En Europe notamment, le prix du carburant à la pompe contient une forte proportion de taxes (TIPP, TVA). Ces taxes ont des effets bien connus :
· d’amortisseur des fluctuations du prix du pétrole brut qui ne se répercute pas avec les mêmes amplitudes sur les carburants. On peut noter à l’inverse que le carburant pour l’aviation (jet A1) ne comporte aucune taxe, obligeant les compagnies à des surcoûts lorsque le baril augmente.
· dissuasif sur la consommation de carburant en les rendant plus « chers », et facilitant ainsi le développement des économies d’énergies chez les consommateurs et les industriels du secteur,
· d’effet de levier pour développer les modes alternatifs à l’automobile, de nouvelles mobilités ou les transports en commun,
· et participe d’une certaine façon au paiement des externalités des émissions polluantes, bruits issus du transport routier.
Ce support physique supporte aujourd’hui une part importante des externalités et des taxes de la mobilité en général. Il est directement lié à cette mobilité en quantité (distance parcourue) et en qualité (style de conduite, type de véhicule choisi). Ce support est donc très pertinent.
Néanmoins, avec un prix du gazole à 1.5 euros à la pompe comme nous l’avons vécu en 2008, le vol de carburant a subi une augmentation importante en commençant par les plus gros réservoirs : les camions.
Sur les bases d’une enquête réalisée sur 100 transporteurs, 99% ont eu des vols de carburant de l’ordre de quelques pourcents de leur consommation. Il n’existe pas de moyen simple pour protéger les réservoirs. Bien sûr la surveillance, les assurances se développeront, ne résolvant pas le problème.
Notons au passage que les carburants gazeux, critiqués pour leurs logistiques complexes n’étant pas liquides, pourraient tirer parti de cet inconvénient étant très difficile à voler.
Il nous faut penser à faire payer la mobilité en utilisant peu ou pas ce support physique, sur la base de l’utilisation réelle des véhicules, en fournissant aux pouvoirs publics plus de possibilités d’ajustement, plus de souplesse.
Et si nous étions capable de connaître les émissions de CO2 réelles des véhicules en circulation, ainsi que leurs conditions de conduite ? La Hollande étudie depuis de nombreuses années le Roadpricing, système permettant de faire payer la mobilité en se basant sur l’utilisation réelle des véhicules – intégrant la problématique de la congestion – en s’appuyant sur des solutions éprouvées. Les technologies sont pour la plupart disponibles, mais les dérives sont multiples, les critiques justifiées, la consultation nécessaire.
Les citoyens devront être convaincus que les bénéfices communs seront supérieurs à la solution actuelle, qu’un prix élevé du carburant à la pompe présente des risques sociaux non négligeable, que les usages des données collectées devront être limités, contrôlés, éventuellement certifiés par des collectifs d’usagers eux-mêmes. Il faut rappeler que cette situation ne doit pas être comparée à la situation actuelle, mais au prolongement de la situation actuelle si rien 'est fait : surveillance étendue des stations services, des parking, sans doute également des véhicules eux-mêmes.
Si nous utilisons les émissions de CO2 produites en temps
réel, en associant avec le style de conduite, les conditions de trafic, nous serons capables :
· de transférer progressivement les taxes adossées aux produits pétroliers, réduisant ainsi la « désirabilité » des réservoirs, à une taxe globale de mobilité basée sur des données numériques,
· de proposer des taxes beaucoup plus progressives, adaptées à l’usage réel des véhicules, ouvrant des possibilités inédites :
o premiers kilomètres sans taxe possibles pour certaines catégories sociales,
o augmentation des taxes avec les distances parcourues (sur le mode des tranches d’imposition),
o forte augmentation des taxes avec un style de conduite agressif (la façon dont on parcourt une distance est aussi importante que la distance elle même)
Parler et changer de taxes n’est jamais chose facile, doit-on, pour autant, ne pas y penser ?