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Théorie des jeux et confiance appliquées aux transports

par Gabriel Plassat

La théorie des jeux étudie les situations où les choix de deux protagonistes — ou davantage — ont des conséquences pour l’un comme pour l’autre. Cette théorie analyse notamment les comportements — prévus, réels, ou tels que justifiés a posteriori — d’individus face à des situations d’antagonisme, et cherche à mettre en évidence des stratégies optimales. Des situations apparemment très différentes peuvent parfois être représentées avec des structures d’incitation comparables, et constituant autant d’exemples d’un même jeu.

Plusieurs catégories de jeux ont été établies :

  • jeu à somme nulle (respectivement non nulle) : Les jeux à somme nulle sont tous les jeux où la somme « algébrique » des gains des joueurs est nulle. Ce que gagne l’un est nécessairement perdu par un autre, l'enjeu est la répartition du total fixé, qu'on peut supposer réparti à l'avance, ce qui ramène au cas où les gains sont vraiment nuls (d'où la dénomination). Les échecs ou le poker sont des jeux à somme nulle car les gains de l’un sont très exactement les pertes de l’autre.
  • coopérative (resp. non coopérative) : Les jeux coopératifs sont des jeux dans lesquels on cherche la meilleure situation pour les joueurs sur des critères tels que la justice, l'entraide. On considère qu'ensuite les joueurs vont jouer ce qui aura été choisi, il s'agit d'une approche normative. Par exemple, à un croisement, chacun des deux automobilistes a la possibilité de passer ou non. Le code de la route impose sa stratégie à chacun des joueurs par une signalisation.
  • synchrone (resp. asynchrone) : Dans un jeu synchrone, les joueurs décident de leur coup simultanément, sans savoir ce que les autres jouent. Dans un jeu asynchrone (ou alternatif, à deux joueurs), ils jouent les uns après les autres, en disposant à chaque fois de l’information sur le coup de l’adversaire. Une analyse des stratégies gagnantes est proposée pour le hex, un jeu de cette nature.
  • avec des informations parfaites (resp. imparfaites) : on dit qu'un jeu est à information complète si chaque joueur connaît lors de la prise de décision : ses possibilités d'action, les possibilités d'action des autres joueurs, les gains résultants de ces actions, les motivations des autres joueurs.

Les citoyens qui se déplacent tous les jours font des choix, plus ou moins contraints, mais des choix concernant le mode choisi, les horaires, les trajets, les distances. Leurs comportements pourraient pour une aire urbaine donnée s'étudier à travers la théorie des jeux.

Aujourd'hui, chacun optimise ses propres critères (temps, argent notamment) sans chercher à trouver l'optimum général. Chacun attend que l'autre change, annonçant simultanément les difficultés et problèmes générés par les transports.

Les mobilités quotidiennes peuvent être classées :

  • dans des jeux à somme non nulle (les émissions de polluants et de GES croissent plus ou moins fortement en fonction des choix modaux et des déplacements réels, mais croissent …),
  • non coopérative, synchrone avec des informations imparfaites.

La recherche d'un optimum global a été étudié, il s'agit de l'équilibre de Nash. L'équilibre de Nash définit des situations d'équilibre très stables, mais non nécessairement optimales. Dans le cas d'agents isolés, ou d'une population trop nombreuse pour se coordonner, cela reste donc une notion très efficace.

Dans le cas d'interactions négociées ou encastrées dans un milieu social qui permettent la communication et l'engagement, il faut corriger, soit en intégrant le cadre au jeu — l'intervention du « Milieu » menaçant dans le dilemme du prisonnier — soit en faisant appel à des modèles d'anticipation ou de confiance des agents en la négociation. Le dilemme du prisonnier est un exemple célèbre de la théorie des jeux caractérisant les situations où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où les incitations à trahir l'autre sont si fortes que la coopération n'est jamais sélectionnée par un joueur rationnel lorsque le jeu n'est joué qu'une fois. Il illustre ainsi que les concepts d'équilibre de la théorie des jeux ne conduisent pas nécessairement à des allocations qui seraient pourtant préférées par tous les joueurs.

La forme habituelle de ce dilemme est celle de deux prisonniers (complices d'un délit) retenus dans des cellules séparées et qui ne peuvent communiquer.

  • si un des deux prisonniers dénonce l'autre, il est remis en liberté alors que le second obtient la peine maximale (10 ans) ;
  • si les deux se dénoncent entre eux, ils seront condamnés à une peine plus légère (5 ans) ;
  • si les deux refusent de dénoncer, la peine sera minimale (6 mois), faute d'éléments au dossier.

Concernant les transports, le changement est nécessaire, ne pas changer reste le plus simple et généralement l'optimum individuel (temps, argent) sans tenir compte des externalités. Une traduction pour 2 groupes d'individus pourrait être :

  • si les deux groupes changent vers des mobilités plus efficaces et propres, les offres se développent et l'ensemble des contraintes (€, temps et environnement) reste constante,
  • si un groupe change et l'autre ne change pas, les offres se développent peu, le groupe qui a changé subit des contraintes en forte augmentation (temps essentiellement), celui qui n'a pas changé voit ses contraintes légèrement augmentées, soit par une augmentation de la congestion, soit par une augmentation des coûts. Les charges sur l'environnement augmentent.
  • si aucun groupe ne change, les offres alternatives se réduisent, rendant difficile les futurs changements, les contraintes augmentent (mais moins que le cas précédent pour celui qui a changé) par la congestion et les coûts incluant les externalités (charge environnementale en forte croissance).

L'intervention du "Milieu" vient essentiellement des collectivités publiques via les politiques de stationnement, péages et gestion des infrastructures, et demain un management global des mobilités.  Cette intervention est essentielle pour fournir des "
avantages" au groupe qui change et accroitre les charges sur celui qui ne change pas. Mais pour sortir du dilemne du prisonnier dans lequel nos comportements individuels nous enferment, et trouver l'équilibre de Nash, il faut introduire de la confiance.

Michela MARZANO, philosophe, nous indique que développer la confiance, passe par l'acceptation  du risque de la trahison, et de la dépendance, renforçant également la cohésion.

1 commentaire

MD 10 septembre 2010 - 15 h 56 min

Bonjour,
Votre transposition est intéressante, et beaucoup de points m’ont paru pertinents. Cependant l’interprétation des 2 groupes d’individus me paraît trop schématique (peut-être est-ce d’ailleurs tout à fait intentionnel ?!). A mon sens, la recherche de l’optimum individuel devrait apparaître dans cette traduction. Les groupes d’individus ne peuvent avancer dans une stricte parallèle, car eux-mêmes sont mouvants dans leur constitution (des individus rejoignent ces groupes, d’autres les quittent). Chaque nouvel individu apporte ses contraintes et ses choix rendant donc difficile le développement de l’offre transport. Difficile mais pas impossible, cela se traduit alors par ce besoin du milieu, ce déséquilibre constant, ce manque de souplesse et cette non-confiance. Sur ce point, il aurait été intéressant de le développer. Comment introduire la notion de confiance lorsque l’on ne connaît aucun des individus qui composent le groupe ?

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