Accueil Après la microfinance, la microphilanthropie ?

Après la microfinance, la microphilanthropie ?

par Gabriel PLASSAT

Pourquoi s'intéresser à la philanthropie dans la mobilité (déjà un peu abordé ici) ? Parce qu'en agissant du coté de l'offre (industries) et de la demande (consommateur), elle pourrait permettre de faire pénétrer massivement des solutions aujourd'hui marginales en s'intéressant aux plus faibles et en restaurant du lien social. Mais aussi parce qu'elle va se fondre dans la communication des entreprises, parce que le don et le produit seront vendus ensemble, nous avons tous intérêt à bien comprendre cette philanthropie 2.0, sujet central du blog La Fontaine de Pierre. Il faudra ensuite tenter d'en prévoir les effets, les limites, les risques et les opportunités.

Du grec philos (ami), et anthropos (homme), la philanthropie est la philosophie ou doctrine de vie qui met l'humanité au premier plan de ses priorités. Un philanthrope cherche à améliorer le sort de ses semblables par des multiples moyens, et ce de manière désintéressée.

Et c'est dans le pays le plus libéral que la philanthropie s'exprime le plus ! Avec des ressources de 866 milliards de dollars, l’économie à but non lucratif représente près de 8,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) des Etats-Unis – davantage que le PIB de pays comme le Canada, l’Australie ou le Mexique. Elle emploie 11 millions de salariés, soit 7 % de la population active – trois fois plus que l’agriculture (voir ici). Est ce que les Américains sont plus généreux ? Ceci s'explique en partie par un Etat moins présent auprès des plus faibles, mais pas uniquement …

Regardons du coté de la demande, les consommateurs/citoyens. Dans le métro, admettons que la distance normale ordinairement admise pour tenir la porte à celui qui nous suit soit de dix pas. Si on la retient au-delà de cette distance, on engage généralement un processus étonnant : la personne qui suit montre qu’elle se presse en accélérant le pas de manière saccadée et en adressant un sourire un peu contraint. Quand elle arrive enfin à la porte, elle remercie sincèrement. Elle se sent alors généralement obligée de tenir à son tour la porte au suivant, un peu plus longuement que ne le prescrivent les conventions, comme si elle souhaitait transmettre notre don à un autre, aux autres. En donnant, on modifie ainsi assez aisément le schéma conventionnel des relations dans les transports en commun et ailleurs : on amène l’autre à donner à son tour, à soi et à d’autres. Le don, les actions "anti-utilitaristes" sont le sujet central du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences sociales) d'où j'ai tiré cet exemple.

Pourquoi écrire un article sur Wikipédia ? pas d'argent, uniquement le sentiment d'avoir participé à une oeuvre collective, n'est ce pas de la µphilanthropie ? Ceci est le sujet du livre de Y.Benkler (ici) qui a décortiqué les raisons pour lesquelles des personnes effectuent un travail sans attendre de rémunération. Cette µphilanthropie se diffuse grâce à internet, réseau qui connecte pour la première fois le diffus. Et demain ? encore plus d'information partagée, coproduite, des objets en partage (vélo, puis voiture), création d'un marché spot des places libres dans les voitures pour mettre en relation offre et demande (covoiturage dynamique) … La philanthropie peut s'étendre sans limite.

Du coté de l'offre, les entreprises. Les possibilités sont également infinies, sous forme de marketing, de stratégie, de gestion du personnel. Starbuck fait du commerce équitable et de la couverture santé pour ses employés, une stratégie, un marketing, un acte altruiste ? Tout cela à fois, et cela fonctionne. Le pays qui a inventé la µfinance, fait émergé de nouvelles valeurs dans l'entreprise (article complet ici), de nouvelles méthodes pour coupler profit et social :

Following the model pioneered by microfinance institutions, a group of entrepreneurs across the country are setting up firms that seek to fulfil the twin aims of making profit while providing social uplift.[…] “We are right at the inflexion point and will see the emergence of more social ventures that will raise commercial capital to build for-profit businesses and investors willing to take the risk of investing in such enterprises,” says Vineet Rai, founder and chief executive officer of Aavishkaar Venture Management Services, who pioneered the trend of making risk capital available to entrepreneurs aiming at helping society with their business.

Et invente ainsi de nouveaux métiers, de nouvelles pratiques pour relier, informer le diffus :

The scale that social enterprises can deliver is evident in organisations such as NASVI, a Delhi-based outfit that has built up a database of 10 million street vendors and in March this year will launch a mobile marketing interface for their services. “If a customer sends an SMS looking for a vegetable vendor, we will link them up with our registered street vendor who services that area and can then deliver vegetables at the customer’s doorstep,” says Arbind Singh, co-ordinator, NASVI who says the service will also include a rating of the vendor that customers can refer to. NASVI is working to close a deal for the SMS service with a leading mobile telephony company.

ou encore :

Also, the bottom of the pyramid market is a fractured one. “The 600 million poor are not a monolith. Selling to them requires different strategies across regions,” says Harish Hande, managing director, Selco-India, a 15 year old enterprise that has marketed solar solutions for semi-urban and rural areas. Hande raised $2.1 million for Selco from a mix of social investors such as Swiss clean technology investor Good Energy and US-based philanthropic foundation, Lemelson Foundation.

We will have village-level brokers with technology interface who will offer farmers access to electronic exchanges where they can pick the best price for their commodities without having to physically be present at the mandi,” says Ananth, who says the firm will follow the franchise model
to build large scale linkages between rural producers and urban consumers.

Ces innovations sont relativement mineures au niveau technologique, mais pas au niveau de la méthode, des moyens utilisés, des objectifs visés, des partenariats noués, et des services rendus aux utiliseurs. En matière de transports et mobilités, en associant l'offre et la demande, des entreprises plus ouvertes à des actions sociales, des citoyens créatifs qui n'attendent que la mise à disposition de données, la philanthropie 2.0 est décidemment un champs d'innovation pour tous. 

 

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