoir et surtout fabriquer à hauteur de plusieurs milliers par jour un tel objet technique permettait aux constructeurs de dicter leur vision de l’automobile. En résumé, le moteur thermique permet aux constructeurs de fermer le marché et proposer des véhicules à fortes marges sans répondre aux besoins réels de nombreux marchés. Certains continueront dans cette voie mais d’autres viendront combler le vide des véhicules “juste nécessaires”. Aujourd’hui en Chine, le modèle électrique le plus vendu est un petit véhicule vendu à 5000$. Ce n’est que le début.
L’électrification ouvre donc la porte à de nouveaux acteurs. Et c’est là le principal intérêt du véhicule électrique. Son bilan environnemental est en fait secondaire. Et l’histoire est têtue, nous ne pouvons pas prédire ce que ces nouveaux acteurs proposeront. Comme toute technologie majeure, c’est ce caractère précisément imprévisible qui lui apporte une partie de sa valeur, donc des investissements qu’elle attire.
La deuxième transition est celle de la montée du numérique dans le domaine des mobilités à la fois en valeur et en nombre d’acteurs, et conjointement, de l’augmentation de la valeur attribuée au numérique dans le secteur des mobilités. Dans certains endroits, comme la Chine, les deux transitions électriques et numériques arrivent en même temps que la découverte de l’automobile elle-même.
Cet article évoque une option qui semble à la fois réaliste, à fort impact et d’une certaine façon déjà en cours, celle de la “commoditisation” des principaux composants des véhicules électriques.
Essayons d’oublier mentalement les images des voitures que nous connaissons, pour s’ouvrir à de nombreux types de véhicules à 2, 3 ou 4 roues. Et faisons des allers-retours entre les composants d’un véhicule électrique et les cas d’usage. Comme l’indiquait Paul Arzens, inventeur de l’oeuf électrique dans les années 40, le VE “juste nécessaire” peut être considéré un appareil électroménager. Si nous prolongeons cette logique, l’électrification de l’automobile va reprendre les phases de l’industrialisation du matériel électronique avec un élément clé : la commodité.
Wikipédia nous rappelle la définition de cet anglicisme:
Aujourd’hui vous pouvez commander de petits véhicules pour moins de 2000$ sur Alibaba ou leurs principaux composants pour moins de 300$. La base d’un véhicule électrique (trottinette, VAE, quadricycle ou plus …) se compose finalement d’une plateforme sur laquelle s’ajoute le moteur électrique en lien avec une transmission vers les roues, des batteries et le moteur pouvant être intégré dans la roue. L’hypothèse principale est de considérer que la plateforme va devenir une commodité que j’appelle le “skateboard” et que les interfaces avec les composants vont se standardiser.
Pour Wikipédia toujours, une commodité est un produit générique largement disponible ou un bien avec assez peu de différence de valeur ajoutée d’un fournisseur à l’autre, dont :
“Tous répondent à des standards et leur origine a peu d’importance pour l’emploi qu’on en fait, les fournisseurs ont peu de latitude pour justifier d’une modification de leur valeur ajoutée.” Nous commençons à voir l’impact considérable sur les industries concernées …
Wikipédia: « Le terme de « commodité » implique en général des marchés présentant des volumes importants, nécessaires au soutien d’un nombre important de fournisseurs et de normes détaillées. Pour atteindre cette échelle critique, les marchés de commodités sont souvent mondialisés […] En raison de leur forte normalisation, les marchés de commodités limitent la valeur ajoutée que peuvent apporter les fournisseurs. La compétition s’effectue donc essentiellement sur les prix établis par le coût marginal, les entreprises dégageant des profits par les différentiels de productivité. […] La compétition sur les prix tend à favoriser les acheteurs et à être défavorable aux fournisseurs. Être positionné sur un marché de commodité, ou en voie de commoditisation est donc généralement considéré comme une position défavorable par les fournisseurs. Pour échapper à cette situation ils s’engagent dans des stratégies de différenciation compétitive par la qualité, l’innovation… «
En résumé, l’électrification et la numérisation ouvrent la porte à une multitude de nouveaux acteurs. Certains tentent de concurrencer frontalement les constructeurs en place avec des modes d’affaires similaires, d’autres vont s’engouffrer au contraire dans de nouveaux modèles en partant des besoins réels des clients finaux et en s’appuyant sur des commodités et des interfaces standardisées.
Qui dit commoditisation du skateboard, dit briques interchangeables, composants sur étagères. Puisque la commodité voit sa marge tendre vers zéro, il devient possible de l’utiliser pour couvrir une multitude de cas d’usages, d’expérimenter sans aucun risque de nouveaux produits et marchés.
Pour qu’un stakeboard devienne la référence, il devra créer des effets de réseaux. C’est-à-dire amener les acteurs à avoir intérêt à l’utiliser plutôt qu’un autre car il sera plus simple de l’utiliser, aura déjà un cas d’usage similaire bien décrit. Plus le stakeboard sera utilisé plus sa valeur grandira et plus il sera utilisé. Dans ce cas, la valeur passera du matériel à la communauté capable de simplifier l’accès, de documenter, de donner envie à d’autres d’utiliser la commodité.
L’exemple le plus proche est Arduino. Les “Shield” d’Arduino sont les briques interchangeables connectables à la base, au skateboard. Ces éléments servent une communauté mondiale qui réalise ainsi une infinité de projet.
Vous noterez que tout le monde peut refaire le circuit électronique d’arduino (puisqu’il est open source) mais personne ne peut recréer une communauté mondiale et une bibliothèque de projets documentés. Il y a bien une marque solide même si Arduino est open source.
Jusqu’à présent, les constructeurs maitrisent intégralement la conception de l’ensemble, délèguent certaines briques et reprennent en main le montage. La réparation est déléguée à un réseau et des indépendants. Ces étapes de “groupage/dégroupage” pourront être réinterrogées en profondeur avec un véhicule électrique répondant aux besoins quotidiens juste nécessaires (de type vélo cargo ou normes L6 ou L7 d’un quadricycle). Pour creuser le sujet, cet article sur le MaaS de 15Marches et celui-là sur Amazon Web Service décrivent par des exemples, les avantages de pouvoir grouper/dégrouper et surtout d’être l’acteur qui maîtrise ces phases.
Par exemple, récemment le développement des systèmes de batterie interchangeable en Chine traduit le dé-groupage des batteries qui permet d’envisager de commoditiser le stakeboard et de standardiser les interfaces stakeboard/batterie.
Ce n’est pas un hasard si le groupage/dégroupage est maîtrisé par les entreprises numériques. La numérisation du secteur des mobilités renforce le scénario de la commoditisation puisque cette option est culturellement intégrée par les entreprises numériques.
Pour plusieurs cas d’usages la spécialisation du véhicule pourrait également conduire à réaliser l’assemblage localement (grouper), au plus près des utilisateurs, à moindre coût en s’appuyant sur des outils de production de type micro-production ou micro-usine. Question : Jusqu’où s’arrête l’usine minimale ? Est ce le garage, la coopérative, une boite à outils connectés et des tutos ?
Puisque l’on pourra grouper/dégrouper, la capacité d’évolution des véhicules, la réparabilité pourraient aussi être gérées différement, par de nouveaux acteurs spécialisés dont les acteurs du retrofit aujourd’hui sont peut être les précurseurs. Ceci présente de nombreux avantages pour le B2C mais aussi et surtout le B2B.
Pour les citoyens en périurbain et rural (B2C), des VE homologués en tant que quadricycle auraient des tarifs 10 fois moins chers que les voiturettes actuelles. Est ce une réponse aux Gilets Jaunes ?
Pour les opérateurs de mobilités (B2B), un VE serviciel pourrait compléter les offres de trottinettes, vélo en libre service pour les Lime, Bird et autres Uber. Un tel véhicule pourrait aussi permettre à des coopératives de location courte durée de se diversifier. La question devient : d’abord en Chine, Europe ou USA ?
Une infinité de nouveaux entrants peut prétendre jouer un rôle comme des équipementiers automobile, de l’électronique, de l’électroménager, des services à la personne, des opérateurs de mobilités, de l’immobilier, de la réparation … Ces véhicules serviront de nombreux marchés, en répondant aux justes besoins, seront réparables à l’infini, bien loin de la mode des SUV. Ils fourniront des prochains exemples concrets du dilemme de l’innovateur de Christensen.
Ce raccourcissement massif et brutal de la chaine de valeur entre ces différents acteurs et le client final viendra questionner profondément la culture des organisations et leur capacité à évoluer. C’est qui-quoi un constructeur demain ? Quelles seront les organisations capables de créer ces commodités, les utiliser pour mieux se connecter aux communautés, servir de nombreux cas d’usages et marchés avec des produits évolutifs, réparables et efficients ?
Devant le nombre de paramètres et les cas d’usages à considérer, l’ampleur des changements, nous proposons une démarche collective faisant un choix radical : le véhicule open source. Sans se fixer de design à priori, nous considérons le véhicule open source comme un moyen concret et opérationnel pour explorer la commodisation du véhicule électrique pour les différents marchés, à la fois B2B et B2C.
Cette exploration est une démarche individuelle dans laquelle l’organisation doit s’engager au plus haut niveau car cela touche son modèle d’affaires, son positionnement dans la chaine de valeur et obligera à questionner son ADN. Elle ne peut se faire qu’à plusieurs pour se nourrir mutuellement et apporter des points de vue différents.
En profondeur et sur des temporalités raccourcies, nous nous fixons deux objectifs principaux :
Et pour cela, nous avons créé et animons une communauté Véhicule Open Source. Pour nous rejoindre !
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Tout d’abord, c’est la première fois que l’humanité est connectée à un tel niveau en terme de nombre de personne, sur un seul sujet et sans conflit entre nous. Et c’est aussi la première fois que nous pourrons tracer les prises de décision, les actions qui auront été utiles et les conséquences en terme de nombre de malade et de mort.
Nous pouvons observer que les principales structures pyramidales (grandes structures publiques et entreprises) fonctionnent au ralenti ou s’arrêtent. Elles peinent à se reconfigurer dans des délais courts pour apporter des réponses précises et opérationnelles. Je parle ici des structures, pas de certaines personnes qui les composent. Par contre, des collectifs se sont « révélés » pour produire des parties de masque imprimés en 3D, des respirateurs, organiser des livraisons ou aider les soignants au quotidien. Ils ne font pas partis d’une organisation , n’ont pas reçu de consigne.
Ce sont des makers, des indépendants, des entrepreneurs rattachés à des structures publics ou privés, des citoyens. Leurs actions deviennent visibles tout simplement parce que les actions de structures pyramidales s’atténuent et parce que le contexte va les mettre en valeur (exemple et un autre exemple). Il devient clair que des réseaux distribués de personne « entraînée » sont capables d’agir dans des environnements incertains et changeants pour produire des dispositifs complexes quasiment sans structure de commandement. Ils étaient déjà là avant la « crise », ils se sont « juste » révélés pendant. A chaque situation de ce type, certaines personnes montent en compétence individuellement pour mieux agir dans des collectifs distribués. A chaque crise, les personnes et les communautés progressent, ainsi que leurs outils et leurs processus collectifs. Peu ou pas visibles, ces communautés démontrent de capacités spécifiques pour agir dans le chaos, capables de capitaliser notamment grâce et à travers l’open source, de s’organiser rapidement, de prendre des décisions et de résoudre des conflits autrement. Par exemple, certaines collectivités (aucune en France) ont mis en œuvre, grâce à des méthodes d’urbanisme tactique, des infrastructures légères pour favoriser la marche et le vélo (la base de données, le questionnaire pour contribuer).
Revenons au plan de sortie de crise. Peut-on confier aux structures pyramidales la rédaction d’un plan de relance alors qu’elles ont démontré leur difficulté pour agir collectivement, en tant qu’organisation ? Encore une fois, il ne s’agit pas de montrer du doigt les personnes mais de souligner les faibles performances des organisations dans leur globalité. Le plan de relance passera par les mêmes processus, le « mind-set » de ces mêmes organisations pour reconduire finalement les modèles connus. En conséquence, le meilleur plan de relance est alors peut-être de ne pas en avoir, en tout cas tel que nous le connaissons.
Plus l’environnement, le contexte, les sujets montent en complexité, plus il devient essentiel de donner de nouvelles capacités d’actions et des moyens aux communautés distribuées, de se doter ainsi de nouveaux processus collectifs pour débattre, choisir et agir.
Puisque l’avenir n’est plus prévisible, regardons comment développer les capacités d’actions des organisations pour les phases d’instabilité, qui ne vont cesser d’apparaître. Pourquoi ne pas allouer des budgets publics et privés pour produire des communs dans tous les domaines clés (santé, mobilité, énergie, alimentation, éducation…) en continu dans des appels spécifiques ou en les intégrant dans les appels à projets traditionnels ? Dans les organisations publiques et privées, formons des personnes à ces compétences, relions-les à ces communautés distribuées « officiellement » pour qu’elles y contribuent et apprennent en continu. Créons des entités permanentes (sur le modèle des Fabriques ou d’autres) pour aider à initier, à financer, à faire grandir des communs dans les domaines clés en s’appuyant sur les formidables réseaux de tiers-lieux et fablabs. Invitons les industries à monter en compétence et à agir grâce aux communs pour renforcer leurs écosystèmes et se renforcer elles-mêmes. Les ressources ouvertes, les savoir faire et savoir être associés seront de véritables bouées dans les prochaines phases de chaos.
Au lieu de fermer les options avec un plan unique, voyons comment utiliser les questions suivantes pour ouvrir les « possibles » et lancer plusieurs chantiers : comment chacun individuellement et chaque organisation collectivement peut s’inspirer des communautés ouvertes et de leur fonctionnement distribué pour travailler notamment la résilience ? Peut-on amplifier massivement la production de ressources ouvertes non propriétaires tant ces dernières ont démontré leur valeur ajoutée en les intégrant par exemple dans tous les appels à projets financés par des fonds publics ? Peut-on améliorer massivement nos capacités d’expérimentation en groupe et réinterroger alors nos compétences et organisations ? Peut-on structurellement orienter les flux monétaires vers les produits et services vertueux en concevant d’autres monnaies ?
Pour toutes ces questions, ne faut-il commencer par équilibrer les points de vues et contributions des organisations pyramidales et des communautés distribuées ?
source de l’image d’entête
]]>Il n’y aura donc pas d’avant, de pendant et d’après puisque ça a lieu maintenant, « petit à petit ». Seuls les géo-sociologues parle(ro)nt d’Anthropocène. Comme nous n’avons pas éduqué nos sens pour voir les signaux faibles, nous restons aveugles à cette transition en cours. Quand cela devient visible, l’irréversible a déjà eu lieu. Notre cerveau reptilien a été conçu pour réagir à aux signaux forts, aux menaces. Les médias exploitent ce filon et rares sont ceux qui aiguisent leurs sens pour percevoir les signaux faibles et « la forêt qui pousse ».
A cela se rajoute une autre difficulté. Il n’y a pas d’ennemi, d’adversaire, pas de lutte à engager « contre » quelqu’un. Dommage, nous avons construit tout un arsenal de posture, de croyance, de réflexe, de moyen et conditionnement. Non, il est en nous. En nous tous. C’est donc une lutte inédite qui s’engage dans l’histoire de l’humanité. Cela n’a rien à voir avec une « guerre contre le climat ». C’est une introspection planétaire.
Nous voilà condamnés à nous regarder en face, en-nous.
Durant cette phase, les réflexes, les schémas mentaux hérités de notre histoire qui nous a conduit dans cette situation, ne sont pas d’une grande aide. Pire, ils nous trompent et nous égarent. Les processus collectifs de nos organisations (entreprise, collectivité ou état) apparaissent, pour peu qu’on les analyse avec un peu de recul, comme totalement inadaptés pour comprendre et agir individuellement. Ces structures dites pyramidales utilisent et produisent des guides, normes, appelez ça comme vous le souhaitez, conçus dans des périodes stables et prévisibles qui se révèlent hors de propos puisque, par nature, nous entrons dans un territoire inconnu avec une vitesse inédite. A cela se rajoute une perception du réel altérée ou non eduquée. Nos bulles, nos asymétries cognitives et nos nombreux biais, plus ou moins amplifiés par notre culture et notre usage du numérique, construisent des obstacles sur lesquels nous buttons sans même nous en rendre compte. Olivier Auber dans Anoptikon propose d’apprendre à connaitre nos asymétries pour les « remettre à leur place » et ouvrir de nouvelles relations avec le numérique.
Il ne s’agit pas non plus de disparition de l’humanité. Ça serait bien plus simple. Pas de météorite qui conduirait à notre destruction. Même avec plusieurs degrés de plus, certains d’entre nous seront toujours vivants. La théorie du catastrophisme éclairé forgée par René Girard et JP.Dupuy fonctionne bien pour un risque de destruction. Dans ce cas, nous devons être convaincus que la catastrophe (jusqu’à présent nucléaire) est imminente pour mettre en œuvre les réactions permettant de l’éviter. Mais dans notre phase actuelle en transition, il n’y a pas de « moment » de bascule sur lequel nous pourrions nous focaliser collectivement pour enclencher une forme de réaction collective, un boostrapping. Rien, tout est, en apparence, lisse. L’effritement a, en fait, déjà lieu, en commençant par nous-même : ce sentiment de supériorité vis-à-vis de la nature et du vivant comme pour compenser nos manques et notre solitude. Les premiers signaux forts des conséquences nous reviennent maintenant.
Jamais nous n’avons été aussi puissants et nombreux, jamais nous n’avons été aussi fragiles et seuls face à la tâche à accomplir. Peut-être avons-nous encore en nous les ressources pour se lancer dans ce formidable voyage ?
Se centrer, se trouver, individuellement comme simple humain pour libérer ou créer de nouveaux schémas mentaux, de nouvelles postures. Se relier et s’engager collectivement pour les partager, les ajuster, les moduler et faire avancer le moi et le nous. Et si nous commencions par une œuvre en apparence simple : le générateur poiétique crée par Olivier Auber, pour toucher du doigt l’imbrication du moi et du nous ? Ces organisations collectives apprenantes ne rassembleront en rien aux structures connues aujourd’hui, utiliseront d’autres outils et médias pour dompter nos asymétries cognitives.
Existent-elles déjà ? Peut-on les voir et les comprendre ?
Les transitions en cours vont nous faire « atterrir » sur une autre planète, littéralement. Nous glissons déjà dans ce monde radicalement différent dans lequel « nous n’aurons pas le luxe de la collapsologie » pour reprendre l’expression d’Achille Mbembe [émission de France Culture]. Sans doute irons-nous puiser de l’inspiration dans les mégalopoles d’Asie ou d’Afrique, où « on y répare sans cesse. Une porte. Une voiture. Une étoffe. Des gens. Je [Achille Mbembe] préfère me concentrer sur ces micro-mécanismes de réparation et de relance du vivant » et non dans nos smart cities ?
Combien de structures mentales, de postures, de tradition devrons-nous remettre en question et transformer ? A quelle vitesse ? Et bien sûr vous vous en doutez, il ne faudra pas seulement éteindre la lumière en sortant de la pièce. Tout va y passer, en profondeur : alimentation, consommation, énergie, mobilité, mode de vie, même notre language pour commencer puis nos codes sociaux, notre relation aux autres et au vivant en général pour recommencer, itérer et chercher à aligner l’être et le faire. Nous ne pourrons pas faire l’impasse sur la matrice des matrices : la monnaie et son mécanisme de création, tant elle conditionne notre perception de la richesse, nos comportements et nos vies. Rapidement nous devrons également rendre visible ces transformations invisibles qui s’opère(ro)nt en nous ?
Vous l’aurez compris, c’est une nouvelle ontologie qu’il nous faut construire en engageant notre être, en s’autorisant à faire autrement, à se bricoler soi-même, à interroger chaque norme sociale. Il ne s’agit pas d’un effondrement mais d’une véritable évolution du vivant.
]]>Cela faisait plusieurs mois qu’elle s’en doutait. Maintenant c’est une certitude. Le courrier de sa compagnie d’assurance est formel, Sarah devra porter son traceur de santé dès le mois prochain en janvier 2027. L’identification basée sur son rythme cardiaque devra être faite chez une personne habilitée par la compagnie.
Le traceur devra être porté au moins 18 heures par jour grâce aux progrès sur les batteries pour garantir un suivi complet, surtout les évolutions de plusieurs constantes. Sarah avait été alertée par son médecin et plus récemment par sa banque qui s’inquiétait aussi de son état dépressif et de son état physique. Pourtant Sarah était dans la moyenne avec son crédit de 40000 $, mais de plus en plus de jeunes actifs ne pouvaient plus rembourser et cette dette dépassait maintenant les 2000 millliards. Les banques et assurances se lançaient désormais dans un plan massif visant à réduire ce risque et donc à essayer d’améliorer l’état de santé des américains. Il s’agit à la fois d’espérer maintenir une croissance économique en conservant une certaine “productivité” tout en espérant réduire les impayés.
Apple et Google / Fitbit, ainsi qu’une multitude d’acteurs proposent des traceurs à bas prix remontant une multitude de données de santé : rythme cardiaque, pression, activité physique en général, qualité du sommeil. Amazon avait commencé par ses salariés pour ouvrir maintenant un service similaire de tracking et conseils.
Tout est en place pour déployer un puissant système de surveillance sanitaire.
Les futurs crédits intégreront dès le départ l’obligation d’un traceur pour bénéficier des “meilleurs taux”. Le système de crédit social chinois intégrera d’ailleurs des mesures équivalentes d’ici quelques mois.
Pour Sarah, il n’y avait pas d’alternative et finalement elle s’était habituée à son traceur sans vraiment mesurer toutes les conséquences. Et puis quasiment tout le monde en avait un. Pour améliorer son rythme cardiaque et le nombre de pas par jour, Sarah avait décidé de moins utiliser sa voiture. Au bout de trois mois, elle avait tout essayé et un trajet en vélo puis en métro lui garantissait le meilleur compromis temps / activité physique. Mi 2027, Google avait d’ailleurs intégré à Google Map une synchronisation avec Fitbit et la majorité des traceurs et un calcul d’itinéraire qui optimise activité physique et durée.
Les conséquences de ces mesures ont été massives en peu de temps sur l’utilisation des transports publics, des modes actifs et bien sûr sur l’utilisation de l’automobile. Le lobby des constructeurs automobile a rapidement fait pression au plus haut niveau pour atténuer l’impact de ces mesures d’autant que les ménages supportaient de moins en moins les crédits automobiles. Pour les constructeurs, les marges de manœuvre restaient faibles d’autant que la plupart avait décidé de “sous-traiter” à Google ou Amazon “l’entertainment” et les systèmes d’information embarquée. Logiquement la voiture connectée au traceur indique donc au conducteur de s’arrêter pour avoir une activité physique, prendre un autre moyen de transport plus “actif”. Quelle ironie, une voiture qui vous conseille de ne pas l’utiliser…
Et après …
On nomme protocole les conventions qui facilitent une communication sans faire directement partie du sujet de la communication elle-même
L’IC dite holomidale constitue cette nouvelle forme d’intelligence sociale augmentée. Cette IC vient du concept d’holoptisme, holo – le tout, optisme – voir, « voir le tout ». Cette IC permet la naissance de véritables « nations » de valeurs. Techniquement, elle s’appuie sur des cryptotechnologies capables d’intégrer ces valeurs dans le contrat social du groupe de façon simple. Il s’agit alors d’un nouveau protocole permettant aux individus de se coordonner en grand nombre sans effort. Comme nous avons ouvert le web et des ressources (chacun peut maintenant publier sur un blog, manipuler de grandes quantités de données, utiliser des IA open source), il sera possible d’exploiter le protocole pour configurer des règles de fonctionnement d’un collectif et ses objectifs. En étant totalement distribué à la fois d’un point de vue des données, du logiciel et du matériel, si d’autres personnes adhèrent à la démarche, le collectif grandira sans aucune limite de taille, ni de vitesse d’action.
Ce protocole intégrant de nouvelles capacités monétaires, de nouveaux contrats sociaux permettra de créer de nouveaux flux, des monnaies, finalement de nouvelles règles de jeu. Chacun pourra le faire mais la puissance du collectif sera déterminé par la création de valeurs communes, partagée et compréhensibles pour rallier un grand nombre de personne.
Les récents mouvements sociaux montrent à la fois les volontés sociales pour sortir d’un système et les limites pour se coordonner, décider et produire sans faire appel précisément au système dont il s’agit de s’extraire. Ces mouvements, constitués d’un grand nombre d’individus aux cultures hétérogènes buttent notamment sur leur capacité à se voir évoluer : la réflexivité. Seuls les médias leur renvoient une image floue et décalée de leur propre dynamique. Inévitablement, le collectif retombe dans une forme d’IC pyramidale pour avancer et revient alors dans la situation précédente.
Ce protocole permettra la coordination de dynamique sociale complexe composée d’individus « individués », c’est-à-dire ayant chacun une culture, des opinions, des critères. L’IC dite en essaim permet déjà de coordonner des milliers de fourmis ou d’abeilles. Mais le comportement de ces dernières sont déterminées par les gênes et l’alimentation, elles ne sont pas individuées, ne changent pas d’avis. Le protocole gèrera simultanément une multitude d’individuation capable d’avoir des opinions, des divergences et une dynamique collective. C’est inédit dans l’histoire du vivant.
En complément du protocole technique, une évolution culturelle, qui a déjà commencé, pourra se développer par la pratique dans des collectifs de plus en plus grands sur des sujets de plus en plus complexes. Il sera alors possible de rendre visible et supprimer les barrières créées par l’IC pyramidale pour exister : concentration monétaire, panoptisme, marketing et consommation de masse. Mais la vitesse de cette évolution va dépendre de la place disponible aux individus pour se lancer : les espaces vides.
Plus que jamais, la société a besoin d’espace vide pour se réunir, pour échanger, pour créer. Ce sont des espaces physiques mais également mentaux. Là où l’on va pour développer des idées, des projets qui ne rentrent pas dans les cases existantes, décidées par d’autres en général pour reproduire ce qui existe. Là où l’on va quand on cherche des avis, des partenaires, des critiques constructives. Là où l’on va quand les lieux, les entreprises, les incubateurs existants ne conviennent pas. Là où on ne juge pas à priori et où on améliore à posteriori. Là où l’on va quand on ne sait pas où aller. Ces espaces vides et les guides pour nous accompagner dans ces phases de lancement s(er)ont essentiels.
Les protocoles ne sont finalement qu’une banale question technique. Nous la résoudrons. Peut-être d’ailleurs qu’Holochain, Solid ou Duniter constituent déjà les composants de ce protocole. Comme les bases techniques d’internet, de l’aviation ou de tous autres systèmes complexes, les utilisateurs ne verront pas les couches basses, ils utiliseront les interfaces du protocole pour construire « au-dessus » de nouvelles formes d’action. Ces nouveaux projets feront émerger d’autres cultures, montreront par l’exemple, leur capacité à résoudre les problèmes modernes de nos sociétés bien mieux que les acteurs à IC pyramidale. Se faisant, ils attireront de nouveaux talents, une grande diversité et accéléreront la bifurcation du vivant. L’IC holomidale pourra alors déployer sa principale valeur : une évolution majeure de notre perception individuelle de soi et des autres, de nos priorités, de notre vision et compréhension du monde. En supprimant les barrières construites par l’IC pyramidale pour fonctionner, notre espèce poursuivra son évolution vers plus de complexité. Ne cherchons pas à faire résoudre les problèmes complexes aux structures utilisant l’IC pyramidale, elles en sont simplement incapables ; ce n’est pas de la mauvaise volonté, juste une limite structurelle. Investissons par contre dans le développement du protocole, des espaces vides et des guides.
Cette forme d’IC ne va pas pour autant supprimer l’IC pyramidale comme nous utilisons toujours l’IC originelle de nombreuses fois au quotidien. Mais la résolution de problèmes à haut niveau de complexité sera adressée principalement par des collectifs, dont la raison sociale reste à inventer, fonctionnant grâce au protocole.
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